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Il est temps d’oser déclarer l’alcool licite en islam

Les appels qui se multiplient pour interdire l’alcool violent l’État de droit et la religion. Ils doivent avoir pour effet que l’on déclare enfin l’alcool licite en islam qui n’interdit que l’ivresse.

Par Farhat Othman *

Avec les troubles à l’ordre public qui se multiplient de la part de certains excités se réclamant de l’islam, alors qu’ils le violent, il est temps que toutes les autorités du pays réagissent de la seule manière utile.

Il s’agit d’avoir le courage d’oser dire ce qui est une vérité absolue : que l’islam n’a jamais interdit l’alcool, mais juste l’ivresse. Ce qui suppose de décider la totale liberté de vendre et de consommer ce qui existe, au reste, au paradis.

Une guerre au vivre-ensemble

Toutes les autorités sont concernées, car il y va de la religion de l’État qu’on viole, de l’ordre public et du vivre-ensemble. Car c’est désormais une véritable guerre qui est ainsi déclarée au vivre-ensemble démocratique.

Aussi, c’est seulement en se plaçant sur le terrain des intégristes qu’on sortira de la situation actuelle de complète confusion de valeurs.

Il est inutile de revenir ici sur l’argumentation, en arabe et en français, faite à plusieurs reprises, sur Kapitalis et ailleurs. Rappelons juste que jamais le Coran n’a interdit l’alcool. L’interdiction est le fait de jurisconsultes qui ont mal interprété le précepte coranique invitant à ne pas boire lors de la prière, et surtout à ne pas s’enivrer.

Aussi, interdire aujourd’hui la libre vente d’alcool, revient à attenter à un droit fondamental garanti aussi bien par la Constitution que la religion : la liberté individuelle de boire et le droit de commercer librement.

C’est ce que doit dire le président de la République en sa qualité de garant du respect de la Constitution. C’est aussi ce que doit rappeler le chef du gouvernement en sa qualité de responsable de la bonne marche des institutions.

C’est également du devoir du mufti de la République de démêler le vrai du faux et de rappeler que l’islam est une foi de droits et de libertés, et que boire de l’alcool sobrement, sans perdre la raison est bien licite. C’est même l’épreuve que doit surmonter le croyant et qui permet d’attester de sa bonne foi. Et c’est bien pour cette raison que l’ivresse est interdite.

L’islam n’interdit que l’ivresse

Jamais Dieu, dont les préceptes sont dans l’intérêt bien compris de ses créatures, n’aurait pu prescrire une interdiction traitant l’homme, la plus noble des créatures, en mineur. Le croyant en islam doit être libre d’agir, d’être tenté de boire l’alcool, donc de subir l’épreuve de la tentation, et d’y résister.

Ainsi agira-t-il comme le prophète auquel l’ange Gabriel a bien offert un verre de vin et qui a eu la liberté de choisir. Voilà le vrai esprit de l’islam qu’il faut au mufti rappeler.

C’est surtout du devoir du parti islamiste de se prononcer enfin clairement sur cette licéité de l’alcool, car on sait qu’il encourage en sous-main les excités qui en viennent à troubler l’ordre public au nom d’une religion innocente de leurs turpitudes.

Depuis quand l’islam encourage de semer le désordre dans les rues? N’est-il pas prescrit que si l’intérêt l’exige, on peut ne pas satisfaire à une obligation? L’intérêt aujourd’hui impose la paix publique que perturbent les appels contraires à l’islam à l’interdiction de ce qu’il n’a jamais interdit!

Et qu’on le sache bien : c’est l’interdiction de la libre vente de l’alcool et de sa consommation qui est la véritable cause des méfaits que les zélotes dénoncent. Si l’alcool était vendu comme tout autre bien, il n’y aurait jamais d’alcoolisme, ou nettement moins, puisqu’on sait que c’est l’interdiction qui crée le désire, forçant à l’abus.

Pour un remède de cheval

Il serait judicieux que ce qui se passe aujourd’hui d’insensé en Tunisie de la part des excités de la religiosité, ne voulant pas que la Tunisie accède à la démocratie qu’elle mérite, suscite une réponse judicieuse qui puisse amener une évolution majeure : l’abolition de toutes les restrictions à la libre vente de l’alcool. Qu’il soit donc désormais vendu librement partout, y compris vendredi et durant ramadan!

C’est une telle réponse radicale que méritent les appels irresponsables des imams zélotes qui nous rappellent les pharisiens dénoncés par le Christ. Ils oublient que l’islam est une foi de paix et que leurs appels à la mobilisation sont anti-islamiques, car ils perturbent l’ordre public et attentent au vivre-ensemble que tout un chacun doit veiller à rendre paisible.

C’est en s’acceptant tous autant que nous sommes, avec nos différences, que la Tunisie relèvera le défi du sous-développement. Alors, par la réponse appropriée que j’indique, faisons taire les obscurantistes affichés et ceux qui sont occultes et qu’il est temps de sommer de prendre position.

Seul un tel remède de cheval calmera les excités et rétablira véritablement l’ordre dans le pays. Car la société tunisienne est loin d’être conservatrice au point de violer sa religion qu’elle sait par définition tolérante. En effet, l’islam populaire est soufi; or, on sait à quel point le soufisme a chanté l’alcool.

Il est temps donc de dire que l’alcool — ce breuvage honoré au paradis, car il n’enivre pas — est bien licite si on n’en abuse pas. Un verre d’alcool c’est la boisson du paradis qui ne l’est après trois verres et plus !

* Ancien diplomate et écrivain, auteur de ‘‘L’Exception Tunisie’’ (éd. Arabesques, 2017).

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