Quatrième et dernier article de la série «Les journaux en ligne tunisiens dans la course à l’audience et à la publicité : petites ruses et coups bas» ou comment se mettre dans le Top 10 quand on ne l’est pas vraiment…

Par Imed Bahri


Comme on l’a vu dans les précédents articles de la série, sur le Web tunisien post-14 janvier, les méthodes douteuses pour vendre plus cher ses espaces pub sont multiples. La qualité et l’originalité du contenu ? «On s’en tape !», diront quelques agences commerciales peu scrupuleuses et complices avec ces sites. Pourquoi ?

S’agissant des autres agences, le travail y est beaucoup plus laborieux. Et pour cause : ils sont généralement confrontés à des directeurs qui sont souvent novices en matière de nouvelles technologies et pour qui l’audience brute est le seul critère de choix pour faire sa pub sur tel ou tel support.

Les gros annonceurs, c’est-à-dire ceux qui ont un département de spécialistes dédiés à cette tâche, sont, par contre, bien conscients de ce problème. Après tout, pourquoi doivent-ils dépenser plusieurs dizaines de milliers de dinars dans des sites qui ne valent, réellement, que la moitié de ce qu’ils prétendent ? Autant dire que les annonceurs perdent, dans ces sites, la moitié de leur investissement publicitaire…

Le nombre de «visiteurs» (les guillemets ici s’imposent) ne peut, en effet et à lui seul, justifier le prix. Pire encore : il n’y a pas de garantie sur l’authenticité des stats Google Analytics que fournissent certains sites. D’autant qu’avec du bricolage, un document PDF peut-être facilement retouché.

Avouons-le. Dans cette Tunisie postrévolutionnaire, la crise de confiance n’a pas épargné les relations annonceur-média. Surtout en absence d’outil de mesure fiable et transparent, qui pourrait justifier les prix demandés par les Web Médias.

Un tiers de confiance

En 2009, l’opérateur Tunisiana a souhaité mettre un terme à toute cette cacophonie (qui pourtant été moins assourdissante à l’époque). Cette société a préconisé l’installation d’un petit script dans le code source des sites tunisiens. Celui d’un autre outil de mesure d’audience : Nielsen NetRatings. But non annoncé de cette manœuvre : avoir un certificateur tiers de confiance sur la quantité et la qualité du trafic afférant au site qui souhaiterait conclure un contrat publicitaire avec Tunisiana. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, ce projet est mis au placard. Certainement à cause du tollé général qu’a causé cette annonce auprès de plusieurs Web Média. L’opérateur a-t-il donc cédé à la pression ? Probable.

Même si cette solution technique risquait d’alourdir les sites Web et donc d’entraver leur bon référencement, Tunisiana était probablement sur une bonne initiative qui aurait pu mettre un peu d’ordre dans le Far West qu’est devenu le Net tunisien.

Certes, le risque d’alourdir les sites Web existe. Car plus la construction de la page est complexe, plus elle mettra du temps à se télécharger en entier. Or là, c’est l’un des critères sur lesquels se base Google pour bien référencer un site. Mais ce détail technique pourrait être réglé.

Autre problème : si chaque annonceur se mettait à son tour à exiger l’injection d’une bribe de code d’un autre certificateur qui lui est de confiance, on imagine le capharnaüm que cela provoquerait…

Retour sur investissement des bannières

«Tout ça pour moi est de bonne guerre», commente un professionnel de la Com’ que les pratiques facebookiennes ne gênent pas outre mesure. «Mais je dois avouer tout de même que tous les sites qui se basent essentiellement sur Facebook pour se ramener du trafic affichent le plus mauvais retour sur investissement». Voilà, en quelques mots, tout est dit.

Pour comprendre ce que veut dire le retour sur investissement en publicité (ROI), il faut tout d’abord savoir que ce n’est pas le nombre d’affichages de la bannière qui importe l’annonceur. Mais plutôt, son taux de clic.

En effet, si je clique sur une bannière et qu’elle me redirige vers le site web de l’annonceur, c’est que le produit qui y figure m’intéresse. Donc là je suis considéré comme un client potentiel de cette marque.

De là, l’intérêt du ciblage de la publicité. Une marque de voiture par exemple, aura un retour sur investissement plus intéressant si elle met sa bannière sur un site économique plutôt que sur un site sportif. Mais si ce site économique fait appel aux méthodes facebookiennes pour gonfler son audience, il risque bien d’avoir beaucoup de personnes qui ne font pas partie du lectorat cible de l’annonceur. Résultat : ce dernier aura beaucoup moins de clics qu’espéré.

Montrez-moi votre taux de rebond

En plus clair : si un jeune lycéen clique sur un lien de ce site sur Facebook, il risque de rebondir du premier coup (en fermant la page) sans même avoir lu l’article. Vu que la thématique du site, et de l’article, ne correspond pas forcement à ses centres d’intérêt.

Le taux de rebond, c’est donc le pourcentage des visiteurs qui quittent le site après avoir consulté une seule et unique page. Plus sa valeur est petite, mieux c’est. Car ceci est un indicateur de la qualité du contenu du site et de sa conformité avec son cœur d’audience.

De ce fait, le retour sur investissement d’une bannière sera plus important vu que le lecteur est plus attentif au contenu du site Web et aux messages qu’il est en train de véhiculer.

Cela va de soi : plus on consulte des pages sur un site Internet (donc son taux de rebond reste faible), plus on passe du temps à y naviguer. C’est pourquoi le temps moyen passé par chaque visiteur est aussi un indicateur important de la qualité de l’audience d’un portail Internet.

Ce sont ces indicateurs que les annonceurs doivent donc viser en premier, car ils sont plus difficiles à tripatouiller.
Pour le reste, chacun est libre de jeter son argent par la fenêtre…

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Dupliquer le contenu, une fausse richesse pour le site (3/4)