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Le tourisme tunisien, malgré les déclarations soporifiques des responsables du gouvernement, va mal, très mal. Sa crise actuelle est plus structurelle que conjoncturelle. Aussi les solutions doivent-elles être pro-fondes et radicales.

Par Béchir Toukabri*

Le tourisme tunisien à connu plusieurs crises dans le passé (guerre d'Irak, guerre du Golfe, attentats du 11 septembre 2001, attentat de Djerba en avril 2004...). Mais la crise actuelle est très grave, parce qu'elle dure déjà plus de 2 ans. Et parce que ses causes ne sont pas externes, mais internes.

L'avenir du tourisme tunisien est donc bien sombre, parce que la gravité de cette crise à été méconnue et occultée jusqu'à ce jour par tout le monde. Ensuite parce qu'il est menacé cette fois-ci de disparaitre.

Les débuts prometteurs

C'est l'Etat qui s'est engagé le premier dans la création du secteur touristique, sous l'influence de la France et des pays européens, ou parce que l'idée était très séduisante, qu'importe.

L'Etat donc investi beaucoup dans la construction de nombreux palaces et hôtels de luxe, et dans la formation de cadres hôteliers.

Il a encouragé les privés et des cadres de l'administration à investir dans la création d'entreprises hôtelières et touristiques : octroi de terrains à des prix dérisoires, facilités pour obtenir des crédits auprès des banques, formation du personnel, octroi de nombreux avantages fiscaux et d'aides financières, etc.

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Le Sindbad de Hammamet, l'un des premiers joyaux de l'hôtellerie tunisienne, construit dans les années 1970.

Durant les 40 dernières années, l'Etat a assuré les meilleures conditions du développement du secteur tou-ristique par, notamment, la création de zones touristiques viabilisées dans les régions côtières, le dévelop-pement de la formation hôtelière par la création d'écoles spécialisées dans les régions touristiques et la construction de plusieurs marinas.

L'Etat s'est également illustré par une attitude très laxiste vis-à-vis des promoteurs corrompus ou qui ne respectaient pas la loi et transgresser les règles pour fournir à la clientèle des produits et un service de qualité. Il s'est montré complaisant vis-à-vis des pays émetteurs et des TO, auxquels il a permis, durant les 40 dernières années, de modeler les activités touristiques en fonction de leurs seuls intérêts financiers. Ces derniers en ont d'ailleurs profité pour pousser les autorités à développer d'abord le tourisme bal-néaire, puis, successivement, le tourisme de masse, puis le tourisme des jeunes, puis le tourisme du 3e âge, puis le tourisme culturel, puis le tourisme haut de gamme et, au cours des 15 dernières années, la formule du «All inclusive»... Ils ont toujours profité également pour imposer des tarifs toujours plus bas et bénéficier de plus en plus d'avantages. Ils ont fini, durant les 20 dernières années, par mettre la main sur un grand nombre d'établissements, soit en rachetant la majorité de leur capital, ou en incitant beaucoup de promoteurs à céder leur établissement en «gestion pour compte». Le pourcentage d'établissements hôteliers gérés par des sociétés étrangères, qui ne dépassait pas 17% dans les années 70, dépasse aujourd'hui 35%.

Le retour de manivelle

Le Tourisme a certes rapporté beaucoup de devises à l'Etat. Il a créé beaucoup d'emplois et a eu un effet moteur sur les autres secteurs économiques. Mais il a fragilisé notre économie, a pollué l'environnement naturel et a perturbé notre culture et nos traditions.

Certains vont jusqu'à dire que le Tourisme a été une forme insidieuse de néocolonialisme. Or ce nouveau colonialisme été beaucoup facilité par l'incompétence professionnelle de beaucoup de promoteurs, qui n'ont jamais su gérer leur entreprise, et à l'incompétence politique des autorités de tutelle, qui n'ont jamais eu une vision claire du développement du secteur touristique.

Après le 14 janvier 2011, l'Etat a perdu beaucoup de son autorité. C'est ce qui a permis aux pays émet-teurs d'abandonner le tourisme tunisien à son sort, en dissuadant leurs nationaux de fréquenter notre pays.

Les TO, de leur côté, ont commencé à fermer ou à réduire le robinet des réservations. Et beaucoup de so-ciétés étrangères de gestion ont profité de la crise pour quitter le pays, en rapatriant leur argent, en laissant en ruine les entreprises qu'ils géraient et au chômage des milliers d'employés.

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Le tourisme saharien n'a jamais vraiment réussi à démarrer.

