Accusé de malversation, l’homme d’affaires Khaled Kobbi, en détention depuis le 7 juillet 2011, bénéficiera-t-il de la justice «transactionnelle»? Ses employés l’espèrent bien, et y travaillent beaucoup.
Par Zohra Abid
Une campagne médiatique est menée en faveur de sa libération et des négociations feutrées seraient en cours, en ce sens, avec des proches du gouvernement.
Qui a parlé de campagne médiatique?
Quelques jours avant la conférence de presse, mercredi matin, pour plaider en faveur de sa libération, plusieurs journaux de la place ont évoqué – sans doute par coïncidence ! – le cas Khaled Kobbi. Se basant sur les propos des avocats de ce dernier, des confrères sont revenus sur le parcours du prévenu et affirmé que l’homme est un bouc-émissaire et qu’il n’a jamais représenté «un danger pour l’économie du pays», mais qu’il est – publicité mise à part – «un investisseur qui fait travailler les milliers de personnes».
Ces articles sont parus – autre coïncidence! – au lendemain de la visite des prisons de Borj El Amri et Mornag par le ministre de la Justice Noureddine Bhiri, qui était accompagné, en plus de sa délégation officielle, de quelques journalistes triés sur le volet. Parmi les détenus rencontrés à Mornag par le ministre, M. Kobbi lui-même. Une vidéo est actuellement partagée sur les réseaux sociaux où l’on voit l’homme d’affaires plaidant sa cause auprès du ministre.
Tout cela, bien entendu, n’a rien à voir d’une campagne médiatique, sinon on l’aurait su!
Lors de la conférence de presse de mercredi, une trentaine de journalistes a répondu à l’invitation. Un peu plus qu’habituellement. C’est à croire que l’événement était de première importance. Il l’est, en tout cas, pour ceux qui essayent, via les médias, à convaincre le gouvernement et la société civile de l’innocence de M. Kobbi. A commencer par les représentants de son groupe.
Après avoir passé en revue (et sur écran) le parcours professionnel et les divers projets de Khaled Kobbi, Mohamed Jerbi et Sami Chaker, deux de ses principaux collaborateurs, ont reconnu que l’organisation de cette conférence se veut un appel pour la libération de leur patron, afin qu’il reprenne les rênes de ses entreprises et leur évite ainsi de mettre les clés sous le paillasson. Ce qui ne peut qu’engendrer des pertes d’emplois et causer un préjudice supplémentaire à l’économie nationale.
Mohamed Jerbi et Sami Chaker.
Pour la libération du patron
Il ne s’agit pas là d’une campagne médiatique, soulignent-ils encore, mais après plus de 8 mois de prison, la détention d’un homme qui n’a rien à voir avec les dossiers de corruption est inhumaine.
«M. Kobbi est en détention à cause d’un terrain agricole de 107 hectares acheté des privés et qui n’a jamais appartenu à l’Etat. Même pas un mètre carré n’a appartenu à l’Etat et il n’y a pas eu de déclassement. Puis, la loi dit que lorsqu’il s’agit d’un investissement, il y a exonération d’impôts pendant 5 ans et l’investisseur ne paie pas non plus pendant cette période ni eau ni électricité», a expliqué aux journalistes Sami Chaker. Qui a ajouté, au cas où il y aurait encore quelques sceptiques dans la salle, n’avoir jamais vu, chez son patron, des Ben Ali ou des Trabelsi.
Après avoir négocié, il y a quelques mois, la bagatelle de 12 millions de dinars, comme caution contre sa libération, M. Kobbi était sur le point de quitter la prison, mais le tribunal est revenu sur sa décision.
C’est ce qu’ont affirmé les deux conférenciers, qui ont beaucoup parlé des succès de leur patron grâce à son esprit créatif et à ses qualités humaines. Ils se sont aussi attardés sur son entreprise, qui existe légalement depuis 1982, mais qui exerce déjà depuis 1972, entreprise qui s’est toujours basée sur l’innovation et sur des équipements modernes pour être un modèle dans le pays.
Le patron est certes en prison, mais l’entreprise continue de fonctionner, mais, déplore M. Chaker, «l’élan est au ralenti». «C’est le cas des 5 projets en cours entamés avant la révolution et poursuivis après. Je pense à l’autoroute de 70 km qui relie Testour et le Kef. Nous n’avons pas arrêté les travaux mais le rythme n’est pas soutenu», ajoute-t-il.
Bâtiment Kobbi à l'entrée de l'Ariana.
Beaucoup d’espoir sur le gouvernement Jebali
Les deux conférenciers, qui plaident l’innocence de leur patron avec une conviction évidente, en montrant des documents, les mêmes examinés par le juge ayant ordonné son arrestation, comptent surtout, pour assurer sa libération, sur l’orientation actuelle du gouvernement Hamadi Jebali, qui appelle à la réconciliation avec les hommes d’affaires.
A les entendre, la libération de M. Kobbi serait facilement négociable. Même si ce n’est pas exactement ce que les Tunisiens ont entendu, dans le discours du même Jebali, le 9 avril, sur l’esplanade du Monument des Martyrs, à Sejoumi. Ont-ils vraiment bien compris le discours du chef du gouvernement?
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