Certains médias cairotes se montrent vindicatifs après la douche «africaine» de l’Espérance au Congo... Les moins honnêtes ruminent la main d’Eneramo, les plus polis, la justice des pelouses! Puisque c’est comme ça, lâchons le morceau… Jamel Hani, Paris.


Partiaux, trop partiaux, les médias cairotes passent sous silence le poing dans la balle du joueur d’Al Ahly, en phase-aller de la demi-finale de la Ligue des champions africaine, remportée au retour par un poing dans la balle d’un Sang et Or à Tunis.
Pour ceux qui n’ont pas suivi, c’est un remake du bus algérien caillassé, affaire maquillée en une auto-lapidation algérienne, un remake du boxing à plate couture lors de la remise du même trophée africain en 2008 aux joueurs de l’Etoile sportive du Sahel au Stade du Caire! C’est aussi – le comble – une adaptation de la fâcherie loufoque de l’actrice égyptienne Ferdaous Abdelhamid, lors de précédentes Jcc «sans» pour les Egyptiens. Elle s’en était alors prise «à l’égyptophobie du jury» (sic!), parce qu’il n’avait nominé aucune fiction «mysriya»!



Le Caire tout-puissant
Voici un morceau de lâché! Poliment. À la tunisienne! Encore et toujours! Une partie (trois traits sous «partie») de nos amis égyptiens jouent les héros persécutés, le Joseph Arabe, le peuple élu et envié! Par qui et pourquoi?
Les pyramides et les pharaons y sont pour quelque chose, mais ce délire des grandeurs ne fut institutionnalisé, à notre humble avis, qu’avec l’advenue des médias  de masse: d’abord la radio puis la télé, sans négliger une édition très en avance sur le reste des pays arabes!
Dans un contexte de suprématie médiatique absolue de l’Égypte, le discours nationaliste avait peu de chances de se départir des contraintes politiques et économiques cairotes! Un leadership essentiellement logistique, qui va «s’essentialiser» (conquêtes miliaires et politiques et aidant) en une constante régionale, un horizon stratégique indépassable! Avec une «métropole»  égyptienne et une «province» arabe! La tête au Nil et les jambes à la presqu’île!  
Dans son uniforme d’avant-garde militaire, médiatique et éditoriale, le Caire imposera un fait accompli autrement plus glorieux: elle forgera le credo médiatique du  «Caire  centre  de toute initiative arabe», à la faveur de la doctrine historique invérifiable: «L’Égypte est la mère du monde»!
Bien que les volontés unificatrices ne manquaient pas dans d’autres régions du monde arabe. Bien que des héros, aussi légitimes que Gamal, auraient pu prendre la tête du mouvement! Bien qu’une unité territoriale maghrébine avait permis des collaborations étroites entre différents mouvements nationalistes, sans le moindre truchement de Nasser! Bien que d’autres options arabophiles étaient là; précisément la fameuse «préférence arabe» du bourguibisme naissant, sorte de «travaux pratiques et non de cours magistraux» des idéaux philo-arabes! Une arabophilie bourguibiste «non exclusive», mais autrement plus dérangeante pour le Cairo-centrisme vainqueur!
Aucune bonne volonté n’avait alors les moyens de ses ambitions arabes. Aucune alternative ne pouvait passer les filets médiatiques d’obédience sinon d’accointances cairotes. Cela prenait comme une forme de chantage à l’«arabité», comme si l’arabité venait à se confondre avec «l’ordre cairote» et comme si une arabité plus démocratique, plus représentative n'était point possible....
Plus d’une fois «le combattant suprême» l’avait fait remarquer à son homologue égyptien: «Le Caire ne veut pas unir les Arabes, mais les guider!». A preuve, la déchirure ethnique et sociale à l’intérieur de l’Égypte (un idéal d’union ne pouvait se concevoir sans une unification interne), à preuve la grande armée défensive aux frontières soudanaises (un pays frère!), à preuve la surdité aux initiatives «périphériques» émanant du Maghreb notamment! À preuve enfin, la franche alliance avec l’URSS: une alliance contraignante, de nature à imposer un modèle particulier au «peuple arabe»: corps nouveau défini de l’extérieur par la deuxième puissance mondiale!

Le Caire se regarde voir
La suprématie populaire et politique du nassérisme dans la région tenait moins, semble-t-il, d’une puissance théorique, d’une quelconque intuition stratégique, que d’un ascendant médiatique. Elle reposait sur une logistique de diffusion autrement plus conquérante!
Cette suprématie populaire durera aussi longtemps que durera le contrôle médiatique des pharaons sur l’Arabie! Nous ne partageons pas la thèse voulant que l’égypto-centrisme était une doctrine d’État liée au nassérisme! Avant et après la guerre de libération de 1973, avant et après Camp David, avant et après Gaza, nous assistions au même «Donjuanisme cairote»! Profondément ancrée dans un nationalisme historique exclusif de tout partage ou primauté non Égyptienne (rappelons-nous les velléités de récupérer jusqu’au sang tunisien d’Ibn Khaldûn, Bayrem Tounsi! L’inexplicable domiciliation cairote de la Ligue arabe!), profondément ancrée dans ce nationalisme exclusif et objectivement réfractaire à toute volonté d’union, l’Égypto-centrisme s’affirmait dès le début contre tout autre nationalisme arabe! Essentialisé comme un droit d’aînesse civilisationnel, puis «vendu» comme un butin de guerre, la théorie du centre cairote a dépassé l’idéal nassériste, pour se constituer en un véritable «argument de race», au mépris de l’égalité des peuples, au mépris du principe moderne de l’égalité des individus! Au mépris de la criminalisation du racisme même au deuxième degré!

La fin de la suprématie médiatique
Une partie (encore trois traits sous partie, s’il vous plaît, car l’intelligentsia critique de ces divagations existait existe et existera toujours sur les rives du Nil), une partie de nos frères égyptiens sont imperturbables quand ils affirment que l’«Égypte est la mère du monde» et que la main d’Eneramo est naturellement «plus main» que celle de Fadhel, que la seconde est touchée par la grâce pharaonique! Ils sont de marbre en appelant à l’antenne au meurtre de supporteurs algériens!
Hélas cette suprématie médiatique, a vécu! Beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts! Et le Nil en est devenu jaloux! La doctrine du centre cairote a désormais les mêmes moyens médiatiques que n’importe quel autre délire du peuple élu, du Joseph arabe, du héros trahi! Le monde arabe a changé. Il foisonne de chaînes de télévision, de sites, de radios en ligne. Il n’est plus dupe, il est objectivement plus «malin»!  
Il est loin le temps où la fiction publique égyptienne servait la même sauce à toute l’Arabie, à heure fixe! Interdisant ainsi toute lucidité, toute conscience historique de l’absurdité de l’idéal cairote, l’absurdité de tout idéal tribal!
Nos frères Égyptiens doivent le reconnaître à leurs dépens: il n’y a pas de peuple élu, tous les peuples sont élus! Et l’Égypte n’est que la mère de l’Égypte!

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