Les internes et résidents en médecine ont de bonnes raisons de boycotter le choix des lieux de stage et de menacer de faire grève pour protester contre une loi, populiste et démagogique, préparée par le ministère de la Santé.
Par Moez Ben Salem
Le ministère de la Santé publique cherche à faire adopter par l'Assemblée nationale constituante (ANC) une loi scélérate obligeant les résidents en médecine à aller travailler pendant trois années dans des régions dites «défavorisées» avant de pouvoir obtenir un diplôme définitif et s'installer à leur propre compte.
Conscients de la gravité de ce projet loi, les résidents ont décidé de boycotter le choix des lieux de stage et menacent de faire grève.
Cette réaction des jeunes médecins est totalement légitime et mérite d'être soutenue et ce, pour au moins cinq raisons majeures:
1) Cette loi est élaborée par un gouvernement démissionnaire qui est censé céder sa place d'ici quelques jours. De quel droit un ministre dans un gouvernement démissionnaire se permet-il de proposer une telle loi à une assemblée ayant perdu sa légitimité depuis 14 mois?
2) Le gouvernement actuel n'a rien fait de bon depuis sa mise en place; son bilan est désastreux à tous les plans. Qui peut croire que d'un tel gouvernement pourrait sortir une quelconque bonne proposition pour l'avenir de la Tunisie?
3) Cette proposition de loi est contraire aux conventions internationales, notamment la convention C105, ratifiée par la Tunisie, abolissant le travail forcé
4) Cette proposition est totalement inefficace et ne rend aucun service aux citoyens des régions dites «défavorisées» car un jeune médecin a besoin, d'une part, d'un encadrement adéquat de la part de collègues expérimentés, d'autre part, de trouver une infrastructure adéquate ainsi que d'un équipement et d'un matériel nécessaires pour qu'il (elle) puisse exercer dans de bonnes conditions; ce qui n'est malheureusement pas le cas.
5) Enfin cette loi est destructrice sur le plan humain, car le jeune médecin qui, après avoir passé plusieurs années de sa vie à étudier et à travailler, se retrouve obligé de travailler dans de mauvaises conditions, risque d'abdiquer et de chercher soit à s'expatrier, soit à se faire embaucher dans des firmes pharmaceutiques; dans les deux cas, les citoyens tunisiens n'en tireront aucun bénéfice, bien au contraire...
En définitive, plutôt que de sortir une telle loi aussi absurde que dangereuse, à visée populiste et démagogique, on aurait dû faire le nécessaire pour améliorer l'infrastructure hospitalière existante et penser à construire de nouveaux hôpitaux à vocation hospitalo-universitaire, ainsi que des dispensaires.