Narcissisme, misogynie, régionalisme et clanisme: tares d’une société tunisienne encore arriérée et que la perspective des prochaines élections a révélées au grand jour.
Par Hédia Yakhlef*
Décidément, les échéances électorales et l’établissement des listes de candidature se révèlent être le meilleur indicateur sur l’état d’avancement (ou d’arriération) de notre société. Loin des discours dont se gargarisent à longueur de journées nos politiques et des illusions qu’ils cherchent à produire, nous avons là un test grandeur nature sur le degré d’assimilation de certaines valeurs constitutives de la modernité dont se réclament à cor et à cri nos élites. Chacun se voit président Comme quand la mer se retire, laissant apparaître sur la plage polluée ordures et déchets, nous voyons refluer aujourd’hui les petites vérités qui font les blocages réels de notre pays. Autant de symptômes d’une société, malgré certaines apparences, encore arriérée, traînant des maux ataviques que des décennies de «scolarisation» n’ont pas pu dépasser. Ainsi en va-t-il de ce narcissisme qui porte tout un chacun à se voir président sans aucune interrogation sur ce qu’exigent la fonction et l’étape en terme de compétence, d’expérience politique, de rayonnement et de crédibilité capables de ramener la confiance nationale, la concorde et de relancer l’économie. Une inflation égotique a atteint nos politiques et a introduit une cécité presque générale qui masque à nos yeux les dégâts de trois ans d’irresponsabilité débridée. Ainsi en est-il de ce mépris affiché des femmes et de l’importance de leur rôle dans la résistance civique et de leur apport fondamental dans le développement et l’évolution du pays. Une profonde misogynie se libère pour venir nous dire que les femmes ne sont pas aptes à créer des dynamiques, à rassembler et à diriger. La récente sortie d’un ex-ministre d’un parti pseudo moderne (Khalil Zaouia et Ettakatol pour ne pas les nommer) vient nous confirmer cette vision rétrograde qu’ont certains, convaincus non déclarés de l’infériorité de la femme ou de sa «complémentarité». Le chiens de garde sont lâchés Dernière tare de cette liste provisoire de nos sombres vérités qui refont surface à l’occasion des élections, ce discours réactivité par certains mécontents de ne pas se trouver sur les listes et qui cherchent par tous les moyens, y compris les plus fourbes, à y revenir. Faisant fi des valeurs de la cohésion nationale et de la mobilité sociale qui ont cassé les petites appartenances claniques, tribales ou régionales, voilà certains chiens de garde lâchés pour colporter les discours de la division et du démembrement social. Toute honte levée, on les entend qualifier de «zrans» (paysans) des candidats qui ne sont pas «de souche» alors que souvent ils sont fils du village d’à côté ou établis dans la région depuis des lustres!!! On met au crédit de Bourguiba cette fameuse phrase où il dit que d’une poussière d’individus il a fait un Peuple ou une Nation. Visiblement, la leçon n’a pas été retenue par ceux-la même qui se réclament de son héritage aujourd’hui. Retrouver, chez eux les relents de ce discours de la division et de la haine du voisin, de cette stigmatisation de l’autre et de cette complaisance dans la nostalgie de la société segmentaire exhibe, de toute évidence, l’état d’arriération politique, sociale et morale de notre société. Narcissisme, misogynie, régionalisme et clanisme: le diagnostic est noir, faut-il désespérer !!! * Membre de Nida Tounes, Sousse. |
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