Troisième article de la série «Les journaux en ligne tunisiens dans la course à l’audience et à la publicité : petites ruses et coups bas» ou comment se mettre dans le Top 10 quand on ne l’est pas vraiment…
Par Imed Bahri
Le service Google News est un agrégateur d’actualités qui affiche au top de la page les articles les plus récents. Il mentionne également le temps écoulé depuis sa parution (15 minutes, 30 minutes ou 1 heure, etc.). Plus l’article est récent, plus il aura une visibilité optimale et assurera un trafic entrant important au site.
Pour des raisons de référencement, quand un article est publié, un script génère une adresse Web (URL du genre http://www.site.tn/titre-de-l-article-publie.html) relative à cet article-là. C’est ce qu’on appelle l’URL Rewriting.
Pour s’assurer le maximum de visibilité sur Google News, des sites tunisiens utilisent un script qui génère, quelques heures après la publication initiale, une deuxième URL du même article. On aura alors une adresse Web de la forme http://www.site.tn/titre-de-larticle-publie.html.
Visuellement la différence est minime entre les deux URL. Mais au niveau de Google, ce sont deux articles différents. Et pourtant, les deux adresses pointent sur la même publication. Du coup, cet article s’affichera au top de la page de Google News comme s’il venait d’être publié. Qui a vu la triche ?
Mais les moyens contournés pour doper ses visites artificiellement ne s’arrêtent pas là.
Le classement d’Alexa est-il fiable ?
En termes d’audience, la Tunisie n’a pas, jusqu’à présent, un outil fiable de classification des sites Web les plus consultés au niveau national. Alexa.com est un service gratuit qui donne une mesure approximative des audiences.
Parfois, les agences de webmarketing et de publicité se basent sur ce service pour argumenter à leur client le choix des sites Web sur lesquels ils devraient insérer leurs bannières.
Sur ce point, on se permet d’ouvrir une parenthèse pour faire noter à nos lecteurs que l’Agence tunisienne d’Internet (Ati) a entrepris, en février 2011, un programme de recyclage des serveurs de censure (qu’a installé Ben Ali au sein de l’agence) pour avoir des mesures quantitatives et qualitatives sur le comportement des internautes tunisiens.
Ces outils de mesures visent à anticiper le besoin des abonnés Internet en Tunisie en termes de bande passante, mais également pour améliorer la qualité de service (pour un protocole donné comme la VoIP sur Skype par exemple).
Malheureusement, ce programme a été mis en stand by par manque de moyens. Ne pouvant lever les fonds nécessaires qui peuvent couvrir les frais d’une telle opération, l’Ati a en effet mis ce projet en attente. D’autant plus que l’agence n’a pas arrêté de subir les attaques de quelques avocats qui ont tenté, par le biais de la justice, de rétablir la machine de la censure aux frais de l’Ati.
Revenons à nos «malins». Pour mieux vendre leurs portails, quelques sites tunisiens se sont donc emparés du classement que fait Alexa pour se mettre en valeur auprès de leurs annonceurs. Seulement voilà, ce classement n’est pas du tout fiable.
Pour dresser le classement, Alexa se base en effet sur les données renvoyées par les internautes qui ont installé une toolbar (une barre qui s’insère dans le navigateur et qui traque les sites visités par l’internaute). Or, très peu d’internautes l’installent. Et ce sont généralement les Webmarketeurs et les professionnels du Net qui l’ont.
Le mélange malsain du buzz avec Alexa
Résultat : si on a dix ordinateurs sur lesquels la toolbar d’Alexa est installée, et que ces PC sont connectés en permanence sur un site qui fait de l’autorafraichissement, le nombre de visites renvoyé par Alexa sera très gonflé. Du coup, le site en question se retrouve propulsé aux premières places avec un taux de visite qui ne correspond pas réellement à la réalité.
Les Webmarketeurs et les professionnels du Net représentent le cercle fermé des personnes influentes sur le Web. C’est leur boulot d’ailleurs. Ils doivent rester branchés tout le temps sur la Toile. Ils sont suivis par des centaines d’internautes grâce à leur réseau de connaissances (compte Twitter, compte ou page Facebook, blog, etc.).
Or, plus un site «buzze» dans ce cercle fermé, plus il aura de la visibilité sur le Net, et donc plus d’audience. Et quand on se rappelle que cette toolbar Alexa est fréquemment utilisée dans ce cercle fermé…
En d’autres termes, si Alexa classe un portail Internet dans le Top 10 des sites les plus consultés depuis la Tunisie, ceci ne veut pas dire forcément que la majorité des Tunisiens le consulte. Rappelez-vous qu’Alexa exprime une tendance et non une valeur scalaire mesurable et fiable.
A suivre.
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