La stratégie d'Ennahdha et de sa succursale, le Congrès pour République (CpR), consiste à travailler ensemble pour rester le plus longtemps possible au pouvoir! Mais sans vision, ni programme, ni méthode.
Par Wided Ben Driss*
Le gouvernement de Hamadi Jebali a pris ses fonctions fin décembre 2011. Depuis l'économie suffoque, le chômage et l'inflation battent des records, la violence, l'extrémisme et l'insécurité se répandent et les Tunisiens se trouvent de plus en plus stressés, angoissés et pauvres, deux années après leur miraculeuse révolution.
Les échecs d'un gouvernement sans vision ni méthode
Oubliant leurs promesses électorales fabuleuses, les leaders au pouvoir réclament à présent aux Tunisiens de la patience, du calme, de la diète et du sevrage. Mais pourquoi les Tunisiens doivent-ils faire toutes ces concessions?
Ils méritent sûrement beaucoup mieux et une bonne gouvernance aurait pu leur donner de meilleures conditions de vie! Mais est-ce qu'il y a aujourd'hui une gouvernance? Est-ce qu'il y a un programme adapté à la situation du pays? Que du flou!
La seule information reçue par les Tunisiens après 14 mois de pouvoir d'Ennahdha et de la «troïka» c'est un constat d'ECHEC annoncé par le chef du gouvernement provisoire Hamadi Jebali, suivi par sa démission. Les Tunisiens attendent toujours un bilan objectif du gouvernement démissionnaire afin que le prochain gouvernement puisse corriger le tir. Il est important d'apprendre à procéder différemment, car en continuant avec la même philosophie, les mêmes plans d'actions et les mêmes personnes on aura les même résultats négatifs ou pires.
Ennahdha et la stratégie d'accaparement du pouvoir
Le «choc positif» provoqué par M. Jebali, le soir du 6 février, s'est finalement avéré être, selon les propres aveux du chef du gouvernement démissionnaire, une manœuvre pour absorber la colère et la révolte du peuple suite à l'assassinat du leader Chokri Belaid. Par ailleurs, nous saurons les réels objectifs de cette manœuvre à l'approche de la prochaine campagne présidentielle, puisque l'on dit que M. Jebali sera probablement le candidat d'Ennahdha.
Avec la nomination de Ali Lârayedh, ministre de l'Intérieur sortant, à la tête du nouveau gouvernement de coalition en cours de constitution, Ennahdha remplace juste son numéro un par son numéro deux (action calculée) et les discussions qui continuent encore au sujet de la répartition des ministères dans le nouveau gouvernement prouvent que le parti islamiste maintient les mêmes stratégie et vision!
La stratégie d'Ennahdha et de sa succursale, le Congrès pour République (CpR), consiste à travailler ensemble pour rester le plus longtemps possible au pouvoir! C'est un droit légitime pour des partis qui se sont retrouvés au pouvoir et en ont apparemment apprécié les délices. Les discussions sur le remaniement lancées depuis plusieurs mois ont, à la grande déception des Tunisiens, révélé des marchandages, des chantages, des coups bas et des comédies jouées par des politiciens arrogants, ambitieux et incompétents.
Les attentes trahies des Tunisiens
Les Tunisiens voudraient que le processus des élections (loi électorale claire, instance indépendante, vote libre, dépouillement sans dépassement...) soit transparent. Mais au vu la situation actuelle, avec ces Ligues de protection de la révolution (groupes violents travaillent clairement pour le compte des partis au pouvoir, et d'ailleurs considérées par Ennahdha et CpR comme «conscience de la révolution»), et en tenant compte de la conjoncture économique et sociale morose, les Tunisiens semblent dégoutés par leurs dirigeants politiques et ils risquent de bouder les urnes.
L'opposition a certes commencé à s'organiser (constitution de plusieurs alliances pour éviter l'effritement) mais son influence reste insuffisante et ses actions encore peu harmonisées. En effet, et à l'exception du Front populaire et d'Al-Âridha, qui affichent leur opposition, les autres partis jouent le jeu d'une pseudo-démocratie consensuelle et tournent autour d'Ennahdha.
L'opposition a actuellement la responsabilité de se rapprocher davantage des citoyens, de les réconforter dans leurs difficultés sans leur donner de faux espoirs et surtout de sensibiliser les abstentionnistes des élections du 23 octobre 2011 à la nécessité de revenir aux urnes lors des prochaines élections.
Les Tunisiens ont perdu l'espoir de voir un développement économique dans les mois à venir et leurs demandes adressées au prochain gouvernement pourraient se résumer comme suit:
- achever la rédaction du texte de la nouvelle constitution et le faire auditer par des experts tunisiens en droit constitutionnel;
- assurer la sécurité de tous les Tunisiens, en renforçant les moyens de tous les corps sécuritaires et en mettant fin aux activités des Ligues de protection de la révolution;
- maitriser l'inflation et mettre fin à la cherté de la vie;
- garantir les conditions d'élections transparentes en 2013.
*Exploration Manager.