Manifestation de diplômés chômeurs.
Le recrutement de gestionnaires des ressources humaines et de contrôleurs d’impôts aidera à relancer la productivité du travail, à doper les recettes fiscales et à réduire le chômage.
Par Mohamed Nafti*
En Tunisie, chaque année, près de 100.000 nouveaux demandeurs d’emploi s’ajoutent à la liste des chômeurs qui ne cesse de grossir chaque jour et constituer une charge très lourde pour le gouvernement.
Sur ce train notre pays est en passe de devenir bientôt «le pays du million de chômeurs», un titre dont on a hâte de redorer notre blason après que notre voisin de l’ouest ait mérité celui du «pays du million de martyrs».
Le capital lettres
Quelques voix s’élèvent ici et là pour suggérer des idées utiles pour résorber le chômage. On parle de réforme fiscale, de mesures contre l’évasion fiscale, d’investissements privés et autres mesures qui pourraient s’appliquer à toutes les situations semblables. Un éminent économiste tunisien vient d’accoucher d’une idée qui pourrait résoudre tous nos problèmes. L’idée, basée sur un calcul mathématique simple, est censée guérir notre mal, telle une potion magique, en 3 ans. Mais comme tout raisonnement mathématique, elle parait abstraite. Ceci confirme l’adage qui compare les hommes de lettres et les purs scientifiques dans l’administration. C’est ce qu’on appelle le capital lettres.
L’administrateur qui gère une entreprise avec une méthode purement scientifique ne pourrait atteindre les objectifs fixés que lorsqu’il entame sa gestion avec tous les moyens déterminés à l’avance et lorsque toutes les conditions d’exécution des tâches sont réunies. Le manque d’un seul moyen ou d’une seule condition d’exécution d’une tâche pourrait mettre en échec toute l’entreprise. Pour un scientifique 2 et 2 font toujours 4. A l’inverse, le littéraire a l’esprit plus souple et ne manque pas d’imagination. Il est capable de transcender l’absurdité de la mathématique pour trouver une idée capable de compenser le déficit d’un moyen ou pour faciliter les conditions d’exécution d’une tâche ardue. Notre pays souffre d’un manque flagrant d’administrateurs compétents. A défaut de moyens, il faut plus d’organisation et un peu d’imagination.
Le rôle des grands administrateurs du gouvernement et des ministres est de choisir une idée. Leurs conseillers sont payés pour présenter plusieurs figures. Une fois l’idée décidée, les spécialistes, qui regroupent les juristes, les économistes et les administratifs, se penchent sur la procédure de mise en œuvre.
Aujourd’hui, beaucoup de Tunisiens sont prêts à venir en aide au gouvernement pour essayer de sauver le pays. Nombreux sont les intellectuels disposés à contribuer par des idées utiles à résorber le chômage. Il reste aux responsables politiques de tamiser et de choisir ce qui pourrait être réalisable. Dans le cadre de cette contribution, il est proposé l’étude de deux domaines de recrutement intensif et immédiat : la gestion des ressources humaines de toutes les institutions nationales (publiques et privées) et le contrôle fiscal de toutes les entreprises privées.
La gestion des ressources humaines (GRH)
Il s’agit de mettre en œuvre les procédures de la GRH. Ces procédures se résument dans la conception et la rédaction des différentes fonctions GRH et particulièrement celles qui se rapportent à la fiche de poste et à la fiche de tâche. Chaque agent, du simple manutentionnaire jusqu’au Pdg, doit être employé conformément à sa fiche de poste. La même chose sera appliquée quant au contrôle des tâches, à l’avancement du personnel, ainsi qu’à toutes les autres fonctions GRH.
L’objectif est de pousser l’employé à faire son travail conformément aux prescriptions relatives à sa tâche et non d’être présent sur le lieu du travail sans être contraint par une tâche définie.
La GRH identifie au moins une douzaine de fonctions. Aucune entreprise en Tunisie n’a osé se plier aux exigences de cette organisation scientifique du travail pour différentes raisons. La première est le manque de volonté et la paresse pour concevoir et rédiger les procédures du travail, tandis que la principale raison est de ne pas se soumettre à une fiche de tâches qui détermine la qualité exigée du travail demandé.
La majorité des entreprises nationales ont besoin de recruter un personnel qualifié pour mettre en œuvre ces procédures. Si chaque entreprise recrute au moins un seul spécialiste choisi parmi les chômeurs diplômés du supérieur et recyclé pendant une période allant de un à trois mois au maximum par les soins des institutions éducatives nationales assistées par un organe d’un pays ami. Ce domaine de la GRH pourrait absorber au moins 30.000 diplômés. L’apport de la GRH est énorme sur la qualité du travail qui est la principale richesse du pays. L’avenir du pays sera assuré si on est capable de fournir un travail de qualité.
Le contrôle fiscal
L’idée est de vérifier les déclarations d’impôts de chaque personne morale et physique qui travaille et produit en Tunisie. Même les fonctionnaires de l’Etat ne seront pas exemptés de ces mesures. La vérification se rapportera non à leur impôt sur le salaire mais aux biens qu’ils possèdent, tels que l’immobilier en location, les terrains et domaines de commerce ou autres. La vérification des gains des entreprises se fera à la manière des contrôles des comptes. L’agent désigné pour ce travail dans une entreprise fera un audit durant une période d’un an. A l’issue de cette mission, il est en mesure de déterminer la valeur exacte des impôts du par l’entreprise à l’Etat. Après cela, il importe de faire le constat d’honnêteté de l’entreprise. Si les déclarations antérieures, des 10 dernières années, ne s’avèrent pas justes, et c’est le plus probable, l’entreprise sera lourdement pénalisée.
Ces mesures renfloueront les caisses de l’Etat de manière considérable au cours des prochaines années. Chaque entreprise pénalisée financièrement devra aussi recruter un contrôleur pour l’aider à mieux gérer ses déclarations d’impôts à l’avenir. Ce domaine de contrôle nécessite au moins 150.000 contrôleurs recrutés parmi les chômeurs diplômés du supérieur.
Maintenant, si on s’amuse à compter le nombre de contrôleurs fiscaux et les spécialistes GRH nécessaires pour faire ce travail, il faudrait environ 200.000 agents supérieurs. Le problème du chômage des diplômés sera résolu, en tout cas sur le papier. Aux politiciens de le mettre en pratique. Ce ne sera pas un coup de baguette magique, mais ça peut aider. D’ici là on croise les doigts et on continue à espérer.
* Général à la retraite.
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