Les jeunes de l'école républicaine devraient continuer le combat de Bourguiba pour renforcer les valeurs démocratiques, résister au colonialisme des idées barbares, bâtir une république citoyenne, fiers de leur identité tunisienne.
Par Mohamed Bouanane
En cette occasion de commémoration de la disparition du «zaïm» (leader) Bourguiba - paix à son âme - le «combattant suprême», homme d'Etat, fondateur et bâtisseur de la république moderne, je m'associe à des millions de Tunisiens pour lui exprimer ma gratitude et mon respect pour l'œuvre qu'il a commencée à ériger avec d'autres patriotes.
L'entrée de la Tunisie dans la modernité
Personnellement, je n'éprouve pas beaucoup d'attachement aux personnes mais j'accorde énormément d'importance aux idéaux et aux principes défendus par certains. Quelqu'un disait : «Les hommes passent et leurs expériences aussi. Ce que nous pouvons léguer, avec fierté à nos descendants, ce sont des institutions solides et modernes». D'où mon refus d'idéaliser ou d'idolâtrer qui que ce soit, surtout pas un être humain qui peut se tromper, ne dit-on pas que l'erreur est humaine.
Bourguiba a risqué et sacrifié sa vie et a beaucoup donné pour bâtir un Etat moderne et un modèle sociétal tunisien ouvert sur les autres civilisations. Un modèle qui refuse l'obscurantisme, combat l'ignorance et l'illettrisme, encourage la modération et la tolérance, s'inspirant du rite de l'islam malékite, et crée les fondements pour l'entrée de la Tunisie dans la modernité en misant sur l'éducation et la libération des potentiels y compris ceux de la femme.
Mais Bourguiba, le visionnaire, n'était pas exempt de toute critique et surtout qu'il n'était pas au niveau souhaité et requis, depuis au moins le milieu des années 70, d'un homme d'Etat démocrate.
Malgré le manque de démocratie dans la gestion des affaires de l'Etat, Bourguiba, l'homme bâtisseur avec d'autres de la république indépendante et souveraine, force le respect même celui des plus jeunes qui ne l'ont pas connu comme président de la république.
Rappelons à certains personnages non reconnaissants, que Bourguiba est né pauvre et est décédé pauvre, il n'a pas occupé la fonction de président pour habiter au bord de la mer et toucher un salaire inadmissible, mais pour bâtir un Etat que les gouvernants incultes d'aujourd'hui sont en train de détruire.
En effet, malgré tous ses défauts, Bourguiba, le désintéressé du confort et des richesses, ne peut et ne doit en aucun cas être comparé ni au déchu ni aux guignols, imposteurs, opportunistes et apprentis-politiques gouvernants d'aujourd'hui.
Bourguiba, le «zaïm», et son œuvre, avec ses défauts et ses qualités, doivent faire l'objet d'une lecture honnête et impartiale des historiens, et ne pas la transformer en un fonds de commerce politique. Le passé, il faut le connaître et l'étudier pour ne pas refaire les mêmes erreurs, mais il ne doit pas devenir un critère pour bâtir l'avenir.
L'œuvre républicaine de Bourguiba menacée
Nous, les enfants de l'école républicaine imaginée et voulue par Bourguiba et ses compagnons patriotes, devons scruter l'horizon du 21e siècle et préparer l'avenir pour que l'œuvre républicaine de Bourguiba ne soit pas travestie ni par les pseudos héritiers ni par les ennemis de la modernité.
Nous, les enfants de cette école, devons nous engager dans l'action politique pour soutenir et améliorer l'œuvre républicaine de Bourguiba, et en ajouter le volet démocratique qui a tant manqué. C'est le meilleur hommage que nous puissions le lui faire.
La révolution tunisienne pour la dignité, la liberté, le travail et la justice nous impose une discipline, un patriotisme et une volonté de changer les choses pour le bien de tous. Il ne suffit pas d'attendre que d'autres décident à notre place, il faut participer activement à créer un nouveau souffle pour améliorer le présent et construire l'avenir de nos enfants.
Le peuple tunisien n'est pas obligé de choisir entre la peste et le choléra. Il faut du sang neuf, des jeunes patriotes de bonne volonté, ni de gauche, ni de droite, qui ont su garder leur indépendance et leur dignité durant les années de plomb, et sont prêts à travailler dur et sacrifier leur confort pour redresser le pays dans la justice et le rassemblement. Nous devons fédérer nos efforts pour relever notre pays et en faire un exemple de développement et de rayonnement culturel et scientifique dans la paix et la concorde. Notre idéologie doit être le pragmatisme et le bon sens, notre programme est de relever les nombreux défis qui menacent notre patrie (insécurité, injustice, chômage, pauvreté, désertification culturelle et scientifique, perte de la souveraineté...).
Jeunes de l'école républicaine, continuons ensemble le combat de Bourguiba pour renforcer les valeurs républicaines et démocratiques dans notre pays, résister au colonialisme des idées barbares, bâtir une république citoyenne, fiers de notre identité tunisienne, de nos héritages multiculturels - phénicien, carthaginois, berbère, africain, méditerranéen - et de notre civilisation arabo-musulmane et de son apport moderniste à l'humanité :
- une république ancrée dans la modernité, celle qui favorise la compétence et l'excellence, la culture et la science au dogme et à la littéralité;
- une république qui combattra par tous les moyens pacifiques l'extrémisme et l'obscurantisme rampant;
- une république ouverte sur le monde et les civilisations, qui encourage et promeut le respect, le consensus, le dialogue social et le développement durable au service de l'humain.
Jeunes de l'école de Bourguiba, nous avons le choix entre modernité et décadence. Le choix est très vite fait car l'Histoire ne retiendra que nos actions.