Émois croisés. Jésus et Joseph sont incarnés dans deux feuilletons diffusés respectivement par Nessma et Hannibal. Tâche d’huile ! Les religieux saisissent le mufti d’une motion d'interdiction. Les athées remuent ciel et terre pour «sacrer» l’infâme à la télé. Ils appellent, selon toute attente, à interdire l’interdit. Jamel Heni, Paris.
Il s’agit de productions iraniennes, retraçant la geste abrahamique du point de vue islamique (chiite). Un détail où se cache le diable, on le verra! Mais pour commencer, voici comment plus rien n’arrête les doctrines sur la pente de la contradiction!
Contradictions «nécessaires» !
Nous avions découvert la nouvelle avec stupeur, mêlée de désarroi. Les réactions des deux camps toujours extrêmes sur les questions métaphysiques (exception tunisienne, les débats étant plus sereins ailleurs, selon le penseur arabe Tayeb Tizini) laissent coi. Elles sont surtout l’inverse de ce qu’elles auraient pu devenir dans un monde idéal, cohérent surtout.
Un bon homme de religion, un bon musulman pratiquant, n’a-t-il pas tout à gagner des feuilletons controversés: faire entendre la cause monothéiste, rendre hommage à ses héros, entretenir la mémoire et la flamme spirituelle, rétablir les vérités de l’histoire (distordue, réécrite par les vainqueurs...)?
Un bon athée patenté, fâché à mort avec les dieux et les prophètes, doit-il s’offusquer outre mesure de l'interdiction de «chimères», de «superstitions», d’«aliénations» et autres «pensée magique et préscientifique» à la télé? N’assiste-t-on pas à une «remontée» facebookienne contre les interventions de Cheikh Mchaffar, qui exaspère tant nos irréligieux. Disons la majorité pour ne pas jurer...
Pour une fois, ne retrouve-t-on les mêmes, là où on les attend! La défense, controversée, par le prophète, de toute incarnation, devait-elle frapper de léthargie le bon sens religieux? L’unique hostilité aux barbus annihilait-elle toute cohérence à l’athéisme? L’écheveau n’a jamais été autant emmêlé. Et reconnaissons-le, l’ambivalence n’a guère autant constitué une règle, la seule qui vaille. Pourquoi ?
Le détail du diable
Notre hypothèse, il est vrai «irritante», est que la provenance des feuilletons n’est point anodine. Leur «persanité chiite» est loin de constituer un détail pour les uns comme pour les autres.
Les religieux, tout avocats qu’ils soient, en sont à interdire l’épopée dont ils se revendiquent, pour d’essentielles raisons stratégiques. Ils enrobent leur «pilule religieusement contraceptive» d’approximatifs dits prophétiques, de douteuse véracité. Il s’agit, pour eux, de s’élever contre toute «normalisation» d’avec la culture chiite sur les terres du sunnisme.
Ne voient-ils pas l’imamisme conquérir des pans entiers de la jeunesse radicale, à la faveur des glorioles médiatiques du chiisme libanais? Ne rendent-ils pas de bons et loyaux services au sunnisme en défendant sa vision, y compris historique, de la geste monothéiste. En arrachant le mal à la racine et en sabordant tout entrisme persan, fut-ce à dos d'art?
Renversant! Ne voilà-t-il pas nos païens se formaliser d’une interdiction des succédanés dramatiques du «mchaffarisme» qu’ils abhorrent et appellent à rayer de la télé! Oui mais c’est bien plus compliqué cette fois! Il s'agit de montrer sous un jour inédit, et non moins vraisemblable, la multiplicité du discours religieux, et non son idéale unicité, premier dogme des croyants. Appuyer le trait de la multiplicité des historiographies monothéistes, en ouvrant nos chaînes aux différentes versions islamiques, permet, pensent-ils, une réelle déclinaison historique de la religion. De fait, celle-ci, se déploierait au gré des hommes et de leurs intrigues et point comme la lettre d’une révélation. Le caractère intemporel, absolu et idéal du monothéisme musulman s’en trouve, en définitive, battu en brèche, croit conclure le peuple de la mort de dieu!!
Et nous dans tout ça
Les contradictions des premiers cachent une cohérence confrérique. Celles des seconds sont un mal nécessaire vers une jouissance théorique!
Tous les religieux, ne pensent pas ainsi. Sûrement. Tous les athées ne sont pas si «politiques». Bien entendu. Les raisons sont infinies qui expliquent l’orthodoxie recroquevillée des premiers, et le séduisant libéralisme religieux des seconds. Certains croyants s’en remettent «honnêtement» au dit controversé du prophète sur l’incarnation des messagers de Dieu. Pas mal d’irréligieux, savourent sans mauvaise conscience les grandes conquêtes du monothéisme à la télé.
Nous avions ajouté à ceux-là une catégorie. Celles de l’avocat et du procureur de Dieu! Et ils sont chaque jour plus nombreux. Et chaque jours plus fanatiques, les uns que les autres!
Par-delà. L’homme de la rue. Vous et moi. Les pauvres tunisiens revenus des chapelles et des tribus, nous ne voulons rien de plus que de belles fictions sans histoires. Nous discuterons de tout ça après !
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Titres et intertitres sont de la rédaction.
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