Tunisiens et Marocains ont toujours été des concurrents sur les mêmes activités et les mêmes marchés. Ils veulent aujourd’hui marcher main dans la main. Est-ce possible?
Les hommes d’affaires des deux pays semblent, en tout cas, y croire. Ils l’ont affirmé à l’occasion des 1ères Journées de partenariat économique maroco-tunisien, organisée les 21 et 22 décembre à Rabat, à l’initiative du Conseil d’affaires maroco-tunisien (Camt).
Ce Conseil, présidé par l’homme d’affaires marocain Abdelmounaïm Faouzi, est né il y a 3 ans, avec pour mission d’impulser les échanges économiques entre les opérateurs privés des deux pays.
La cérémonie d’ouverture de ces Journées, les premières du genre – il était temps ! – a été présidée par MM Ahmed Réda Chami, ministre marocain de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies, et Ridha Ben Mosbah, ministre tunisien du Commerce et de l’Artisanat.
Les quelque 200 hommes d’affaires, représentant 28 entreprises tunisiennes et 48 marocaines, qui ont pris part à la manifestation, ont eu l’occasion d’échanger leurs expertises et de discuter des possibilités de lancer des projets communs dans les domaines du commerce, de l’agriculture, de l’industrie, de l’agroalimentaire, du tourisme et des services.
Vers une forme de coopération compétitive
M. Ben Mosbah – qui a profité de sa présence à Rabat pour s’entretenir également avec M. Abdellatif Maazouz, ministre du Commerce extérieur – a souligné la nécessité d’accroître les échanges commerciaux et d’ouvrir de plus larges perspectives à l’investissement mixte et au partenariat, mettant l’accent sur le rôle du secteur privé dans la consolidation du réseau de coopération et l’élargissement de ces perspectives. Le but est de réaliser une plus grande complémentarité à travers la création des projets dans les deux pays.
Pour sa part, M. Réda Chami a souligné les avantages à tirer de la Convention de reconnaissance mutuelle des règles d’origine en vue d’impulser les exportations des deux pays vers des marchés tiers.
Les participants ont procédé à l’évaluation de la mise en œuvre des recommandations de la Haute commission mixte maroco-tunisienne, notamment celles visant à établir une véritable intégration économique. Ils ont aussi discuté des mécanismes à mettre en place pour instaurer une «coopétition» (ou coopération compétitive), une nouvelle forme de partenariat intégrant à la fois la coopération et la compétition entre les deux pays.
L’enjeu est d’optimiser les domaines où les deux pays sont complémentaires ou concurrents afin d’envisager une nouvelle conception de coopération, en espérant qu’ensemble, les deux pays seraient en mesure de mieux approcher leurs marchés traditionnels comme l’Union européenne ou encore les nouveaux comme d’Afrique ou d’Asie.
Echanges très faibles, mais en progression
Le Maroc et la Tunisie sont liés par quatre accords commerciaux. «La signature de conventions d’amitié et de coopération est une bonne chose, mais il faut maintenant essayer améliorer les chiffres de nos échanges commerciaux», a déclaré M. Sadok Korbi, ambassadeur de Tunisie à Rabat, cité par les confrères marocains.
Au cours de ces dernières années, les échanges entre le Maroc et la Tunisie ont connu une hausse régulière. Selon Mohamed Horani, président de la Confédération générale des entreprises marocaines (Cgem), les exportations tunisiennes vers le Maroc se sont élevées à 150 millions d’euros, tandis que les exportations marocaines vers la Tunisie n’ont pas dépassé le tiers de ce montant. «Le volume modeste des expéditions marocaines vers la Tunisie s’explique par la taille de ce marché», a explique M. Horani.
Au cours des 11 premiers mois de 2010, les exportations tunisiennes vers le Maroc ont progressé de 18%, tandis que celles marocaines vers la Tunisie ont fait un bond de 60%, en comparaison avec la même période de 2009. Au total, les échanges bilatéraux se sont accrus de 28%. L’enjeu est aujourd’hui de les maintenir sur cette courbe ascendante.
Problèmes de transport, d’assurance et de normalisation
Pour réaliser cet objectif, il convient cependant de trouver des solutions aux problèmes de transport, d’assurance, de normalisation et de contrôle de la qualité, soulignent les opérateurs privés des deux pays.
Il s’agit aussi, comme l’a souligné Saâd Sefrioui, vice-président du Conseil d’affaires maroco-tunisien et président de la Fédération des entreprises d’artisanat du Maroc (Cgem), de passer «d’une logique d’échanges import-export à une logique d’investissement de part et d’autre», d’autant que les opportunités d’investissements bilatéraux ne manquent pas, notamment dans les secteurs des services, du conseil, de l’aéronautique, de l’automobile et de l’agroalimentaire.
Pour M. Defrioui, qui parlait dans une interview accordée à nos confrères de ‘‘L’Economiste’’ http://www.leconomiste.com/article.html?a=104723, cette nouvelle logique est la mieux à même de «pérenniser solidement les relations économiques entre les deux pays».
Le groupe Sefrioui est présent en Tunisie depuis 60 ans, où il exporte le «ghassoul» (appelé chez nous «tfal marocain»), qui fait partie des habitudes cosmétiques de nombre de nos femmes Tunisie.
Qui parle d’«axe Rabat-Tunis»?
Commentant les travaux de ces 1ères Journées de partenariat économique maroco-tunisiens, les confrères marocains ont parlé de la mise en place d’un «axe Rabat-Tunis». L’expression nous semble quelque peu exagérée, car le concept d’«axe» présuppose une collaboration dirigée contre une partie tierce, ce qui n’est pas le cas ici, l’objectif pour les deux pays étant de mieux se concerter et de joindre leurs efforts en matière d’investissement et de conquête des marchés internationaux.
Il s’agit aussi de constituer une sorte de locomotive maghrébine pour entraîner les autres pays de la région (l’Algérie, la Libye et la Mauritanie) sur cette voie de la coopération horizontale intermaghrébine.
Le prochain Forum des hommes d’affaires maghrébin, prévu les 9 et 10 mai 2011 à Marrakech, sera l’occasion de relancer le train de l’intégration économique régionale, qui avance à une vitesse très lente, malgré les potentialités des 5 pays pris séparément.
R. K.
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