Slim Riahi a annoncé qu’il se retire de la présidence du Club africain (CA), un an avant la fin de son mandat. Cherche-t-il à mettre ses adversaires dans l’embarras?
Par Hassen Mzoughi
Personne ne s’y attendait, pas même ses ennemis irréductibles. Pourtant, c’est ce qu’il a annoncé mercredi 1er novembre 2017. En fait, l’homme d’affaires, qui traîne des affaires en justice, n’a pas jeté l’éponge comme l’ont vite compris certains, mais il a tout simplement mis la balle dans le camp adverse.
Quel successeur pour le controversé président ?
Dans un bref message sur sa page Facebook, il dit tout : «Que ceux qui ont exigé mon départ et semé la zizanie soient aussi efficaces dans leur future gestion du club. Je les appelle à assumer leurs responsabilités et à composer un bureau directeur sans faire perdre plus de temps au CA». En résumé, il appelle ses opposants à se présenter pour faire leur preuve à la tête du club.
Slim Riahi n’avait plus aucun appui au club bien avant l’élimination en Coupe de la Confédération. Mais il veut persuader l’opinion que ses opposants ont cherché uniquement à le faire tomber, sous prétexte qu’il exploite le CA à des fins politiques. Ce qui n’est pas loin de la vérité.
Seulement où est le candidat à la succession de ce président controversé?
Les anciens dirigeants se sont élevés contre Slim Riahi, l’accusant notamment de vouloir «posséder» le CA. Soit, mais ils l’avaient auparavant cautionné pour se débarrasser de Jamel Latrous, pour sa puissance financière et pour son hypothétique projet sportif.
Pourquoi ont-ils attendu plus de cinq ans et tout ce gâchis immense pour réagir à sa gestion calamiteuse des affaires du club tunisois?
On ne se bouscule pas au portillon pour succéder à Slim Riahi.
Le «peuple clubiste» dans l’expectative
La réalité est tenace : quatre jours après la démission «officielle» de Slim Riahi, personne ne s’est présenté en «sauveur» du club. Le «peuple clubiste» est déçu, lui qui a balisé la voie en faisant le forcing pour déstabiliser Slim Riahi et consorts. Il attend une action rapide pour relancer le club. Il attend des dirigeants qu’ils demandent un audit des comptes avant d’engager une nouvelle gestion.
Auront-ils l’audace de le faire ou accepteraient-ils de payer les erreurs de gestion de l’ex-président et de ses collaborateurs qui ont causé un déficit estimé à 21 millions de dinars tunisiens (MDT)?
On a l’impression que les figures de proue du club sont en plein désarroi. Ils n’ont jamais prévu le départ de Slim Riahi. Et puis, c’est connu, le CA aime vivre avec les clivages. Les ego ne manquent pas et ne font pas toujours bon ménage. Ce qui rend délicate la transition.
On attendra la suite des événements pour voir si un candidat à la présidence du club se manifesterait, s’il ferait l’unanimité parmi les présidents historiques et surtout s’il obtiendrait l’indispensable caution du «big boss» ou «chef historique» Hamadi Bousbia.
Mais sait-on que l’après-Riahi sera beaucoup plus problématique pour les nouveaux dirigeants?
Politique de la terre brûlée
C’est que le président sortant, qui n’a aucune «affinité» avec un club réduit à un fonds de commerce électoral, va laisser un vrai champ de ruines. Depuis un an et demi, c’est pratiquement la politique de la terre brûlée. A l’image du handball et du basketball, pourtant sections phares du club, mais aussi du foot. L’équipe championne de Tunisie en 2015 a disparu la saison suivante, ne gardant que Saber Khalifa et Bilel Ifa. Plus, cette saison, le CA risque de perdre 12 joueurs dont les contrats prendront fin en juin prochain. Et les joueurs impayés, pour une fois solidaires, se préparent à déposer, le 25 novembre, une plainte auprès de la commission de litiges de la Fédération tunisienne de football (FTF) pour récupérer leur dus qui se chiffrent à… 4,5 MDT. Qui va régler la note et bien d’autres rubriques?
La question sportive n’est pas négligeable dans un CA où le chevauchement des prérogatives donne lieu à des ratages monstres. La polémique ouverte via les médias entre les deux anciens directeurs sportifs du club, Montassar Louhichi et Wajdi Essid, avec Ridha Dridi, le conseiller spécial en recrutements, donne un net aperçu de ces ratages à l’instar des nombreux transferts qui se sont avéré des flops retentissants.
Le CA risque de perdre 12 joueurs dont les contrats prendront fin en juin prochain.
L’argent sans la bonne gouvernance
L’absence de structures ouvre la voie à toutes les interférences qui ne vont pas dans le sens de l’intérêt du club. L’instabilité dans presque toutes les sections, les départs des entraîneurs voire des joueurs expliquent cette situation anachronique. Le handball et le basketball ont par exemple été budgétairement affaiblis et plusieurs joueurs cadres sont partis.
D’autre part, on ne compte plus les dirigeants qui ont défilé au Parc Mounir Kebaili depuis l’arrivée de Slim Riahi en 2012. Certains sont partis par dépit mais plusieurs ont été limogés par un président qui n’aime pas garder ses collaborateurs.
La gestion technique n’est pas en reste. Deux chiffres donnent la mesure du gâchis : en 5 ans et demi, 6 entraîneurs de football ont défilé sur le banc du CA (Daniel Sanchez, Nabil Kouki, Ruud Krol, Kaies Yaâkoubi, Chiheb Ellili et Marco Simone) et 3 directeurs sportifs (Samir Sellimi, Montassar Louhichi et Wajdi Essid) ont fait long feu. Le poste a depuis été supprimé!! Sans compter l’armada de joueurs – plusieurs n’ont même pas joué- qui sont passés par le Parc du CA.
Autant dire que le futur président et son équipe hériteront d’une lourde succession.
La grande leçon c’est justement Slim Riahi qui l’inspire : l’argent ne sert à rien quand la bonne gouvernance fait défaut.
La succession de ce président sera douloureuse car plusieurs «plaies» sont ouvertes.
Donnez votre avis