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Quand la liberté d'expression et l'indépendance de la presse sont bafouées, comme aujourd'hui en Tunisie, le concept démocratique devient tout simplement une utopie et le combat politique une notion primitive et surréaliste.

Par Rachid Merdassi

Drôle de révolution où l'un des droits fondamentaux des citoyens, à savoir l'accès à une information crédible, intègre, pluraliste et indépendante, n'a jamais autant été méprisé et menacé.

La main invisible de l'oligarchie religieuse

La situation n'a jamais été aussi grave pour nos médias et particulièrement les plus brillants de nos journalistes et patrons de chaines télé. Une situation inédite depuis l'indépendance, car comment pouvoir désormais concilier entre le respect des règles déontologiques qui dictent la ligne de conduite du journaliste et son souci d'éviter la prison, voire l'agression physique et les menaces de liquidation, au regard des agissements d'un pouvoir inquisiteur qui instrumentalise une justice en perte de repères et constamment exposée aux foudres et chantage d'une oligarchie religieuse encore plus puissante que la main invisible si chère à Adam Smith?

La pire des menaces qui pèse sur la liberté d'expression ce n'est pas celle de l'intimidation, tentée, tantôt par un pouvoir aux aguets, tantôt par des milices endoctrinées et converties aux idéologies les plus extrêmes de l'islam politique, mais celle de l'homogénéisation pernicieuse et trop souvent réussie par un magma de partis réactionnaires et rétrogrades qui, pour laver l'affront d'une presse dénonciatrice de leurs abus et desseins sournois ont recouru, in fine et de guerre lasse, à lui appliquer ce proverbe bien de chez nous selon lequel il faut décapiter la tête pour faire assécher les veines («Qos erras tenchef laarouk»).

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Tahar Ben Hassine: une voix libre dans le viseur d'Ennahdha et de Moncef Marzouki, ex-défenseur des droits de l'homme enivré par le pouvoir.

A l'assaut du dernier îlot d'espoir

Dans ce cauchemar qui n'en finit pas et ayant fait notre deuil de partis d'opposition médiocres et immatures, aussi coupables de la déliquescence de la situation politique, sociale et économique que les islamistes, le secteur de l'information reste notre seul ilot d'espoir, le seul refuge de notre conscience martyrisée et l'unique porte-voix de la résistance épique de la société civile.

Et, chercher à le réduire au silence, équivaudrait à une mise à mort, non seulement du seul acquis et de la seule maigre consolation qui nous reste d'une prétendue révolution cauchemardesque, mais aussi de tout ce qui nous reste comme dignité, valeurs et principes fondateurs face à l'adversité et aux coups de boutoir infligés par les zélotes nahdhaouis et leurs suppôts à toute voix discordante.

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Zied El-Heni harcelé par la justice pour avoir révélé l'existence d'un appareil sécuritaire parallèle à la solde d'Ennahdha.

Les nuages d'automne, lourds de menaces, n'augurent rien de bon et les initiatives de conciliation dits de la dernière chance ne font qu'entretenir une illusion trompeuse et ne font en vérité que le jeu d'un pouvoir islamiste qui, échaudé par la débâcle de ses coreligionnaires égyptiens, va s'agripper plus que jamais et avec l'énergie du désespoir, à un pouvoir à l'évidence dé-légitimisé et contesté par une majorité de Tunisiens et d'organisations nationales, n'en déplaise à l'arrogant député nahdhaoui Ameur Larayedh et à ses statistiques fallacieuses et réductrices. Ses envolées haineuses et insolentes sont la pire des insultes à la résistance épique de dizaines de milliers de ses concitoyens qui défilent depuis des mois sous une chaleur implacable bravant tous les interdits et s'exposant aux pires exactions et menaces d'agression.

Un vibrant hommage à ces Tunisiennes en particulier qui font notre fierté et qui nous donnent la force de ne pas sombrer dans le désespoir et le pessimisme.

Les emblèmes de la résistance

En s'attaquant à la liberté d'expression et à des symboles populaires tels que Tahar Ben Hassine, Sofiane Ben Farhat, Zied El Heni, Olfa Youssef, Raja Ben Slama et bien d'autres emblèmes de la résistance, Ennahdha prouve qu'il ne cherche ni le consensus, ni l'apaisement et encore moins la garantie d'une constitution au diapason des objectifs de la révolution et des aspirations des Tunisiens à vivre ce rêve démocratique dont ils ont été privés depuis l'indépendance et qu'ils ont payé de leur sueur et de leur sang.

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Sofiane Ben Farhat parmi les manifestants pour la liberté de la presse devant le palais du gouvernement, lundi 16 septembre.

Dans son désir de parachever sa conquête d'un pouvoir absolu et divin, Ennahdha a engagé la bataille, très tôt, contre les médias qui ont eu le tort de contrecarrer et dénoncer ses projets funestes et rétrogrades.

Apres maintes tentatives de récupération, la première des chaines à abattre était Ettounsia TV pour son insolente popularité auprès des Tunisiens et son alignement présumé sur le camp démocrate.

La même stratégie a été utilisée avec Nessma TV qui s'est montrée plus conciliante en sacrifiant Hamza Balloumi et Sofiane Ben Farhat, jugés subversifs et dangereux aux yeux du pouvoir islamiste.

Puis vint le tour de la dernière voix libre et authentiquement tunisienne, celle de Tahar Ben Hassine, un symbole auquel Ennahdha a osé s'attaquer et qui risquerait de lui coûter cher.

De toute cette genèse et quand les Tunisiens auront surmonté cette épreuve, peut-être que la première de leur priorités serait une introspection en profondeur pour comprendre les raisons véritables de cette brisure morale et cet échec de tout un système de valeurs sur lequel ils ont bâti un modèle qui les a mené tout droit à l'impasse.