Le photographe Augustin Le Gall présente 34 portraits saisissants de Tunisiens ayant subi les affres de la torture sous les régimes de Bourguiba et Ben Ali.
Par Fawz Ben Ali
Augustin Le Gall a présenté, le 3 octobre 2015, à la Bibliothèque nationale de Tunis, sa série photographique «Sous le Jasmin», exposition réalisée en partenariat avec l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT).
«Sous le jasmin» est un projet artistique engagé, qui vise à mettre en lumière l’un des outils de l’oppression sous le régime de Bourguiba, puis celui de Ben Ali, à savoir la torture. Cette pratique barbare constituait un véritable système de gouvernement ayant touché un grand nombre d’opposants politiques, militants des droits de l’Homme, artistes engagés et étudiants. Les principales victimes de ce système viennent de toutes les régions de la Tunisie, sont de tout âge, et les femmes n’en étaient pas épargnées.
Une ambiance dramatique et grave
Victimes du même système totalitaire, les militants de différents horizons politiques, allant de la gauche jusqu’aux islamistes, figurent côte-à-côte dans les photographies d’Augustin Le Gall.
Ce jeune photographe, vivant entre Marseille et Tunis, a toujours porté une attention particulière aux minorités et aux droits de l’Homme. Membre du collectif «Dékodage», son travail porte principalement sur la place de l’individu dans la société et la place de la photographie dans un univers en mutation.
Comme le portrait représente un axe majeur dans le travail d’Augustin Le Gall, seuls des visages en noir et blanc étaient présentés sur la série photographique «Sous le jasmin» afin d’accentuer l’ambiance dramatique et grave et incarner la douleur de plusieurs décennies sous le poids de l’oppression et de la violence institutionnalisée. 34 portraits saisissants dont l’artiste photographe a su capter les regards endoloris, atteints mais surtout fiers.
Cette époque révolue demeure un chapitre sombre dans la vie des victimes, qui gardent des séquelles physiques et psychologiques. Certains gardent encore les traces indélébiles de la torture sur leurs corps, mais la plupart en sont atteints au plus profond d’eux-mêmes.
Espionnés, chassés et réprimés, ceux et celles qui figurent sur les œuvres exposées ont accepté de témoigner de la souffrance de générations successives et de la sauvagerie commise contre l’humain au pays du jasmin.
Le dur combat pour la liberté
A travers cette série photographique, et dans une approche documentaire, narrative et poétique, Augustin Le Gall a souhaité rendre hommage à ceux qui ont payé cher leur combat pour la liberté. Certains sont connus mais d’autres sont restés jusque-là dans l’ombre avec des paroles enfermées dans les recoins de la dictature.
L’artiste photographe déclare avoir été touché particulièrement par l’un des personnages, il s’agit d’Ali Ben Salem, militant anticolonialiste, puis opposant aux deux régimes de Bourguiba et de Ben Ali. Considéré comme le doyen des militants des droits de l’Homme en Tunisie, il reste «le symbole de la lutte et l’espoir d’une Tunisie meilleure», souligne l’artiste.
«Sous le jasmin» est une exposition qui cherche à faire face à l’histoire, à creuser dans la mémoire meurtrie pour ouvrir un chemin vers la réconciliation qui sera, certes, long et douloureux mais qui, justement, ouvrira des perspectives pour une Tunisie plus juste et plus humaine.
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