La Tunisie a toutes les chances de récupérer une part importante des avoirs du président déchu et de sa famille à l’étranger, affirme le gouverneur de la Banque centrale de la Tunisie (Bct).


Mustapha Kamel Nabli, qui parlait lors d’une conférence de presse, vendredi, à Tunis, a fait aussi remarquer que les procédures engagées nécessitent la discrétion absolue pour que les personnes concernées ne transfèrent pas leur argent. Une manière de justifier l’absence (jusque là) de communication du gouvernement sur ce sujet.

En attendant des décisions de justice
Le gouvernement provisoire a crée en vertu du décret n°15 daté du 26 mars, une Commission nationale pour la restitution de l’argent placé à l’étranger. Cette structure, présidée par le gouverneur de la Bct, est chargée d’identifier les endroits où est placé cet argent, sa valeur et à entreprendre les procédures nécessaires pour sa récupération.
M. Nabli a affirmé que la réalisation de ces objectifs nécessite des décisions de justice, confirmant que cet argent a été acquis de manière illégale ainsi que des jugements équitables selon les critères internationaux.
Passer à travers les canaux officiels (ministère des Affaires étrangères et ambassades) reste nécessaire, a-t-il précisé, ajoutant que la commission va contribuer à l’accélération des procédures à travers les relations de coopération établies avec différents organismes internationaux et les associations dans les pays concernés.
Il a affirmé que certaines sommes d’argent peuvent être restituées dans un délai de moins d’un an alors que la majeure partie ne le sera qu’après plusieurs années étant donné la lenteur des procédures notamment judiciaires.
La possibilité de la restitution de cet argent existe alors que la question est posée au niveau international par plus d’un pays (Tunisie, Egypte, Libye..), surtout que des pays comme la Suisse et le Canada ont promulgué des lois permettant la restitution de cet argent, a relevé M. Nabli.
Les pays du Golfe, comme le Qatar et les Emirats Arabes Unis, a poursuivi le gouverneur de la Bct, sont adhérentes aux conventions internationales et bilatérales avec la Tunisie. Ce qui permet au pays de recouvrer cet argent s’il apporte la preuve qu’il a été acquis illégalement.

Possibilité de recourir à des cabinets étrangers
L’Etat tunisien a mis à la disposition de la commission tous les moyens nécessaires (financiers et non financiers), a-t-il précisé, relevant que la Banque africaine de développement (Bad) a exprimé sa disposition à présenter les financements nécessaires à cette fin. De même, l’organisation des Nations Unis a apporté l’expertise nécessaire dans ce domaine à la Tunisie.
On sait aussi que le gouvernement tunisien n’écarte pas aussi la possibilité de recourir à des cabinets étrangers spécialisés dans ce genre d’affaires pour l’aider à débusquer les mouvements de fonds ayant été effectués par les membres de l’ex-clan au pouvoir sur leurs comptes à l’étranger. Aucun nom n’a filtré jusque là: preuve, peut-être, que l’opération de recherche du meilleur cabinet pour effectuer ces opérations n’a pas encore réellement commencé.     
Les opérations de restitution concernent les avoirs du président déchu, de sa femme, de ses enfants, de toute personne ayant des liens familiaux avec eux et qui leurs ont présenté une aide ou a profité illégalement de leurs agissements.
Interrogée, lors de sa visite à Tunis, le 2 mai, sur le sort des avoirs de Ben Ali et son clan gelés par Berne, la présidente de la Confédération Helvétique, Micheline Calmy-Rey, a déclaré: «Il faut que les Tunisiens nous apportent les preuves que cet argent est d’origine criminelle pour que les restitutions puissent être ordonnées». En d’autres termes, si lenteur il y a dans les procédures de restitution de ces avoirs à la Tunisie, cette lenteur n’est pas imputable à la Suisse… mais à la Tunisie.
Le problème est donc aujourd’hui de nature bureaucratique. Il faut que l’administration publique bouge et livre à la justice tout document ou preuve de transactions ou mouvements financiers douteux que l’ancien clan au pouvoir aurait effectués d’une manière ou d’une autre, même avec des noms d’emprunt. Les banques et les institutions financières ont aussi un grand rôle à jouer en mettant en route des investigations internes.
Ce qu’il faut surtout éviter c’est ce qui s’est passé avec la République démocratique du Congo: ce pays n’ayant pas fourni les preuves attestant de l’origine criminelle des fonds de Mobutu Sese Seko déposés en Suisse, Berne a dû reverser la bagatelle de 6,7 millions de dollars aux héritiers du dictateur.

Imed Bahri (avec Tap)

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