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L’islam, comme toute religion, nourrit une peur réelle soit par rapport à ses préceptes, ses textes, ses rituels, ou ses faits et ses méfaits. Aussi le terme d’«islamophobie» devient-il suspect et à la limite du faux-semblant et du subterfuge.

Par Monia Sanekli*

 

Les mots expriment un sens, une signification, une valeur, mais il arrive souvent que les mots expriment, en outre, des intérêts de pouvoir, des gains et des dividendes dans le champ de rapports et connections de pouvoir, on ne parle plus pour exprimer mais pour manipuler. C’est dans ce sens que le mot serait utilisé non pas pour exprimer un fait ou une réalité, mais pour créer des faits et réaliser des intérêts. Tout discours politique ou idéologique est du champ du deuxième genre. Savoir et pouvoir sont intimement parents et organiquement liés.

L’islamophobie est le parfait exemple des mots inventés pour l’utilité du pouvoir et non pour signifier un quelconque fait ou signification. Il fait partie des confusions et falsifications sémantiques pour actionner des bénéfices et manoeuvrer pour le maintien de rapports de forces spécifiques, liés à des projets politiques de conjoncture.

«Islamophobie», «l’islam est en danger», «l’identité musulmane», «laïcité musulmane», «islam modéré», «islam light» : nous sommes en présence d’une famille de nouvelles terminologies, cousines et associées. Une investigation sémantique, historique et politique nous dévoilerait cette fiction langagière et ses intérêts politiques sous latents.

Sémantique

Il s’agit d’une combinaison bizarre de deux termes qui joue sur la déviation du sens originel des mots. Une combinaison entre deux niveaux de discours complètement antinomiques. Celui de la vision religieuse et celui de la vision psychologiste, avec une feinte d’ignorance qui masque le fait que la religion nie toute autre explication en dehors de son système, la science n’étant pas un repère pour elle, et que la psychologie considère déjà la religion comme une maladie en l’insérant dans la sphère du pathologique, puisqu’elle n’est qu’un délire collectif.

Expliquer un fait social en insérant et en combinant les deux visions n’est que l’instrumentalisation des deux, sans être fidèle à aucune, ce qui est le propre de toute manœuvre mensongère et pragmatique. Est-on en train d’expliquer l’islam par la psychologie ou donner à l’islam une légitimité de scientificité? Comment la religion considérée comme pathos et délire collectif en psychologie peut-elle considérer la peur de ce supposé délire comme une simple phobie sans importance?

Il existe bel et bien une perversion sémantique dans la combinaison des deux termes. En poussant l’investigation un peu plus loin, on réalise que la phobie est une pathologie névrotique avec pour symptôme une peur injustifiée et un sentiment de menace sans raison apparente. C’est un état psychique irrationnel, rien dans le monde extérieur ne peut le confirmer.

La phobie ne renvoie pas seulement à la peur, mais aussi à un ensemble de souffrances psychiques qui se déclenchent spontanément et dont le facteur extérieur n’est que déclencheur mais non pas la vraie causalité. En contrepartie, l’islam est une religion ancestrale qui se manifeste par des textes, une histoire, une culture, des valeurs, des rituels, un mode de vie, et essentiellement par des faits et des effets.

Comme toute religion, ou comme toute culture ou même comme toute vision du monde, elle génère des conflits et des guerres par rapport à une conjoncture bien déterminée: conflits d’intérêts, guerres de conquêtes. L’histoire nous en dira long. Ceci nous a mené à dire que, comme toute religion, elle ne peut pas ne pas véhiculer des violences extrêmes qui ne peuvent pas ne pas engendrer et proliférer l’angoisse, la peur et le sentiment de menaces. Les conflits de civilisations ne sont jamais affranchis du sentiment de menaces et de dangers. Toute vision du monde est génératrice potentiellement de violence des le moment où elle s’insère dans le système ou une infinité d’autres visons vont s’antagoniser.

L’islam, comme toute religion, nourrit une peur réelle soit par rapport à ses préceptes, ses textes, ses rituels, ou ses faits et ses méfaits. Sémantiquement, on ne peut pas juxtaposer ou avoisiner phobie et islam. C’est du non sens, et de l’absurde. La phobie est de l’ordre du fantasme et de la pulsion psychique, l’islam est une réalité historique, sociale, et politique, visible et concrète soit par ses faits soit par ses méfaits, nul ne peut la calomnier.

Historique

Le racisme est le mal de l’homme et sa douleur la plus ancienne et la plus originelle. Depuis les ères les plus primitives jusqu'à l’ère moderne de la culture et la civilisation. Il va sans dire que toute coexistence n’est possible que par le bannissement de ce sentiment primitif et rustre. L’homme a réalisé à ce propos et sur le plan juridique des étapes monumentales, l’abolition de l’esclavage, l’égalité des femmes, la liberté de croyance, le multiculturalisme, l’identité culturelle.

Cependant, la question reste fragile et délicate, étant donnée que ces valeurs anti–racisme ne sont pas universellement adoptées et spécialement par l’islam. Les textes sont clairs et catégoriques: l’esclavage est toléré, la femme est un être inférieur, le non musulman est susceptible de meurtre, le musulman est la meilleure des «races», la conquête et le jihad sont un devoir sacré...

L’homme est soumis à toutes les menaces. Les lois divines ne sont pas des lois correctionnelles mais coercitives de cruauté et de vengeance, lapidation, exécution, maltraitance, avilissement, égorgement, coupement de membres...

