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Tunisie : Les malheurs d’une résidente dans un hôpital public

Accouchement

La condamnation d’une résidente à 2 ans de prison est entourée d’un inexplicable silence de la part de la communauté médicale.

Par Dr Rafik Mzali

Tous les accouchements ne sont pas de la même facilité. L’expression «tmout 3anfess» (morte en couches) n’existe pas par hasard. Malgré tous les progrès de la médecine moderne, il arrive encore que le gynécologue se trouve totalement impuissant face à certaines situations ou le saignement, la fragilité de l’utérus, la présentation du bébé lui jouent de mauvais tours et quels tours. Encore de nos jours, l’obstétrique est l’une des spécialités les plus éprouvantes et les plus stressantes.

La responsabilité des résidents

En théorie, bien sûr, nos résidents c’est à dire «nos enfants» ne devraient prendre aucune responsabilité pendant leurs gardes et la présence sur place à l’hôpital des seniors devrait être la règle.

La réalité est toute autre et les seniors ne sont là qu’occasionnellement et pour cause, ils sont passés par là et, avec l’âge, le mariage, l’usure, les conditions de l’hôpital, la paie ridicule de la garde, n’ont plus ni l’envie, ni l’énergie pour passer encore des nuits éprouvantes à l’hôpital et c’est souvent à contre coeur qu’ils se déplacent la nuit.

Les résidents sont souvent ainsi seuls à faire face à des situations inextricables mais n’ont pas le courage de se plaindre de l’absence des seniors à leurs côtés, leur formation en dépendant. Plus grave encore, certaines situations sont tellement urgentes que même si les résidents appelaient leurs seniors, il serait quand même trop tard.

Pour ce qui est de la présence des seniors pendant la garde, des conditions honorables doivent être fournies par la direction de l’hôpital et une indemnité de garde conséquente consentie pour l’imposer.

Attaquer sans cesse les seniors est contre-productif. D’ailleurs les jeunes, sitôt diplômés, restent très rarement à l’hôpital et vont vers le privé, reconnaissant ainsi indirectement que les conditions de l’hôpital sont pénibles et que s’ils les ont acceptées au cours du résidanat, c’était parce que leur formation les y obligeait. L’exiger de leur seniors, dans les conditions actuelles, est quelque peu malvenu.

La famille médicale universitaire doit réagir

En tout état de cause, pour revenir au sujet qui fait très mal, ce qui devait arriver arriva. Une résidente est condamnée à deux ans de prison ferme !!! Le silence assourdissant de la communauté hospitalo-universitaire est inadmissible car nous connaissons tous la réalité nocturne de l’hôpital. Le cri du coeur de cette résidente nous concerne tous. La famille médicale universitaire doit réagir en bloc.

C’est trop facile de condamner un jeune en formation alors qu’à tous les maillons de la chaine, il y a des défaillances. Le syndicat non seulement des résidents mais aussi des hospitalo-universitaires doit faire preuve d’une solidarité sans faille, ne serait-ce que parce qu’on ne peut pas ne pas nous sentir responsable, connaissant la réalité de nos hôpitaux. On ne peut pas ne pas nous sentir responsables alors que nous savons pertinemment qu’encore aujourd’hui nous rentrons chez nous et laissons les résidents assumer à au moins 80% le poids de la responsabilité des gardes, laissant les patients les plus démunis entre les mains de ces jeunes médecins, «nos enfants», en cours de formation et dont d’ailleurs la plupart n’ont même pas fait une thèse.

* Le titre et les intertitres sont de la rédaction.

 

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