L'euphorie provoquée par la «promesse» de Ali Larayedh de démissionner dans trois semaines dans les rangs de l'opposition et des médias est pour le moins grotesque. Elle traduit l'inaptitude de la classe politique à défendre les intérêts vitaux du peuple.
Par Rachid Barnat
Encore un concert de jubilation «consensuelle», et cette fois-ci de la part de l'opposition, de l'UGTT, de l'Utica, de l'Ordre des avocats, de la Ligue des droits de l'homme... et même des journalistes pour crier victoire et pavoiser sur les plateaux TV et sur les ondes des radios, parce que Ali Larayedh a enfin daigné accepter de «promettre» qu'il démissionnera!
Les renoncements successifs d'une opposition bonne fille
Mais à quel prix? De concessions en reculades, l'opposition et la société civile ont renoncé à toutes leurs exigences après l'odieux assassinat de Chokri Belaïd, qui étaient :
- la dissolution de Ligues de protection de la révolution (LPR), milices violentes au service d'Ennahdha;
- la démission du gouvernement;
- la dissolution de l'Assemblée nationale constituante (ANC);
- la nomination d'un gouvernement restreint de technocrates;
- la nomination d'un comité d'experts pour finir la rédaction de la constitution;
- la reconduction de l'Instance supérieure indépendante des élections (ISIE);
- la suspension des nominations partisanes d'Ennahdha dans l'Administration;
- la révision de toutes les nominations déjà faites...
Pire encore, au prix du sang de Tunisiens morts et sacrifiés sur l'autel d'Ennahdha!
Ali Larayedh et Rached Ghannouchi: des loups dans la bergerie de la transition tunisienne.
Faut-il rappeler les assassinats politiques de Lotfi Nagdh, de Chokri Belaid, de Mohamed Brahmi...; le massacre de nos soldats mutilés par les mines antipersonnel posées par les «enfants» de Ghannouchi et ceux qu'ils ont tués, émasculés et décapités au mont Chaâmbi et ailleurs; les policiers qu'ils ont égorgés, tués; les gendarmes qu'ils ont assassinés lâchement..., conformément à la doctrine des Frères musulmans établie par Sayed Qotb, qui considère les forces de l'ordre républicain comme «tâghoût» (Satan), et comme tel leur élimination est «halal»!
Or tous ces crime perpétrés par ceux que les Tunisiens appellent les «salafistes» ne sont en fait que l'œuvre des «enfants» de Ghannouchi porteurs d'une «culture nouvelle», bras armé de son parti et dont la responsabilité en tant que gouvernant sont à l'actif d'Ali Larayedh en tant que ministre de l'Intérieur et en tant que Premier ministre !
Crimes qui auraient fait tomber autant de ministres et de gouvernements dans les pays démocratiques!
Et cet homme autiste et arrogant qui continue pourtant de refuser tout dialogue, tout accord, toutes conditions... de tous les intervenants et intermédiaires pour sortir la Tunisie de la crise politique dont il porte l'entière responsabilité !
L'amoncellement des cadavres
Il aura fallu 7 nouveaux meurtres pour qu'enfin Ali Larayedh daigne promettre de démissionner!
Et l'opposition ainsi que de nombreux journalistes de dire «ouf» et de crier victoire... oubliant toutes leurs concessions et leurs renoncements à leurs conditions faites suite à l'assassinat de Chokri Belaid le 6 février 2012! Étonnant non?!
Une telle euphorie, pour une simple «promesse de démission»... est grotesque!
Une fois de plus, la fermeté de Ghannouchi et celle de son gouvernement, malgré tous leurs crimes à tous les niveaux... a triomphé d'une opposition... tout compte fait, bonne fille!
Dommage pour les Tunisiens! Tous leurs efforts pour se débarrasser des islamistes ont été bradés par une opposition trop laxiste!
L'opposition n'a rien à espérer d'une reprise du dialogue national, où elle se fera à nouveau mener en bateau par Ennahdha. Elle doit se ranger du côté du peuple tunisien et crier haut et fort : «Game Over»! ! Car de courir après Ennahdha pour dialoguer et admettre le maintien de l'ANC, cela équivaut à une nouvelle prorogation de la légitimité du parti majoritaire!
Ce que Béji Caïd Essebsi dit et redit en confirmant clairement que tous les constituants et ceux sortis de leur rang pour diriger le gouvernement et la présidence de la République n'ont plus aucune légitimité pour cause de dépassement du mandat électoral... caduque depuis le 23 octobre 2012 !
L'opposition n'a pas fini de se faire rouler dans la farine.
Les Tunisiens doivent rester vigilants et ne pas oublier que tant que l'ANC ne sera pas dissoute... le cirque des «frères» nahdhaouis reprendra de plus belle, car plus que jamais ils revendiqueront leur «légitimité» et leur «majorité», devenues éternelles pour eux depuis que l'opposition leur a prorogé leur légitimité et ce contre la volonté du peuple tunisien, en leur accordant une «légitimité consensuelle»!
Entendez par là que leur «Majlis Choura» (conseil religieux jouant le rôle de conseil d'Etat) restera toujours maître de TOUT!
Puisque le gouvernement «neutre», ultime condition posée à Ghannouchi et que finalement Larayedh semble avoir acceptée... au prix de 7 assassinats dans les rangs des forces de l'ordre... sera sous contrôle des faucons d'Ennahdha!
Et voilà comment une fois de plus Ghannouchi donne le change à une opposition qu'il roulera à nouveau dans la farine !
Bien joué Ghannouchi!
Il ne reste aux Tunisiens que de persévérer dans leur demande de dissolution de la catastrophique ANC, source de tous leurs problèmes et de faire valoir la fin du mandat électoral accordé aux constituants, fini depuis le 23 octobre 2012 !!
La légitimité du peuple reste au dessus de tout, nous répètent à loisir tous les hommes politiques, tous partis confondus! Alors au peuple de faire valoir sa légitimité !