Loin de créer le buzz espéré ou l’opération de Com’ qui la remettra, elle, l’ex-régente de Carthage, au-devant de la scène, son livre ‘‘Ma vérité’’ n’a suscité ni intérêt ni curiosité... Quelques pépites méritent néanmoins l’attention!
Par Atef Gadhoumi*
Tellement creux, ce livre-entretien n’est qu’un tissu de contre-vérités délibérées, de mensonges prémédités et de «papotages et ragots de bonnes femmes»…
Des faits dignes d’un roman noir
La «vérité» de Leïla Trabelsi n’apporte aucun élément digne de foi et aucun fait nouveau susceptibles de mieux comprendre l’histoire qu’a connue la Tunisie durant près d’un quart de siècle…
Et, contrairement aux allégations de son avant-propos, Mme Ben Ali ne livre pas un témoignage pour l’Histoire, encore moins des aveux complets quant aux nombreux torts, méfaits et crimes commis par les clans Ben Ali, Trabelsi et leurs acolytes, mais elle cherche, vainement, une tribune pour redorer son blason, montrer, en un tour de passe-passe, cette fausse image d’elle: celle d’une femme pieuse, généreuse et... soumise. Mais, ce livre, est aussi l’occasion pour elle de régler ses comptes avec ses anciens amis, ses nouveaux adversaires et ses ennemis de toujours...
Leila Trabelsi dans son nouveau look islamiquement correct.
Des faits dignes d’un roman noirAu menu de ce livre, les intrigues au palais de Carthage, les rivalités, la luxure, les soirées mondaines, les jeux d’alliances matrimoniales, les filatures, une tentative d’assassinat mais aussi la magie et autres amulettes... Bref, des événements et actes dignes d’un roman noir!!!
Néanmoins, ce livre a le mérite de laisser entrevoir le mode de fonctionnement de la république-monarchie et quelques aspects de sa triste gouvernance par des clans avides d’argent et assoiffés de pouvoir.
Ce mélodrame raconté par l’ancienne first lady révèle, malgré tout, quelques anecdotes non anodines et des réponses furtives aux nombreuses interrogations et certitudes ayant accompagnées le règne sans partage de son cher époux.
Sa vérité... comme un tissu de mensonges.
J’en ai recueilli quelques «perles» qui dénotent, à la fois, une mesquinerie sans limite et une haine viscérale envers ses détracteurs ...
Qu’on en juge!
Un cauchemar appelé Ali Seriati
La femme du président déchu nous fait part de deux de ses rêves les plus révélateurs car annonciateurs d’événements qui se reproduiront, à la lettre, et comme par miracle, ultérieurement!
Le premier fait allusion à la «trahison» de Ali Seriati, le chef de la sécurité présidentielle (aujourd’hui en prison, Ndlr), dont voici les détails de ce songe: «Un soir, j’ai rêvé d’Ali Seriati. Nous étions dans une voiture, lui assis devant avec Ben Ali et moi à l’arrière. Nous logions l’amphithéâtre de Carthage lorsque, soudain, Seriati a sorti un revolver qu’il a planqué sur la tempe de mon mari. Je me suis mise à hurler: ‘‘Mais pourquoi faites-vous ça? Ne le tuez pas, je vous en prie, ne le tuez pas!’’».
Quelle limpidité!? Ça coule de source! La clarté de cette vision laisse plus d’un perplexe quant à sa... véracité.
Ben Ali et Leila Trabelsi, des "anges" tombés du ciel.
Mais, le recours au rêve pour expliquer un événement d’une telle ampleur n’est-il pas la preuve cinglante de la légèreté de son analyse quant au rôle joué par l’ex-chef de la sécurité présidentielle, en ce 14 janvier 2011? N’est-il pas, aussi, un aveu cuisant qu’elle et sa suite n’étaient plus maîtres de leur destin ce jour-là?
