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Réconciliation nationale : Soyons responsables, sauvons le pays!

Reconciliation-nationale

Sans une réconciliation nationale, dans un climat de pardon et d’union nationale, loin de tout esprit de revanche, la Tunisie restera paralysée et n’aura aucun avenir.

Par Moncef Kamoun*

La révolution n’arrive pas à engendrer l’élan qui porte le Tunisien à se remettre en cause et à retrousser ses manches, plutôt que de rester à l’affût des informations pétillantes sur les déboires de tel ou tel personnage politique et autre.

L’économie tunisienne est bien entrée depuis la révolution de janvier 2011 dans une zone de rendement décroissant. Nos exportations prennent du retard sur le marché international. La consommation entraîne de moins en moins la production nationale et les rouages de notre économie ne fonctionnent plus, d’où une production faible qui entraîne trop peu d’emplois. Le chômage devient par conséquent un phénomène durable.

Notre pays est en crise économique profonde sans précédent. Pourtant rien ne nous empêche aujourd’hui d’arriver au but si chacun de nous avait pour seule préoccupation l’intérêt national.

Pour réussir ensemble ce changement dans tous les secteurs dont on n’a jamais été aussi proche, il faut entreprendre ensemble, sans aucune exclusion, plusieurs actions urgentes sur les plans économique, politique et social.

Si nous assistons aujourd’hui à une difficulté pour mener à bien des réformes pourtant indispensables, c’est en raison du refus de voir la réalité en face, alors que pour assainir une telle situation il faut justement avoir le courage de dire la vérité telle qu’elle se présente et de prendre les mesures nécessaires quelles que soient les conséquences.

La situation du pays nécessite le concours de tous ses fils sans distinction aucune.

Sommes-nous tous en liberté provisoire ?

Actuellement, en Tunisie, il est hors de question de penser croissance, emploi ou même investissement. Car quel homme d’affaire étranger ou même tunisien s’engagerait réellement dans des financements aussi risqués dans un pays secoué par le terrorisme et dont le coût de la main d’œuvre ne cesse d’augmenter sous la pression des protestations syndicales tout azimut et surtout avec une administration complètement paralysée ?

Les fonctionnaires, du plus simple au plus haut cadre, qui représentent le moteur d’une administration dont la Tunisie est fier, parcourent depuis cinq ans les couloirs des tribunaux et des bureaux d’investigation. Ils n’ont fait, pourtant, qu’appliquer les ordres.

Cette humiliation flagrante de notre compétence crée dans le pays une atmosphère d’amertume et un sentiment d’injustice qui se propage de jour en jour.

Les actes que ces fonctionnaires ont commis relèvent le plus souvent de l’application de consignes ou d’instructions de leurs supérieurs hiérarchiques, alors que, selon l’article 42 du code pénal, «n’est pas punissable, celui qui a commis un fait en vertu d’une disposition de la loi ou d’un ordre de l’autorité compétente», c’est-à-dire, tout simplement, que tout fonctionnaire qui obéit aux ordres de ses supérieurs hiérarchiques n’est pas totalement responsable de ses actes.

Par ailleurs, les punitions collectives sont strictement interdites par le droit international, un non-sens républicain; elles constituent un recul sans précédent, du point de vue de la justice et de la morale.

Le principe d’individualisation de la punition ou de la sanction doit être respecté et seules les personnes ayant commis des infractions punissables par la loi doivent comparaître devant la justice, unique institution habilitée à juger et sanctionner les délinquants.

La conséquence majeure des procès engagés contre les fonctionnaires de l’Etat c’est la peur et surtout la réticence à prendre des initiatives ou même à assumer convenablement les missions pour lesquelles ils sont payés, d’où une paralysie totale de l’administration, des banques et des entreprises publiques.

D’autre part, la Tunisie est fière de son secteur privé dynamique, qui a toujours contribué à l’accroissement de la productivité, de la compétitivité, au développement entrepreneurial et plus généralement au dynamisme économique et à la réduction de la pauvreté. Ce secteur se trouve aujourd’hui paralysé lui aussi par cette ambiance de peur et de manque de confiance.

