Le déracinement de la corruption est une lourde mission, en Tunisie, comme partout ailleurs. Ce n'est pas une raison pour laisser-faire et accepter que ce fléau se renforce dans la Tunisie, qui plus est, après la révolution.
Par Wided Ben Driss*
Après la révolution, le gouvernement, les partis et des associations semblent tous mobilisés contre la corruption et les malversations. Des campagnes d'assainissement de l'administration sont entreprises, des sociétés confisquées et des hommes d'affaires suspectés sont interdits de voyage en attendant que la justice examine leurs dossiers.
Le fléau de la corruption s'est avéré assez enraciné dans les institutions tunisiennes et, tel un cancer métastasé, il se propage au-fur-et-à-mesure qu'il est disséqué. Malgré les bonnes intentions et les actions entreprises, deux ans après la révolution, les indices d'augmentation de la corruption sont alarmants et incitent à prendre des mesures plus draconiennes pour essayer d'éradiquer ce mal.
Sur le plan national, les lois et les procédures doivent être révisées dans le but d'éradiquer toute faille permettant la fraude et la corruption. Les administrations, les institutions et les particuliers appliqueront ces lois sachant que toute déviation sera sanctionnée.
La Tunisie a connu des décennies de corruption, de pot de vin et de népotisme et il n'est certes pas facile de remédier à cette situation. Aussi les factions actuelles de notre société ont-elles, aujourd'hui, et avant tout, un pacte moral à honorer. La reddition n'en sera que plus facile et permettra de bâtir l'avenir sur des bases solides.
Les hommes d'affaires jugés corrompus doivent reconnaitre leur tort, restituer au pays ses biens et continuer leurs activités sur des bases transparentes.
Gardons espoir en notre constitution naissante, en nos institutions et en nous pour changer notre situation vers le meilleur. Notre avenir dépendra de nos actions sincères et nous serons gratifiés pour notre mérite, sachant que la chance ne sourit qu'aux mieux préparés.
Réticence et opportunisme des investisseurs
Plusieurs entreprises étrangères ont arrêté leurs activités et d'autres ont quitté la Tunisie suite aux grèves et sit-in qui se sont développés après la révolution et qui se poursuivent jusqu'à ce jour pour de multiples raisons.
Plusieurs investisseurs étrangers qui, prétextant de la situation sécuritaire du pays, ont rapidement quitté la Tunisie, estimant sans doute aussi avoir déjà bénéficié de toutes sortes d'avantages et qu'il valait mieux pour eux d'aller investir au Maroc ou ailleurs.
L'économie tunisienne souffre beaucoup et a du mal à se redresser en raison, entre autres, du scepticisme des investisseurs étrangers. Ce scepticisme est expliqué par l'instabilité prévalant dans un pays encore sans constitution et dont les institutions provisoires n'inspirent pas encore confiance.
Dans cette situation économique difficile, nous remarquons l'apparition d'investisseurs étrangers particulièrement «voraces», qui veulent exploiter la situation fragile du pays pour promettre des projets bidons ou fictifs et demander des facilités.
Dans le domaine industriel, plusieurs pseudo-investisseurs ont demandé l'octroi de grandes surfaces agricoles et leur conversion en terrains industriels afin qu'ils y bâtissent de grandes manufactures sans donner des détails sur leurs projets.
La vigilance est exigée dans ces cas, car il est clair que ces «investisseurs» cachent d'autres plans. Il est connu qu'il ya beaucoup d'argent sale dans le monde et que des entreprises écrans peuvent chercher à «s'installer» en Tunisie pour le seul but de le blanchir.
Qui investit en Tunisie et comment ?
Un récent recensement dénombre 600.000 entreprises opérant en Tunisie mais ce qui est alarmant c'est que 87% d'entre elles n'emploient aucun salarié. On peut estimer qu'il s'agit de très petites Pme, mais tout de même. Des questions se posent. Quel est le statut de ces entreprises? Est-ce qu'elles emploient des consultants ou des personnes dans le noir? Est-ce qu'elles déclarent leur vraie activité et payent leurs impôts? Est-ce que le gouvernement se rend compte que le problème de chômage en Tunisie pourrait être résolu si les quelques 522.000 entreprises se manifestent et recrutent un seul employé chacune!
Dans le secteur pétrolier, les chiffres d'affaires atteignent des dizaines et même des centaines de million de dollars. Il y a, en Tunisie, 36 compagnies pétrolières nationales et internationales, qui opèrent 52 permis et 52 concessions d'exploitation. En totalité, plus de 50 compagnies sont actives dans le domaine de l'exploration.
Un regard sur l'activité des compagnies pétrolières montre que seulement quelques unes maintiennent une activité de recherche et de production et emploient des cadres tunisiens. En fait, plusieurs de ces compagnies pétrolières hibernent et mettent une éternité à exécuter le programme de travail stipulé dans la convention signée avec les autorités tunisiennes. D'autres compagnies s'empressent de tirer quelque bénéfice et vendent leurs intérêts à peine la convention signée.
Au vu de ses ressources d'hydrocarbures limitées, la Tunisie n'est pas une destination prisée par les géants.
Aussi est-il intéressant de savoir qui sont les compagnies pétrolières internationales qui investissent en Tunisie?
Est-ce qu'elles sont réellement encouragées par une loi sur les hydrocarbures jugée motivante ou ont-elles d'autres plans?
Les autorités concernées doivent veiller à n'accepter en Tunisie que des compagnies qui ont des références, des expériences dans le monde et un savoir-faire à passer aux employés tunisiens.
Toujours dans le secteur pétrolier, et par souci de sauvegarder les intérêts de la Tunisie, nous comptons sur le patriotisme des décideurs tunisiens dans les sociétés mixtes (avec l'Algérie et la Libye) afin de bien défendre l'intérêt de notre pays et ne pas faire de la Tunisie le maillon faible. En fait, les projets mixtes peuvent être marginaux pour l'Algérie et la Libye, nos voisins riches de leurs ressources pétrolières, mais ils sont vitaux pour la Tunisie.