Nous sommes très loin des valeurs antiracistes mais plutôt dans la dimension du traumatisme réel et non de la phobie irrationnelle. Il serait plutôt de l’indécence et de la crédulité de ne pas se sentir menacé. Le terme d’«islamophobie» lui même devient soupçonneux et à la limite du faux-semblant et du subterfuge. L’homme est passé par des guerres religieuses des plus douloureuses qui dénotent certaines formes de racisme, et pourtant on n’a jamais osé classer cela dans l’ordre du phobique. Il n’existe pas de «prostestanophobie» ou de «catholicophobie». C’est de vrais conflits.

L’histoire de l’islam est une histoire sanglante de «califats» et de conquêtes, c’est de l’ordre du réel et non du phobique. Quand Hitler procédait à l’extermination planifiée et organisée des juifs, on n’a jamais entendu parler de «judéophobie». Quand les femmes sont lapidées, violées, égorgées, maltraitées par les moyens les plus saugrenus dans certaines zones géographiques du monde, on n’a jamais entendu parler de «féminophobie», même en Europe et malgré que les ségrégations sociales au-delà du juridiques affluaient et dominaient l’atmosphère, on ne parle cependant pas de «féminophobie».

Le racisme social contre les noirs aux Etat-Unis entrainant les crimes et les répulsions bat son plein et pourtant on n’a jamais entendu parler de «négrophobie», le phénomène du racisme lui-même n’a pas entrainé la «raciophobie» même si la phobie des races existe comme névrose et qui serait plus crédible et plus adéquate à la réalité des phénomènes phobiques.

D’où vient que ce genre de combinaison terminologique ne s’applique qu’au 21e siècle et spécialement concernant une prétendue phobie de l’islam? Existe-il vraiment une phobie de l’islam sous-entendu comme un sentiment raciste, ou alors on est en présence d’un terme absurde et vide de sens mais qui véhicule des intérêts de pouvoir et favorise des connections invisibles de soutiens, de rapports de forces qui n’hésitent pas à faire valoir une idéologie raciste en feignant combattre le racisme. Les musulmans d’Europe seraient-ils plus persécutés que les juifs et les chrétiens en orient, plus que les noirs, les femmes, les sans-abris, les pauvres?

L’«islamophobie» est un terme vide de sens, de signification, et de valeur linguistique et sémantique réelle. Il ne dévoile aucune authenticité éthique, il a plutôt la force et l’envergure de ce qu’on peut appeler un «argument magique», applicable à tout propos, toute situation. Il peut être utilisé n’importe comment, même par des adversaires coriaces, dans des situations contradictoires, il est aussi bien utilisé par Caroline Fourest ou Tariq Ramadan, par les radicaux ou par les modernistes, par les politiciens et les religieux, par les journalistes et les incultes, c’est un «argument ambulant» qui a plus la force d’intimider, de culpabiliser, d’embarrasser, mais n’a pas la force de convaincre, d’expliquer ou de prouver. Il apparait plutôt comme une issue de débat à ceux qui n’ont plus d’issue valable. Il est là à chaque fois qu’on veut déguiser un drame, une tragédie, ou une coalition géopolitique.

Politique

On est en droit de se poser la question: qu’est-ce qui a rendu cette terminologie possible? Comment peut-on oser feindre ne pas voir. Il suffirait d’une investigation géographique réelle, loin du bavardage médiatique et de la propagande politique, pour s’en rendre compte. Il n’existe pas d’islam radical et d’islam modéré, il existe des peuples, des cultures et des sociétés musulmanes et quelle que soit leur différence, ils se ressemblent tous dans l’asservissement et l’obscurantisme.

Certes il existe des sociétés musulmanes de culture qui s’affranchissent et se modernisent comme la Tunisie, mais ce n’est pas parce qu’il existe un islam modéré, mais plutôt parce qu’ils n’appliquent pas l’islam. Avec le «printemps arabe» on assiste à une montée islamique fulgurante et l’islamisme bat son plein, un vrai spectacle d’horreur, crimes, viols, lapidations. Terrorisme, cannibalisme, violence au quotidien, pédophilie, prostitution jihadiste, guerres, conquête, on continue quand même à prêcher l’islamophobisme.

Le «printemps arabe» avait pour projet la déterritorialisation de l’islam et une islamisation d’alliance. Pour des raisons de crise financière, l’islam est décrété un allié nécessaire. Ressources naturelles, pauvreté, ignorance et religion. La modernité, le savoir et la technologie coûtent cher. La crise est telle que la solution ne peut être qu’expéditrice. Advient le terrible slogan «L’islam est la solution». En fait, ce slogan dit la vérité à propos de la crise US. L’islam sera leur solution, ce qui veut dire, l’implantation d’islamistes alliés partout où il y a ressources à exploiter, avec tout ce que ça peut signifier de connections diplomatiques, et c’est à partir de là qu’advient le laxisme laïque, et la «démocratie musulmane» à la Radwan Masmoudi. Et le travail sémantique de mobilisation générale et internationale moyennant des termes de dédramatisation des problèmes et le pompage médiatique et la création du problème fictif de l’islamophobie en substitution du problème géopolitique réel de l’islam et du terrorisme.

L’islamophobisme est l’idéologie qui a permis le colonialisme des grandes puissances au monde arabe et l’interconnexion diplomatique géopolitique. Ils l’ont décidé, l’islam sera leur solution, celle qui permettra l’accès à toutes les ressources.

Usage et fonction de l’islamophobisme:

1- Création de faux problèmes; 2- diversion et détournement; 3- manipulation mentale et politique; 4- adoucissement du terrain pour l’expansion du projet géopolitique; 5- auto-victimisation; 6- diabolisation de toute résistance; 7- maintien de rapports de forces diplomatiques (Qatar, France, US, GB, A. Saoudite).

* Professeur agrégée, chercheur en philosophie.