Certains hommes d’affaires interdits de voyage n’ont pu gérer convenablement leurs entreprises et ont vu leur contribution aux exportations et à la croissance sensiblement baisser. Même ceux qui n’ont pas fait l’objet de poursuites judiciaires ont suspendu tout investissement de peur d’être à leur tour l’objet de mesures d’expropriation ou de poursuites aussi arbitraires qu’inutiles. Certains ont même quitté le pays et se sont installés dans des pays voisins ou en Europe.

On enregistre également le départ de beaucoup de nos médecins, ingénieurs, informaticiens, experts financiers… vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Amérique du Nord.

Depuis 2011, la réalité que vit le Tunisien est faite d’angoisse, de manque de confiance, de chômage, de pauvreté et d’érosion du pouvoir d’achat, situation qui le ramène à la raison et lui permet désormais de discerner entre discours responsable et propagande populiste, entre manœuvre politicienne de bas niveau et engagement résolu du côté du citoyen dans le but de résoudre ses vrais problèmes. D’ailleurs, on dit souvent que ce qui nécessite la réconciliation c’est la malédiction.

Pour sauver notre pays, la cohésion, l’entente et le pardon entre tous ses fils s’imposent. La réconciliation nationale doit se faire, non pas dans les discours, mais dans les faits.

La paix pour le développement

Une fois élu, le président de la république Béji Caid Essebsi a lancé l’idée de réconciliation en recommandant la formation d’un gouvernement de large coalition politique et en intégrant, notamment, le parti Ennahdha au pouvoir. Son but n’était certainement pas uniquement de bénéficier de large majorité à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) mais de se réconcilier avec le parti qui le considérait, avant les élections, comme «plus dangereux que les salafistes» (dixit Rached Ghannouchi) et il voulait aussi montrer que, dans la Tunisie démocratique d’aujourd’hui, chacun a le droit de s’exprimer socialement et politiquement, à condition de respecter les lois de la république et les règles de la démocratie.

A l’occasion du 60e anniversaire de l’indépendance, le président a fait un discours porteur de messages positifs et il a appelé de nouveau toutes les composantes de la société tunisienne à suivre l’exemple des héros de l’indépendance qui ont bâti l’Etat Tunisien grâce à l’unité nationale.

Bourguiba, visionnaire à l’aube de l’indépendance, a refusé de procéder aux purges des citoyens ayant rendu des services à la puissance coloniale. Bien au contraire, il a su les intégrer, même à l’intérieur de son parti.

Nelson Mandela, après un procès où il était persuadé qu’il serait condamné à mort, a réussi à dépasser les sentiments de vengeance et de haine en se faisant le défenseur inlassable de la réconciliation nationale.

Après son investiture, en tant que président de la république d’Afrique du Sud, l’apôtre de la réconciliation a déclaré: «Je travaille aujourd’hui avec les gens qui m’ont jeté en prison, qui ont persécuté ma femme, chassé mes enfants d’une école à l’autre… Et je fais partie de ceux qui disent : ‘‘Oublions le passé, et pensons au présent’’».

Arrêtons alors cette démagogie qui ne peut que participer à la fragilisation du pays et de son unité nationale.
Aujourd’hui, l’heure est venue de refermer les plaies de créer des ponts au-dessus des fossés qui nous séparent.
La réconciliation n’est en fait qu’une façon concrète d’oublier le passé et de construire le pays.
Il faut instaurer, aujourd’hui, un climat de pardon, d’union et de réconciliation loin des adversités politiques, de l’esprit de revanche et des rancunes, qui n’aboutissent qu’à la prolifération de nouvelles victimes d’injustices.

L’initiative du président de la république pour la réconciliation nationale que tout le monde souhaite et qu’une minorité redoute par populisme et manœuvres grossièrement politiciennes.

Cette initiative de réconciliation économique et financière est tout-à-fait salutaire et raisonnable et apporte des solutions concrètes et uniques pour retrouver la confiance des opérateurs économiques et redynamiser, avant qu’il ne soit trop tard, ce potentiel économique et administratif que notre pays a formé depuis l’indépendance et qui est sous l’éteignoir depuis la révolution.

L’heure n’est plus à la surenchère populiste et aux promesses obscures. Il est grand temps de retrousser les manches et de se remettre au travail. Le pays ne se relèvera pas sans une prise de conscience collective et une mobilisation générale de toutes les forces vives de la nation.

* Architecte.

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