«Rached Ghannouchi doit quitter Ennahdha! Il mène le parti et le pays au désastre!». Ce n'est pas Béji Caïd Essebsi qui s'exprime ainsi, mais le co-fondateur et vice-président d'Ennahdha, Abdelfattah Mourou.
M. Mourou, qui s'exprime dans une interview avec le magazine français ''Marianne'', estime que Rached Ghannouchi, le président du parti islamiste, risque de mener par son extrémisme le pays à l'abîme.
Selon lui, Ghannouchi est entré avec l'appareil du parti dans une lutte fratricide contre le premier ministre Hamadi Jebali, qui, après le meurtre de l'opposant de gauche Chokri Belaid, a annoncé sa volonté de constituer un nouveau gouvernement apolitique de compétences.
Dans l'interview accordée à Martine Gozlan, cheikh Mourou évoque une récente discussion avec Rached Ghannouchi: «Il y a quelques jours, j'ai demandé à Rached Ghannouchi s'il pouvait circuler sans peur en Tunisie. Il m'a répondu que non, qu'il avait peur des gens (à la suite du meurtre de Chokri Belaid, la foule des opposants a régulièrement conspué Ghannouchi, accusé par la rumeur d'avoir placé des polices parallèles au ministère de l'Intérieur, Ndlr). Je lui ai demandé: comment expliques-tu que le peuple tunisien veuille te chasser? Il n'a pas répondu. Je lui ai dit que moi, je circulais à pied, partout, et que chacun me saluait en souriant.»
En conséquence, M. Mourou appelle «à ce que soit convoqué un congrès extraordinaire d'Ennahdha pour en changer la direction qui mène le parti et la Tunisie au désastre.» Et pour cause: «Rached Ghannouchi et sa direction sont en train de faire de notre parti une affaire familiale. Qu'il soit contrôlé par des gens qui ne s'ouvrent pas à la réalité et à la modernité est une catastrophe. Je dénonce Habib Ellouze (un député Ennahdha ultra, Ndlr) qui, pendant la manifestation devant l'ambassade de France, criait que les laïcs tunisiens devaient dégager. Mais la Tunisie leur appartient à eux aussi! Si vous êtes au pouvoir, vous devez vous comporter en père de famille!», a expliqué Mourou, qui semble vouloir prendre ses distances de l'aile dure du parti Ennahdha, dominant aujourd'hui le parti.
M. Mourou va plus loin en affirmant que Rached Ghannouchi «doit se retirer pour que d'autres puissent instaurer la paix sociale en Tunisie», car «nous avons besoin de dix années de paix pour faire de notre petit pays un nouveau Singapour. Rien ne nous manquera pourvu que nous ayons la liberté entre nos mains. On n'a pas fait la révolution pour donner les clés du pays aux salafistes et aux ultras de la gauche».
I. B.