Melik Kochbati, fidèle lecteur de ‘‘Kapitalis’’, nous a envoyé un courriel où il nous reproche d’avoir donné trop d’importance à «certaines informations ridicules», parlant du mariage annoncé entre le ministre français de l’Immigration, M. Eric besson, et la jeune étudiante tunisienne Yasmine Torjeman. Nous publions, avec son autorisation, le texte de ce courriel où il critique certaines de nos positions et exprime un point de vue qui mérite d’être entendu.
Cher Mr Kefi,
Je me permets de vous recontacter au sujet de votre second article sur Besson/Tordjeman. J’aimerai apporter une précision à l’exemple que vous citez pour argumenter de la déferlante des propos indécents sur cette information. Stéphane Guillon est un humoriste, et cette phrase a été dite dans la cadre d’une chronique (vous le précisez), ce qui l’exclue de fait de la catégorie des commentaires (ceux-ci se définissant plutôt comme des réactions, d’autant plus que vous en citez les sources possibles «dans les médias, les sites web et les blogs français»); que par cette chronique, Stephane Guillon tenait à dénoncer avec son cynisme caractéristique la politique raciste de Mr Besson (le gouvernement français souhaite par l’entremise de M. Besson faire passer une loi sur les mariages gris, et punir de ce fait le dol sentimental).
Doit-on être choqués par celui qui dénonce ou par celui qui met en place cette politique? Que le procédé humoristique dérange M. Besson, ses partisans, le gouvernement français et les bien-pensants, soit; mais qu’il vous dérange en tant que journaliste indépendant et rédacteur en chef d’un webzine je ne me l’explique pas.
Les derniers remous de l’affaire des humoristes trublions, empêcheurs de tourner en bourrique (Guillon, Bartes...) en France devrait plutôt vous inquiéter, car ils dénotent un recul net des libertés, et les différentes interventions du chef de l’Etat français dans la nomination des partons de médias d’une nette ingérence et d’une volonté de contrôle manifeste (procédés auxquels vous devez malheureusement être familiers). Au contraire de ce que vous dites : «Là est toute la question...»
Par ailleurs, je tiens à réagir encore plus vivement à votre dernière phrase: «L’honneur de Yasmine Torjeman et de sa famille, la petite (les Torjeman) et la grande (les Tunisiens), compte tout autant.»
De quel droit, vous permettez vous de faire de Yasmine Torjeman un membre de ma famille (étant moi-même tunisien). Par quel mécanisme en faites-vous une fierté nationale, au point que nous devons nous sentir offusqués par les critiques acerbes ou les commentaires désobligeants qui lui sont adressés? Selon quelles lois (scientifiques) devons-nous être solidaires d’une jeune fille qui a fait un choix controversé non seulement pour son compte, mais pour le compte de l’ensemble des Tunisiens, ou plutôt des Tunisiennes, désormais assimilées à des opportunistes avides d'argent et de pouvoir (je précise qu’il ne s’agit pas là d’un jugement, uniquement d’une tendance qui apparaît dans de nombreux commentaires sur internet que vous auriez-pu utiliser comme exemple à d’autres types d’arguments)?
Elle est bien évidement libre d’agir comme bon lui semble, et je suis libre de me sentir agressé par cette solidarité factice que vous tentez d’imposer, et par ce procédé de titillement de l’orgueil et de la fierté nationale sur un sujet aussi banal que les remous provoqués par la vie privée d’un couple qui fera plutôt la une des tabloïds que des livres d’histoire.
Mr Kéfi, sauf le respect que je vous dois, vous faites, il me semble, une erreur d’appréciation que je me m’explique pas.
Merci d'avoir pris le temps de me lire,
Cordialement
Melik Kochbati
Réponse de Kapitalis
Merci pour votre intérêt pour ‘‘Kapitalis’’. Nous souhaitons avoir des lecteurs aussi perspicaces. Cependant, autant nous comprenons (et souscrivons même) à certains de vos arguments, autant nous avons le sentiment que vous saisissez mal la portée de notre réaction.
Vous comprenez bien que nous ne pouvions reproduire les réactions très désobligeantes contenus dans certains forums et blogs français autour de ce projet mariage hyper-médiatisé. Vous admettez aussi que, dans les réactions qu’il a suscitées, ce n’est pas Yasmine Torgeman ni Eric Besson qui sont souvent visés. Malheureusement, les sous-entendus concernent souvent les immigrés, les Maghrébins, les Musulmans, et les amalgames sont rapides, et parfois assassins. C’est cela que nous déplorons.
Le fait d’assimiler la future mariée à une «jeune étudiante tunisienne ayant des difficultés à obtenir des papiers en France» et son projet de mariage avec M. Besson à un «mariage gris», même au second degré, participe malheureusement d’un certain mépris qui nous révolte, en tant que Tunisiens, Maghrébins et Musulmans. Car nous saisissons bien les sous-entendus qui infestent ce genre de discours où l’identité de la personne, sa nationalité et sa religion sont délibérément (et pernicieusement) mis en avant.
Ridha Kéfi
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