La demande des enseignants d'avoir la retraite à 55 ans pourra offrir une solution au gouvernement qui cherche sans trop de succès des emplois pour les jeunes diplômés chômeurs.
Par Wided Ben Driss*
La dernière grève des enseignants le 22 novembre dernier a suscité une polémique et des débats houleux entre ministre, syndicat, enseignants et parents, principaux concernés.
Toutes ces parties se sont départagées sur la légitimité des revendications et sur le recours à la grève dans le secteur de l'enseignement, qui a de forts liens avec les Tunisiens.
Dégradation de la situation des enseignants
En fait, les Tunisiens ont appris depuis des décennies à donner une importance capitale aux études vues comme un véhicule d'ascension sociale et une bouée de sauvetage de la misère. L'effort et l'investissement des parents afin d'assurer la réussite de leurs enfants aux dépens de leur confort n'échappent à personne. Les plus favoris des Tunisiens se ruent sur l'enseignement privé dans le but de voir leurs enfants rejoindre les collèges et lycées pilotes et augmenter ainsi leur chance d'assurer un billet d'accès aux bonnes universités.
Cependant, on notera qu'en contrepartie d'une vénération des études et des diplômes par tous les Tunisiens, le corps enseignant connait une dégradation de sa situation morale, sociale et financière.
On notera aussi la forte recrudescence de la violence contre les enseignants, hommes et femmes sans exception. Et c'est à se demander si on va voir prochainement des séminaires et des conférences à ce sujet ou pourquoi pas l'inauguration d'un centre pour enseignants battus!
Nous comptons, toutefois, sur les analyses scientifiques de nos sociologues pour donner des solutions à la violence dans les institutions scolaires, composantes essentielles de la société tunisienne qui connait une métamorphose.
Les élèves, enfants de cette société tunisienne en pleine effervescence, ont les yeux ouverts sur le monde à travers les médias et, surtout, le net et deviennent, reconnaissons-le, difficile à gérer.
La mission des enseignants est d'encadrer, d'attirer l'attention, d'intéresser et de transmettre les connaissances aux élèves. Cette dure mission requiert une motivation et un dévouement sans fin de la part des enseignants pour obtenir des résultats probants, c'est-à-dire la réussite des élèves. Mais le dernier mouvement des enseignants reflète un vrai malaise qui mérite un intérêt de la part du ministère et du gouvernement.
Laisser la place aux jeunes diplômés
Les enseignants n'ont pas demandé des augmentations salariales mais juste la reconnaissance de la dureté de leur métier; d'où le droit à une retraite volontaire à 55 ans.
Le ministère a expliqué que cette décision le dépasse en partie et a mentionné les répercussions d'une telle décision sur les caisses sociales déjà en difficulté.
L'argument est a priori irrecevable, car la demande des enseignants d'avoir la retraite à 55 ans pourra offrir une solution au gouvernement qui cherche sans trop de succès des emplois pour les jeunes diplômés chômeurs.
Nous appelons, ici, le ministère de l'Education à lancer une consultation pour avoir une idée exacte sur le nombre d'enseignants intéressés par un départ à la retraite volontaire à 55 ans et ayant accompli 30 années de service. Quand on aura un nombre exact des candidats à la retraite, des simulations pourront être faites avec les caisses sociales, et la décision du gouvernement sera prise en tenant compte de tous les éléments, à savoir la demande des enseignants, la réduction du chômage et la capacité des caisses.
Les informations, qui ont circulé depuis la révolution au regard des difficultés des caisses sociales, restent à confirmer car logiquement, la Tunisie étant un pays jeune, ne devrait pas avoir de problème niveau, à moins qu'il y ait eu une mauvaise gestion des caisses sociales.
La société tunisienne et le gouvernement doivent aider les enseignants à accomplir leur noble mission dans l'intérêt des jeunes d'aujourd'hui, hommes et femmes de demain.
Les responsables du secteur de l'enseignement et ceux des caisses sociales réalisent sûrement que l'avantage d'avoir la retraite à 55 ans après 30 années de services ne sera appliqué que pour une période limitée car les enseignants sont depuis des années recrutés à un âge tardif (longues études, concours Capes, places non disponibles) et ils dépassent facilement la soixantaine en faisant leurs trente années de service requises.
En fait, cet avantage ne concernera que les enseignants recrutés après 1983.