Sissi-Bouteflika-Banniere

Marzouki et Ennahdha attendent-ils un feu vert de l'émir du Qatar pour réajuster leur position vis-à-vis de l'Egypte, devenue de fait le voisin de la Tunisie et risque de l'être davantage si elle s'engage militairement en Libye.

Par Imed Bahri

 Kapitalis a été le seul média tunisien à évoquer la formation d'un axe politico-militaire Alger-Le Caire, dont l'objectif serait de prendre en tenailles les groupes terroristes écumant le désert libyen. Certaines sources évoquent même la présence des forces spéciales algériennes dans la profondeur du territoire de notre voisin du sud, alors qu'Alger reconnaît seulement que quelque 20.000 de ses soldats sont déjà à l'oeuvre près de la frontière tuniso-algéro-libyenne avec armes lourdes et hélicos.

L'Egypte se replace sur l'échiquier

Le coup d'envoi officiel de cet axe vient d'être donné, mercredi, avec la visite-éclair que vient d'effectuer le président égyptien Abdelfattah Sissi à Alger pour rencontrer son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika, tous les deux fraîchement et largement élus au suffrage universel.

L'agence Reuters a rapporté cette déclaration de Sissi à son arrivée à l'aéroport: «Nous avons le problème du terrorisme sur lequel nous voulons coordonner nos positions».

Rappelons que, pour le président Egyptien, les Frères musulmans sont une organisation terroriste.

Pour le journal algérien ''Al-Watan'', cette invitation algérienne lancée au président égyptien, qui fait l'honneur à l'Algérie d'être sa première destination après son élection, «est un désaveu sanglant des Frères musulmans de Morsi».

Mais c'est surtout la situation en Libye qui a été au centre des entretiens entre les deux dirigeants. C'est, en tout cas, ce qu'a déclaré Sissi aux deux chaînes Tv officielles des deux pays. Il y a quelque jours, ce dernier avait pointé du doigt son voisin de l'ouest pour être la source des problèmes sécuritaires de son pays en raison de l'infiltration de djihadistes.

D'un autre côté, c'est l'Algérie qui a pesé de son poids pour la réintégration de l'Egypte au sein de l'Union africaine (UA), alors que Moncef Marzouki et ses «employeurs» du parti islamiste Ennahdha avaient joué un rôle pour son exclusion prétextant un «coup d'Etat».

Une gifle pour Moncef Marzouki

C'est donc un retour triomphal de l'Egypte que nous assisterons au sommet africain qui se tiendra ce week-end à Malabo, en Guinée équatoriale, et où Sissi ne risquera pas de rencontrer notre président provisoire de la république. Et pour cause : ce dernier ne sera pas de la fête; et cela se comprend, car la réintégration de l'Egypte au sein de l'UA sonne comme une gifle à la diplomatie pseudo-révolutionnaire de Marzouki.

Abdelfattah-Sissi-Abdelaziz-Bouteflika

Abdelfattah Sissi et Abdelaziz Bouteflika étudient les moyens de contrer les groupes terroristes écumant la Libye.

Notre «provisoire», qui est pourtant très friand de sommets, a préféré faire une mini-tournée africaine pour rencontrer quelques chefs d'Etats qu'il aurait pu rencontrer à Malabo et épargner ainsi au pays des dépenses aussi somptueuses qu'inutiles.

En choisissant de se faire représenter au sommet par son secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, la Tunisie s'enfonce donc davantage dans son isolement devant un axe puissant Alger-Le Caire, sans pouvoir prétendre le contrebalancer. La présence à la tête de notre diplomatie d'un président qui ne rate aucune occasion pour aggraver cet isolement expose la Tunisie au danger de subir les contrecoups des changements géostratégiques qui s'opèrent devant nos yeux.

Quelques jours après son investiture, le président Sissi a reçu le roi Abdallah d'Arabie Saoudite qui, en quittant le Maroc où il se reposait, a tenu à aller féliciter lui-même le nouvel homme fort de l'Egypte. Deux jours après, c'est le secrétaire d'Etat américain John Kerry qui a fait le déplacement au Caire avec dans sa valise plus de 500 millions de dollars de donation à l'Egypte et 10 hélicos de combat pour lutter, a-t-il dit, contre le terrorisme.

Les Américains tentent ainsi de récupérer la situation en leur faveur, malgré la condamnation à mort prononcée et confirmée contre les leaders des «Frères» et leur «guide suprême» Mohamed Badii!

Marzouki et Ennahdha semblent êtres plus royalistes que le roi ou attendent-ils un feu vert de l'émir du Qatar pour réajuster leur position vis-à-vis de l'Egypte. Ce que ne semblent pas comprendre les conseillers de Marzouki, c'est que, l'Etat libyen n'existant malheureusement plus que sur le papier, l'Egypte est devenue de fait notre voisin et risque de l'être davantage si elle s'engage militairement en Libye.

Il est temps qu'un débat national soit engagé sur quelle diplomatie nous devons avoir avant que les dégâts ne deviennent irréparables.

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