Plus étrange et encore plus hallucinant ce deuxième songe de Mme Ben Ali Trabelsi, qui nous révèle ceci: «Je me trouvais au bord d’une piscine, en compagnie de toute ma famille et de nombreuses personnes que je ne connaissais pas, quand, soudain, tout est devenu sombre, y compris l’eau du bassin, et nous avons tous hurlé, comme si c’était le jour du Jugement dernier. J’ai regardé au loin et j’ai vu un arbre auréolé de lumière rose. J’ai pris la main de ma sœur Nafissa et nous avons marché toutes les deux sur l’eau noire de la piscine jusqu’à atteindre l’arbre.».
Encore une fois, Mme Leïla joue les pieuses résignées. L’exil est donc «écrit» (mektoub), c’est son destin et le cœur du vrai croyant ne se trompe jamais !
La haine larvée vouée à Kamel Letaief
S’il n’y en a qu’un, se serait Kamel Letaief (l’ex-ami de Ben Ali tombé en disgrâce après le mariage de celui-ci avec Leïla, mariage auquel cet «homme de l’ombre et faiseur de roi» était opposé, Ndlr)! S’il n’y en a qu’un qui incarne le mal absolu, se serait lui, Kamel Letaief! L’ex-régente de Carthage ne l’a pas ménagé tout au long du livre. Elle lui a brossé un portrait au vitriol en le traitant d’homme de main de Ben Ali, de tireur de ficelle préposé à nouer et dénouer les intrigues du sérail, de manipulateur…
Et ses piques n’en finissent pas; elle évoque l’origine de son surnom: «Kamel ii» car «un jour, au lieu de lire le nom de feu le roi du Maroc, Hassen II, en chiffres romains, il avait lu par ignorance ‘‘Hassen ii’’».
Kamel Letaïef à l'ambassade US à Tunis, à l'occasion de la fête nationale américaine: le poil à gratter de Leïla (Source: emmabenji.canalblog.com).
Sous un autre angle, méchamment choisi, elle attaque l’énigmatique Kamel Letaief sur sa relation avec son propre père. Elle affirme que le père de celui-ci est mort sans qu’il lui accorde son pardon. Et que ce dernier a, même, prévenu: «Un jour, ce garçon provoquera un grand malheur!» (Le grand malheur, pour l’instant, c’est plutôt Leïla qui l’a provoqué, soit dit au passage).
Leïla Trabelsi accuse Kamel Letaief de tous les maux: complots, filatures et chantages. Pis encore, elle évoque une tentative d’assassinat mais sans désigner les commanditaires ni donner des preuves tangibles.
La haine est certainement réciproque et les mobiles sont les mêmes: le pouvoir politico-financier.
D’autres encore n’ont pas échappé aux attaques savamment orchestrées par Mme Ben Ali. Journalistes, militants des droits de l’Homme, avocats, hommes d’affaires sont sur la sellette.
Slim Bagga, ‘‘L’Audace’’ et les techniques du chantage
Le plus visé d’entre eux est incontestablement le journaliste Slim Bagga, rédacteur du journal ‘‘L’Audace’’. Elle l’accuse des pires des crimes: le racket. Elle avance, que ce journaliste, tout en veillant à traduire son nom de famille en français: «punaise», faisait chanter des femmes (anciennes membres d’un Club tenu par sa sœur). Ils les «menaçaient de publier leurs noms dans les journaux si elles ne lui versaient pas une certaine somme.»
Mme Ben Ali n’a pas, certainement, vidé tout son sac non pas par pudeur mais, inéluctablement, par calcul politique.
D’autres épisodes aussi mesquins sont évoqué dans ce livre telle cette crise d’hystérie du président de la république de l’époque victime d’un sortilège jeté sur lui ou cette scène où de hauts responsables de l’Etat jouaient les marieuses montrant à Ben Ali des cassettes où se dandinaient de jolies filles lors de fêtes privées!
Ce livre est à l’image de Leïla Ben Ali: superficiel et sans intérêt. Scabreux aussi. Et dire que nous étions gouvernés par des gens de cette espèce?
* Expert en intégration de la technologie de l’information et de la communication dans l’enseignement.