L'arrivée du pouvoir des islamistes a effrayé davantage ces «partenaires» et les touristes potentiels, très sensibles aux problèmes sécuritaires.

Enfin, l'une des causes principales de la crise de notre tourisme et qui risque de lui donner le coup de grâce, c'est la réaction et le comportement de tous les intervenants tunisiens.

L'Etat des islamistes, au lieu d'essayer de résoudre la crise, n'a fait jusque-là que l'aggraver. Car il a laissé à plusieurs reprises les «salafistes» brandir leur drapeau noir dans les zones touristiques et leur a permis d'organiser des descentes dans des hôtels pour interdire la vente de l'alcool. Il a, en outre, décidé d'imposer une taxe à l'entrée du pays et s'apprête de céder les vieilles unités hôtelières à bas prix à des financiers des pays du golfe.

Les différents ministres du Tourisme qui se sont succédé n'ont jamais compris ni les réalités du secteur ni les causes réelles de la crise où il se morfond. Ils se sont souvent illustrés par la langue de bois et les promesses fumeuses du genre «la situation va s'améliorer durant les 3 prochains mois, ou dans les 6 pro-chains mois, ou d'ici la fin de l'année, ou dans la haute saison de l'année prochaine». Bref, ils promettent de trouver des solutions toujours reportées aux calendes grecques.

Le président de la république ne s'est jamais intéressé au secteur, eu égard à ses fonctions limitées et son manque d'intérêt personnel pour un secteur qu'il ne connait guère.

La majorité des députés à l'Assemblée constituante sont plus préoccupés, quant à eux, à augmenter leurs salaires et à se garantir une retraite dorée. Ils n'ont proposé, au mieux, quelques solutions farfelues.

Les 2 syndicats des patrons, à savoir la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH) et la Fédération tuni-sienne des agences de voyage (FTAV), ne font souvent que se plaindre et supplier l'Etat de les aider en-core et encore. Représentant une corporation d'assistés, ils n font que demander à l'Etat plus d'aides et d'avantages, ou de d'intervenir pour sauver de la prison ceux qui n'ont pas payé leurs impôts, ou leurs dettes contractées auprès des banques.

Les professionnels sont des victimes, et souvent de leurs propres pratiques. Ceux d'entre eux qui n'ont pas encore fait faillite essayent de survivre et de sauver les meubles : c'est le cas de le dire!

Le syndicat des travailleurs, pour sa part, ne se sent pas concerné par la réflexion sur l'avenir du secteur. Il se contente de revendiquer sans cesse des augmentations de salaires, même en pleine crise.

Le personnel est l'unique grande victime de la crise.

Les partis au pouvoir ont tellement peur de quitter le pouvoir qu'ils se foutent de la crise d'un secteur dont ils ne comprennent même pas l'utilité et le rôle central dans l'économie du pays. Leurs dirigeants proposent de temps en temps des solutions absurdes ou fantaisistes, comme de faire du tourisme «islamique», comme si cette révolution sémantique allait provoquer un miracle économique. On a même parlé de tourisme «halal» et de convaincre les touristes de se convertir à l'islam. Bref c'est le délire total.

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Un secteur qui croule sous les dettes.

Les partis politiques de l'opposition n'ont même pas proposé, dans leurs programmes, une alternative sé-rieuse au système d'économie libérale de l'ancien régime, dont le secteur touristique est l'émanation, peut-on leur demander de trouver des solutions à la crise du tourisme?

Trois scénarios

Jusqu'à ce jour l'avenir du secteur touristique semble très incertain ? Trois scénarios se présentent.

1- Les pays émetteurs (notamment européens) vont obliger les nouvelles autorités à continuer comme avant, et même à accepter une plus grande mainmise des TO sur notre tourisme, pour qu'ils fassent plus de profit. Et cela quelle que soit la nature du nouveau pouvoir politique.

2- Si le nouveau pouvoir politique refuse le premier scénario, il devrait alors affronter une véritable guerre économique.

3- Dans tous les cas, le nouveau pouvoir, pour s'en sortir, devra révolutionner le secteur du tourisme en relevant notamment le défi de la qualité.

Pour cela, le ministère du Tourisme devra changer la majorité des effectifs de l'administration touristique, parce qu'ils ont déjà démontré leur manque de professionnalisme, de compétence et, surtout, de créativité et d'imagination. Il devra mettre en route une véritable opération de mise à niveau de toutes les structures intervenant dans le secteur.

Les syndicats doivent, pour leur part, abandonner leur réflexe corporatiste, et jouer un rôle d'encadrement et de contrôle, en concertation avec les organismes de l'Etat.

* Universitaire.