La personnalité de base tunisienne est, pour le moment, fracturée. Témoignage de cette fracture: le choc, dont la rue est le théâtre, entre des modes vestimentaires les plus hétéroclites : le niqab et le short, le qamis afghan et le costume cravate...
Par Jamila Ben Mustapha*
La principale conséquence des «révolutions arabes», soubresauts dont l'évolution est imprévisible et qui se sont révélés, dans le court terme – à part l'apparition d'une liberté d'expression toute relative et non exempte de danger, quand elle devient radicale, et telle qu'elle a été pratiquée par feu Chokri Belaïd* –, un passage du mauvais, au pire, est la coupure nette, de la société en deux, entraînant, souvent, le même type de cassure, au sein des familles.
Cet aspect, n'importe quel étranger qui visite la Tunisie peut s'en rendre compte, à première vue et à l'œil nu, par la coexistence, dans la rue, de modes vestimentaires trop contrastées et qui mettent, à mal, la notion de «compatriote», c'est-à-dire, d'habitant du même pays avec qui on partage des points communs essentiels et nombreux, aussi bien visibles, qu'invisibles: mode afghane, européenne, tunisienne traditionnelle...
La guerre des apparences, le langage des corps...
Que peut-il y avoir de commun, notamment, entre une jeune fille revêtant le niqab, et une autre, blonde, en short, ou en large décolleté, telle qu'on peut l'apercevoir, en été, sur les plages de Hammamet?
Même dans les pays occidentaux où la notion de «liberté individuelle» a tout son sens, on ne constate pas autant de disparité, de contrastes, d'assemblage hétéroclite, dans l'apparence physique de leurs habitants. La personnalité de base tunisienne est, pour le moment, fracturée.
Y a-t-il rien de pire que cette perception, par le Tunisien, d'une partie de ses compatriotes, comme des étrangers? A l'hostilité verticale que nous avions contre le pouvoir, s'est ajoutée une méfiance «horizontale», entre nous.
*Universitaire.
* Assassiné le 6 février 2013 par des extrémistes religieux.