Dans une remarquable intervention au forum Ict’In 2010, vendredi 1 octobre, à Gammarth, le Pdg de Tunisie Telecom (TT) a présenté la stratégie de son entreprise pour impulser la recherche et l’innovation dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (Tic).


A la différence des deux autres opérateurs télécoms en Tunisie, TT n’est pas adossé à un groupe international disposant d’activités de recherche et d’innovation en back-office. «Mais en tant qu’entreprise nationale citoyenne, TT s’emploie à mettre en œuvre la politique du Président Ben Ali, qui accorde une grande importance à la recherche et développement (R&D) et à l’innovation, notamment dans le domaine des Tic», souligne M. Ouaili.
Le Pdg de TT pose ensuite trois questions: pourquoi la R&D et l’innovation? De quelles R&D les Tic en Tunisie ont-elles besoin? Et comment la mettre en route?

Des tuyaux aux services et contenus
Les études internationales relatives aux perspectives du marché des télécoms montrent que les flux de croissance pour la voix vont continuer à baisser jusqu’à 2017. Aussi, pour espérer maintenir ou développer leurs revenus, les opérateurs du secteur doivent-ils chercher d’autres relais (ou niches) de croissance. Or, la tendance, aujourd’hui, est au développement de la large bande et à la convergence totale: large diffusion de l’IP, diversification des offres et des forfaits (double play, triple play ou même quadruple play), customizing ou personnalisation de ces offres… «Nous devons proposer du sur mesure pour chaque client», explique M. Ouaili.
Sur un autre plan, le marché des Tic a beaucoup changé. Les opérateurs d’infrastructures et les constructeurs de terminaux font face désormais à la concurrence des opérateurs de contenus. Ces derniers commencent d’ailleurs à se tailler la part du lion.
Avec la diversification des contenus et l’introduction de la télévision, l’écosystème est en train de changer profondément. Pour espérer maintenir leurs marges, les opérateurs de télécoms doivent être, à la fois, créatifs et proactifs. Ils ne peuvent plus se contenter de fournir des tuyaux. Ils sont appelés à proposer également des solutions. Or, pour réussir cette mutation, ils doivent développer leurs capacités de développement et de proposition de solutions innovantes.

Jeter des passerelles entre le laboratoire et l’usine
En d’autres termes: la valeur ajoutée des opérateurs télécoms, qui était jusque là fondée sur la technologie, doit s’orienter désormais vers les services et les contenus. Ils doivent donc passer du statut d’opérateur d’infrastructures à celui d’opérateur de services et de contenus. Leurs revenus continueront de provenir de la vente au détail, mais aussi et, de plus en plus, des services aux entreprises. Mieux (ou pis ?): ces revenus, ils doivent désormais les partager avec les fournisseurs de services, les développeurs de solutions, les médias, etc.
L’avenir n’est cependant pas sombre. Car, «de nombreux secteurs offrent des potentiels de développement pour les opérateurs des Tic, notamment le transport, la finance, la santé, l’éducation, l’industrie ou encore les systèmes de surveillance et de contrôle à distance», souligne M. Ouaili. Le Pdg de TT  s’empresse d’ajouter: «Nous n’allons pas rester les bras croisés.» Car, «pour pouvoir passer du statut d’opérateur de tuyaux à celui d’opérateur de services, nous allons devoir miser sur la R&D et l’innovation. Il y a un potentiel tunisien dans ce domaine que nous allons mettre à contribution. Il suffit, pour cela, de multiplier les passerelles entre le laboratoire et l’usine.»

Accompagnement des projets innovants
Comment TT, qui voudrait jouer un rôle important dans la recherche appliquée, pourrait-il y parvenir, et quels sont les défis qu’il doit relever à cet égard?
L’opérateur s’est déjà engagé dans cette voie sur le plan capitalistique. Il a ainsi mis en place des partenariats avec la Banque de financement des petites et moyennes entreprises (Bfpme), les technopôles de Sfax, de Sousse et d’El Ghazala à Tunis, et plusieurs universités. Ces partenariats visent à financer le développement des services et des contenus numériques et à promouvoir un savoir-faire local dans ce domaine.
Pour assurer le suivi de ces partenariats et en tirer le meilleur bénéfice, le groupe est en train de se restructurer. Il a ainsi lancé des programmes de R&D pluriannuels, tout en continuant à consolider les mécanismes de financement des projets d’innovation et en poursuivant son ouverture sur l’écosystème des Tic. Cette ouverture se traduit par la multiplication des partenariats avec des acteurs économiques nationaux et internationaux, avec les structures R&D affiliées aux universités et écoles spécialisées et avec les centres de ressources mutualisées.
Depuis 2000, TT a parrainé et accompagné quelque 3.000 projets innovants dans le domaine des Tic. M. Ouaili cite les nombreuses initiatives lancées récemment par son groupe, comme le financement de 7 projets en Tic par la filiale Diva Sicar, créée à cet effet en 2009, et la contribution au financement de 13 autres projets par le Tunis Information Technologie Fund (Titf), dont TT est actionnaire.
Cette année, le groupe a lancé un concours pour récompenser le meilleur contenu numérique réalisé par les jeunes. Il a aussi sponsorisé le Challenge Projets d’Entreprendre 2010, organisé par l’Ecole supérieure des communications de Tunis (Sup’Com), et qui vise à encourager l’entreprenariat et l’esprit d’initiative chez les étudiants présentant des projets innovants dans les Tic.

Entre évolutions et ruptures
En guise de conclusion, et pour impulser un débat dont l’urgence n’est plus à démontrer, le Pdg de TT a invité les responsables, experts et opérateurs présents à réfléchir aux trois questions suivantes: Quel est le positionnement actuel des acteurs de l’écosystème des Tic (opérateurs télécoms, équipementiers, fournisseurs d’accès, développeurs de solutions…)? Comment mutualiser la R&D et l’innovation dans un espace aujourd’hui très concurrentiel? Quel modèle mettre en place pour que les financements privés soient réellement en phase avec les orientations nationales?
Les réponses à ces questions, qui hantent aujourd’hui l’esprit aussi bien des opérateurs que des responsables et des régulateurs, détermineront, dans une large mesure, les orientations futures d’un secteur où la rapidité des évolutions n’a d’égal que la brutalité des ruptures.

Ridha Kéfi

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