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Syrie : L’armée de Bachar ne laisse pas de répit aux terroristes

Bombardements-russes-en-Syrie

Bachar s’emploie à nettoyer le réduit de la «Syrie utile» avant la fin de l’année pour pouvoir peser de tout son poids sur les négociations d’une solution politique à la crise.

Par Mohamed Nafti*

Le 20 octobre 2015, les Russes ont clôturé leur troisième semaine de guerre contre le terrorisme en Syrie.

Au cours de la première, ils avaient mené une campagne aérienne basée sur des frappes ciblant les groupes rebelles menaçant le régime de Bachar El-Assad. Les objectifs visés étaient concentrés dans  le réduit côtier de la Syrie utile, compris entre la côte méditerranéenne et l’autoroute Damas-Alep.

Au cours de la deuxième semaine, on a assisté à l’entrée en action des troupes terrestres de l’armée syrienne qui ont attaqué sur deux fronts. Le premier prend en main courante l’autoroute  et c’est l’axe d’effort de l’offensive terrestre en raison des villes qui la jouxtent. Le second part de Lattaquié vers Alep. L’objectif de l’armée loyaliste étant d’«écraser les terroristes et libérer les régions», celle-ci, appuyée par l’aviation russe, a réussi à désorganiser les rebelles dans les banlieues des grandes villes de Homs, Hama et Lattaquié et poursuivi son avancée en direction d’Idlib et Alep au nord. Cette deuxième semaine pourrait être inscrite à l’avantage des troupes de Bachar.

Quel bilan peut-on dresser de la troisième ?

Synthèse des opérations de la troisième semaine :

– 14/10 : l’aviation russe a accompli 41 sorties et bombardé des objectifs dans  les banlieues  des villes Idlib, Alep, Lattaquié, Hama et Dir Ezzoor. Des affrontements ont eu lieu dans la banlieue ouest de Damas.

– 15/10 : 33 sorties aériennes dans les mêmes villes. Des affrontements sont signalés dans les banlieues des villes de Homs, Lattaquié et Damas. Un chef rebelle de Jabhat Annosra est tué par un tir aérien de précision. Durant la nuit, les reconnaissances aériennes ont décelé la fuite de nombreux rebelles vers la Turquie.

– 16/10 : 36 sorties aériennes dans les mêmes villes. Des  affrontements sont concentrés dans les banlieues de Lattaquié et Alep. On annonce l’élimination d’une douzaine de combattants étrangers parmi lesquels figurent des Tunisiens. L’aviation US a parachuté des armes anti-char et des munitions aux «rebelles modérés» de Jabhat Annosra à Hama et Homs.

– 17/10 : 36 sorties, toujours dans les mêmes villes. Les affrontements s’élargissent au sud de Damas près des villes de Kuneïtra et Daraa. Mais les combats les plus acharnés se situent  au centre où les troupes loyalistes rencontrent une forte résistance des rebelles de Jabhat Annosra à Hama. Des observateurs affirment la présence de milliers de combattants iraniens aux portes sud d’Alep.

– 18/10 : 39 sorties dans les villes de Homs, Hama, Idlib et Damas. Les affrontements sont signalés autour des villes de Lattaquié, Hama et Homs.

– 19/10 : 33 sorties dans les mêmes villes. Près  de 35.000 citoyens civils ont fui les combats qui se déroulent dans les banlieues sud d’Alep et se dirigent vers la frontière turque. Les affrontements entre les troupes terrestres se situent dans les banlieues des villes d’Alep, Dir Ezzoor et Darra.

– 20/10 : 55 sorties. Dans les banlieues des villes d’Idlib, Hama, Lattaquié, Alep et Dir Ezzoor. Des affrontements acharnés sont indiqués dans les banlieues de Alep et Dir Ezzoor.

Enseignements tirés :

– Les frappes aériennes : la campagne aérienne de préparation n’a duré que la première  semaine, à l’inverse de celles menées par les Etats-Unis durant les guerres de Yougoslavie, du Golfe en 1991 et 2003, qui ont duré plus de 4 semaines. En outre, les objectifs des frappes étaient bien choisis et se limitent aux postes de commandement, aux dépôts de munitions et aux camps d’entrainement des rebelles. Autre particularité de ces frappes: le targeting (ciblage) de chefs rebelles. 35 sorties aériennes sont effectuées en moyenne chaque jour. Le 20/10 elles ont presque doublé (55 sorties). Faut-il y voir une vitesse supérieure dans le traitement des objectifs?

