Ce n’est pas la première fois que le public de l’Espérance s’enflamme et commet des violences dans les stades, mais ce que nous avons vu le soir du dimanche 3 octobre, au Stade du Caire, lors du matche Al Ahly-Espérance, a dépassé toutes les bornes.
On peut toujours chercher des explications aux scènes de violence qui nous ont été données à voir en direct à la télévision, mais ni le but généreusement accordé à Al Ahly et entaché d’une grossière faute de main, ni les soi-disant provocations du public cairote, et encore moins le vin qui aurait tourné la tête à certains supporters, ne sauraient être invoqués pour justifier l’emportement de quelques dizaines de supporters, les agressions qu’ils ont fait subir aux agents de l’ordre locaux et les actes de vandalisme dont ils se sont rendus responsables devant les caméras de la télévision.
L’image du pays est en jeu
Ces scènes sont inadmissibles et inexcusables. Autant elles nous attristent et nous révoltent, autant elles devraient nous donner à réfléchir sur les meilleurs moyens de sévir contre les brebis galeuses et d’organiser la riposte, et pas seulement sécuritaire, à ce genre de dérives qui risquent de nuire davantage à l’image du football tunisien et, par conséquent, à la réputation et au prestige de notre pays dans son ensemble.
Violences du 8 avril dernier, au Stade d’El Menzah, à Tunis.
Souvenons-nous des événements similaires qui ont émaillé la rencontre entre l’Espérance et le Club sportif Hammam Lif, le 8 avril dernier, au Stade d’El Menzah, à Tunis. Qu’a-t-on fait depuis pour prévenir ce genre de spectacles désolants? En réalité, pas grand-chose. Tout le monde y est allé de ses regrets et de ses appels à la raison. Pour le reste, rien n’a vraiment été entrepris pour raisonner les foules de supporters, maîtriser leurs élans dévastateurs et canaliser leur colère dans les gradins, et en dehors des stades.
Les sanctions sportives (matches joués à huis-clos) et/ou financières (amendes) infligées aux équipes ont montré leurs limites. Et pour cause: les équipes payent les amendes rubis sur ongle, puis vaquent au plus urgent, c’est-à-dire le matche suivant, laissant le public à ses frustrations et à ses démons.
Redimensionner le football
En guise de solution de fond, Kapitalis avait appelé, en avril dernier, à œuvrer pour «un redimensionnement du football qui, de simple sport, est en passe de devenir un phénomène de société d’autant plus démesuré qu’il en arrive parfois à échapper à tout contrôle et à devenir carrément ingérable.»
Nous avons appelé à œuvrer pour rendre le football à sa véritable dimension, celle d’un sport populaire, voire d’un simple divertissement. «Redimensionner le football, cela veut dire offrir aux jeunes d’autres loisirs, d’autres centres d’intérêt, d’autres repères… Leur donner la parole, leur apprendre à discuter, mais aussi, et surtout, écouter leurs doléances, calmer leurs angoisses, atténuer leurs amertumes…», écrivions-nous alors.
L’ambiance continue d’être électrifiée dans les gradins.
Nos appels à des solutions moins homéopathiques pour mettre fin aux violences accompagnant souvent les matches de football sont malheureusement restés lettres mortes. Résultat: en ce début de saison footballistique, l’ambiance continue d’être électrifiée dans les gradins. Les relations entre les supporters et les dirigeants sont empreintes de suspicion et parfois même d’animosité. Chaque dimanche, les arbitres sont voués aux gémonies et accusés ouvertement de corruption. Les joueurs, qui ne brillent pas par leurs qualités morales et humaines, ajoutent souvent à la tension ambiante en commettant des gestes et des paroles déplacés. Les responsables sportifs, quant à eux, dépassés ou animés d’autres soucis, se défaussent sur les autorités sécuritaires, laissant le sale boulot à la police, elle-même parfois dépassée. Quid des parents, dont la démission n’a d’égal que le blanc seing laissé à leurs progénitures d’exhiber leurs muscles dans les endroits publics?
Il y a quelque chose de pourri au royaume de notre football. Et c’est dommage qu’on n’a pas su agir à temps pour éviter le spectacle désolant que nos supporters ont donné dimanche au Caire!
Il n’est jamais trop tard pour rectifier les tirs.
Ridha Kéfi
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