Les Tunisiens croient-ils encore et toujours à la tenue d'élections dans un avenir proche? Au vu de ce qui vient de se passer ces derniers jours à Akouda, la campagne électorale promet d'être sanglante! Merci Ennahdha...
Par Mohamed Ridha Bouguerra*
Depuis l'arrivée de la Troïka au pouvoir, avec l'évidente domination du parti Ennahdha, chaque jour apporte son lot de nouvelles. Plus souvent mauvaises, voire tristes et consternantes que bonnes, hélas !
On pourrait ainsi se demander ce qui s'est passé au juste le matin du vendredi 19 juillet, à Akouda.
Pour les autorités de la région, le mot d'ordre est simple: «Circulez, il n'y a rien à voir!»
Ou, plutôt, au dire de la police locale, c'est la personne agressée et battue par des policiers, Mohamed Khames Dabbou, qui serait l'agresseur! Il aurait «agressé les policiers et se serait jeté devant un véhicule, faisant croire à une agression.» (Source: site de Jawhara FM).
Tous les moyens sont bons pour arrêter Nida Tounes
Qui est Mohamed Khames Dabbou? Et qu'est-ce qui lui a valu cette intervention des forces de l'ordre et cette «correction» administrée par des agents au service de l'État? Correction qui lui a valu une hospitalisation, cependant !
M. Dabbou est propriétaire de la salle Zini Film et il s'était engagé à mettre son local à la disposition de Nida Tounes qui avait prévu d'y tenir, aujour'hui , un meeting populaire présidé par Taïeb Baccouche, secrétaire général du parti.
Or, les représentants locaux de l'autorité centrale, du gouverneur de Sousse au délégué régional d'Akouda où se trouve la salle Zini Film, en passant par le président de la délégation spéciale municipale, ne l'entendaient pas de cette oreille. Ils auraient harcelé, trois jours durant M. Dabbou afin de le faire revenir sur son engagement de céder sa salle au parti de Béji Caïd Essebsi, samedi prochain.
Devant le refus de l'intéressé et sa résistance à toutes ces pressions graduées qui sont passées de l'intéressement matériel aux menaces ouvertes, a eu lieu un enchaînement de faits gravissimes qui n'augure rien de bon pour la démocratie dans notre pays!
La salle des fêtes Zini Films à Akouda où doit se tenir samedi le meeting de Nida Tounes.
C'est au bulldozer et par une admission à l'hôpital que s'est conclu (le 1er round?) de ce face-à-face entre un simple citoyen sûr de son bon droit et l'appareil de l'État! Un bulldozer est, en effet, venu – sur instructions données par le gouverneur, selon certains médias – abattre une partie de la salle en question, sa devanture et le hall de réception en particulier.
Un nouveau round est prévu, ce samedi 20, puisque Nida Tounes maintient l'organisation du meeting malgré ces intimidations qui nous rappellent les indignes et tristes méthodes d'une époque dont nous avons cru avoir définitivement tourné la page après le 14 janvier 2011!
Les autorités locales nient, bien entendu, toute intervention auprès du propriétaire de la salle Zini Film. Elles vont même jusque justifier la démolition en question par une décision de justice relative à une construction anarchique. Précisons qu'il s'agit d'une décision de justice prise en avril 2012! Et dont l'exécution a tout simplement coïncidé avec la tenue du meeting de Nida Tounes! Nous sommes invités à ne voir dans tout ceci qu'un simple hasard du calendrier. Évidemment! Honni soit qui mal y pense!
Ghannouchi et Ennahdha héritiers de Zaba et du RCD!
Voir dans ces événements des «violences de l'État», comme le pense le député Abdelaziz Kotti qui rappelle que «le gouverneur représente l'État», serait-il vraiment déplacé ici?
Pour combattre ses adversaires politiques, le parti Ennahdha ne se contente donc plus maintenant de son bras armé, les prétendues Ligues de protection de la révolution (LPR). Il vient de franchir un pas supplémentaire vers la fascisation progressive de la vie politique en mettant à sa disposition tous les services de l'État.
Autant dire que le parti de M. Ghannouchi est maintenant le digne héritier de Zaba et du RCD!
Mais, pour une fois, rendons justice à Zaba qui, s'il lui arrivait trop souvent de faire annuler des réunions de l'opposition par les moyens les moins orthodoxes ou légaux, il n'a jamais envoyé, à ma connaissance du moins, des bulldozers pour empêcher une réunion politique ! Ici, l'élève dépasse le maître !
Davantage encore, Ennahdha se démasque sans vergogne et ne tire nullement la leçon des événements récents d'Égypte. M. Ghannouchi et Cie, sourds et autistes, méprisent le peuple et ses élites et ne prennent aucune précaution pour les ménager par ces temps où la grogne, tant sociale que politique, enfle de plus en plus.
La violence nahdhaouie ne cesse de s'étendre comme un chancre. Celui-ci deviendra-t-il bientôt une gangrène fasciste qui finira par atteindre tous les organes de l'État ? Alors, le réveil est pour quand?
Vous croyez encore et toujours à la tenue d'élections dans un avenir humainement prévisible? Dans ces conditions, la campagne électorale promet d'être sanglante!
* Universitaire.