– L’offensive terrestre : annoncée dès le 7 octobre, elle devait être couronnée par les premiers succès le long de l’autoroute. En effet, les troupes terrestres ont avancé rapidement les trois  premiers jours de Damas jusqu’à Hama. Mais elles s’étaient arrêtées et, semble-t-il, ont reformulé leur plan initial pour converger vers les villes. Pendant deux semaines, les affrontements étaient signalés autour des grandes villes. L’armée syrienne semble donc procéder à l’encerclement et préparer le siège des villes.

– Vieille  tactique communiste : dans sa conception de la conquête des villes, Lénine optait pour le contrôle des campagnes environnantes comme préliminaire de cette action. On constate que, durant les deux dernières semaines, les affrontements entre la coalition russe et les rebelles ont été signalés surtout dans les banlieues des villes. La prise des villages de banlieue permettra aux troupes loyalistes de couper les renforts et le ravitaillement des rebelles qui contrôlent une large proportion des villes. En d’autres termes, le contrôle des banlieues est une forme d’encerclement et de siège qui fera étouffer la ville et les rebelles qui s’y sont installés.

– La présence de combattants iraniens : beaucoup d’observateurs étrangers affirment la présence de près de 2000 combattants iraniens dans les banlieues d’Alep. Il est probable que d’autres contingents iraniens suivront les prochains jours pour être engagés dans la prise de la plus grande ville du régime.

– La résistance des rebelles : la plus forte résistance des rebelles est constatée dans le centre du réduit côtier autour de Homs et Hama. Ces deux villes, traditionnellement opposées au régime, pourraient avoir leurs combattants (de Jabhat Annosra et Jaich Al-Fath) constitués en majorité de Syriens de souche et non de mercenaires ou combattants étrangers. Ce qui expliquerait leur ténacité au combat. Mais c’est, principalement, l’effet de l’appui états-unien assuré le 16/10.

– Dir Ezzoor : cette ville se trouve au sein du  territoire contrôlé par l’Etat islamique (EI, Daech). L’aéroport de Dir Ezzoor est l’unique facilité aéroportuaire dans la région et confère une importance stratégique aux activités de  l’EI. Une garnison de l’armée syrienne le défend depuis plus d’une année et a résisté aux assauts continus de l’EI pour le conquérir. C’est ce qui pourrait expliquer les frappes aériennes de l’armée russe sur cet unique point du territoire contrôlé par  l’EI.

– L’Etat islamique : en dehors de Dir Ezzoor, les avions russes n’ont dirigé aucune frappe sur la ville de Raqqa (capitale de l’EI), sur Palmyre ou sur un autre point dans le territoire de l’EI. Est-ce que c’est un accord tacite ou conclu avec les Etats-Unis pour maintenir Daech en dehors du réduit côtier ?

Conclusions :

– L’armée syrienne est en grande partie commandée par des officiers alaouites de la grande famille de Bachar. Elle lui est très loyale et tout laisse penser qu’elle ne va pas s’affaiblir ou trahir le régime. Elle tend à devenir plus puissante avec l’aide de la Russie et de l’Iran. L’armée syrienne est le centre de gravité du régime de Bachar. Les rebelles ne pourront jamais espérer une victoire stratégique sans avoir au préalable défait l’armée syrienne. Ce qui n’est visiblement pas pour demain.

– Les alliances sont capitales dans la  guerre. Bachar est soutenu par la Russie et l’Iran, deux alliés de valeur qui ne sont pas prêts à le laisser dans des conditions difficiles. Et c’est un facteur important à l’avantage du régime syrien dans l’issue de la guerre.

«Si l’ennemi veut négocier c’est qu’il se sent faible» (Sun Tsu, ‘‘L’art de la guerre’’): dimanche 18 octobre, John Kerry semble très impatient d’organiser une réunion avec les dirigeants de la Russie, de la Turquie et de  l’Arabie Saoudite pour négocier une solution politique à la crise syrienne.

– Tout laisse penser que Bachar a le vent en poupe. Il ne lui reste qu’à nettoyer son réduit de la «Syrie utile» avant la fin de l’année pour pouvoir peser de tout son poids sur toute initiative diplomatique qui vise une solution politique de la crise syrienne.

* Général à la retraite.

** Ce travail est basé sur une exploitation des sources ouvertes des journaux électroniques ‘‘Strategika 51’’ et ‘‘Sputnik international’’  pour les actualités quotidiennes et des articles sur la guerre en Syrie (agence syrienne Sana, le Figaro.fr et le Monde.fr).

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