Tous leurs faits et gestes l'attestent : les Nahdhaouis n'ont pas le sentiment d'appartenance à la nation tunisienne; ils se sentent plutôt appartenir à un territoire faisant partie d'une hypothétique «oumma» islamique.
Par Moez Ben Salem
En ce jour du 20 mars 2013, qui devrait marquer le 57e anniversaire de l'indépendance de la Tunisie et près de 16 mois après la mise d'un gouvernement provisoire, à dominance nahdhaouie, une question me turlupine et revient de manière lancinante dans mon esprit : «les Nahdhaouis se sentent-ils Tunisiens?»; autrement dit, sont-ils fiers d'appartenir à cette nation tunisienne héritière d'une civilisation trois fois millénaire et ressentent-ils une quelconque émotion en voyant flotter le drapeau tunisien ou en écoutant l'hymne national tunisien?
Les nahdhaouis sont-ils fiers d'appartenir à la nation tunisienne et s'attachent-ils à son drapeau?
Les Nahdhaouis de marbre devant le drapeau national
Plusieurs éléments me font penser le contraire, notamment cette propension chez les Nahdhaouis à bouder, à ignorer, voire à mépriser les fêtes nationales tunisiennes, mais également certains comportements et certaines attitudes qui me paraissent édifiants vis-à-vis de leur état d'esprit.
D'abord, un certain mardi 6 mars 2012 à la faculté des lettres de la Manouba, un salafiste dénommé Yassine Bdiri a osé arracher le drapeau tunisien pour le remplacer par le drapeau lugubre des salafistes. Si ce geste a suscité une profonde émotion auprès de millions de Tunisiens, il semble avoir laissé de marbre les Nahdhaouis, dont certains ont même exprimé leur étonnement devant l'ampleur de la réaction de la société civile et se sont ouvertement réjouis de la libération rapide du coupable.
Le salafiste Yassine Bdiri enlève le drapeau national et le remplace par celui de son obédience à la Faculté de Manouba : les nahdhaouis restent de marbre.
Deux semaines plus tard, le 20 mars 2012, date du 56e anniversaire de l'indépendance de la Tunisie, plusieurs dizaines de milliers de Tunisiens ont envahi, drapeau à la main, l'avenue Habib Bourguiba, pour fêter comme il se doit ce glorieux évènement. Mais les Nahdhaouis avaient l'esprit ailleurs: ils ont préféré, ce jour la, se rassembler à la Coupole d'El Menzah pour écouter le prêche d'un petit prédicateur d'importation!
Le tournant majeur du 9 avril
La date du 9 avril 2012 marque sans doute un tournant majeur dans la relation entre Ennahdha et une très large frange de Tunisiens ; ce jour-là, pour commémorer la fête des martyrs tunisiens tombés un certain 9 avril 1938 en luttant contre l'occupant français, environ 5000 tunisiens de tout âge ont fait une marche pacifique à travers l'avenue Mohamed V. Mais la police tunisienne, encadrée et infiltrée par les milices nahdhaouies, ne l'entendait pas de cette oreille; à coup de gaz lacrymogènes et de matraques, policiers et miliciens ont tabassé sans vergogne tous les participants à cette marche, provoquant un sentiment de choc chez ces derniers.
Le 25 juillet 2012 marque le 55e anniversaire de l'instauration du régime républicain en Tunisie. Plusieurs partis d'opposition ont tenu à fêter l'évènement comme il se doit, à travers des parades musicales au cœur de Tunis. Du côté d'Ennahdha, c'est le silence mortel qui prévaut, traduisant le «haut degré» d'estime des Nahdhaouis vis-à-vis des instances républicaines!
9 avril 2012: la police et les milices nahdhaouis chargent les Tunisiens célébrant la fête des martyrs. Où est passée l'enquête sur ces événements?
Quelques jours plus tard, à l'occasion de la fête de la femme célébrée comme chaque année en Tunisie le 13 août, plus de 20.000 femmes et hommes ont tenu à exprimer leur attachement aux droits de la femme tunisienne et au respect du Code du statut personnel, en déambulant à travers les rues de la capitale. Interrogé à ce sujet par une journaliste de la chaîne de télévision France24, un des responsables nahdhaouis, qui sera nommé plus tard Consul général de Tunisie à Paris, a déclaré qu'il s'agissait simplement de «femmes bourgeoises»!
Puis ce fût le triste jour du vendredi 14 septembre 2012 : suite à la diffusion d'un mauvais film blasphématoire, des centaines d'énergumènes hirsutes, «bien encadrés», ont attaqué l'ambassade américaine à Tunis, tentant même d'y mettre le feu. Le bilan sera lourd avec la mort de 4 assaillants mais le plus grave est que l'image de la Tunisie est ternie et que, du fait du laxisme coupable des autorités nahdhaouies le nom de notre pays sera placé sur une liste noire.
13 août 2012: Les femmes manifestent pour la défense de leurs acquis menacés. Un dirigeant d'Ennahdha les qualifie sur France24 de "bourgeoises". Il deviendra consul général de Tunisie en France!
Un mot plus tard, le 15 octobre 2012, à l'occasion de l'anniversaire de l'évacuation de Bizerte, le chef d'Ennahdha ne trouve pas mieux que d'insulter la mémoire du leader Habib Bourguiba, le père de l'indépendance de la Tunisie et le fondateur de la Tunisie moderne.
La logique de dénigrement et de l'effacement de l'histoire
Toujours dans cette même logique de dénigrement et d'effacement de l'histoire de notre pays, un groupe d'énergumènes ont lâchement agressé des syndicalistes qui s'apprêtaient à commémorer l'anniversaire de l'assassinat de Farhat Hached, le fondateur de la grande centrale syndicale l'Ugtt, l'homme qui a sacrifié sa vie au service de la Tunisie.
Les Nahdhaouis, grands absents des funérailles du leader national Chokri Belaïd, assassiné par des extrémistes... proches d'Ennahdha.
Puis ce fût cette terrible journée du 6 février 2013, au cours de laquelle le regretté Chokri Belaid, une des figures les plus marquantes de l'opposition tunisienne, un homme qui a consacré sa vie à défendre autrui, y compris des islamistes, a été lâchement assassiné. Si les Tunisiens sont sortis par centaines de milliers dans les rues pour exprimer leur émotion, leur colère et pour lui rendre un dernier hommage, les Nahdhaouis ont préféré inviter, à coup de billets de 20 dinars et de paquets de biscuits, leurs sympathisants à venir soutenir leur gouvernement chancelant.
Enfin, pour la seconde année consécutive, les Nahdhaouis manifestent leur désintérêt vis-à-vis de l'anniversaire de la fête de l'indépendance de notre pays.
En définitive, pour toutes ces raisons, je suis persuadé que les Nahdhaouis n'ont pas le sentiment d'appartenance à la nation tunisienne, ils se sentent plutôt appartenir à un territoire faisant partie d'une hypothétique «oumma» islamique, qui n'est autre qu'un sous-produit de la doctrine extrémiste wahhabite qui a désormais de fervents défenseurs parmi les adeptes d'Ennahdha.
Illustration : Caricature de Tawfik Omrane.