Hassen Kallel* écrit – C’est une culture de compromis entre les différentes composantes fraichement élues de l’assemblé constituante qui devrait caractériser la phase postélectorale du 23 octobre.
Pourvu que les Tunisiens se déplacent en masse pour aller voter ce dimanche, tous les observateurs, ou presque, s’accordent à avoir un hémicycle, au lendemain du scrutin, aux couleurs représentatives de l’échiquier politique tunisien. Au vu de la loi électorale à la proportionnelle avec le plus grand reste, aucune force politique n’aura la majorité lui permettant, tant bien que mal, de gouverner le pays.
Seulement voilà, le peuple est divisé sur le modèle de société à choisir pour cette nouvelle Tunisie qui se dessine. Bien que le socle commun – riche d’une histoire trois fois millénaires et d’une identité arabo-musulmane – soit un point consensuel, deux projets de sociétés défendus par deux pôles, idéologiquement et géométriquement opposés, sont au menu des débats qui ont animé la rue tunisienne et la scène politique ces dernières semaines.
Deux projets de société
Souvent critiqué pour son double langage, le parti islamique Ennahdha, principale force politique du pays, ne ménage pas ses efforts pour présenter une image d’un parti à la fois conservateur et ouvert, qui accepte le jeu démocratique et renonce à la violence. Un parti qui prône, selon les dires de ses leaders, un projet d’une société enracinée dans les valeurs islamiques. Ce discours, à prendre avec des pincettes, trouve relativement écho notamment au sein d’une jeunesse parfois sans repère qui, après deux décennies de dictature, cherche désespérément à se positionner dans une société en quête de son identité.
Reste que politique et religion ne font pas toujours bon ménage. Un risque subséquent à l'accès du parti Ennahdha au pouvoir : qu'il se transforme en un gouvernement idéologique, martèlent certains analystes.
L’autre projet de société, défendu par une mosaïque de partis progressistes allant de la gauche ouvrière au centre droite, incarne le modernisme et puise son origine dans la continuité du processus réformateur tunisien, initié par l’éminent Kheireddine Pacha.
Un projet avant-gardiste qui mêle modernisme et traditions et qui garantit la liberté de culte et de pensée. Un tel projet peut constituer une base cruciale sur laquelle une démocratie pourrait voir le jour.
Une majorité pour gouverner
Quoi qu’il en soit, les dés sont jetés et dans quelques heures on connaitra le poids réel de chaque parti qui déterminera les rapports de force au sein de la constituante. Condition sine qua non pour rallier une coalition.
Bon gré mal gré – le 23 octobre au soir – des alliances se composeront pour former une majorité lui ouvrant la voie pour le pouvoir. Certains craignent une impasse politique lors des négociations ce qui pourrait affecter sérieusement le processus transitoire déjà fragile et créer une paralysie des institutions républicaines pas encore solides. Ce statu quo politique pourra atteindre son paroxysme s’il s’installe dans la durée et devient chronique. La IVe république française en est un bon exemple (23 gouvernements en 12 ans).
Contre vents et marées, c’est la Tunisie qui sortira vainqueur de cette première élection libre.
* - Ingénieur-France.