Jaâfar Guesmi était à Montréal, au Canada, le week-end dernier, pour une représentation de son one man show ‘‘Ettounsi.com’’. Kapitalis était sur place pour relater l’événement. Sarra Guerchani, Montréal.


Le spectacle a été donné le samedi 20 novembre, à l’amphithéâtre de l’université de l’Uqam, à Montréal. C’était une première pour le comédien tunisien dans la métropole canadienne, mais aussi pour la diaspora tunisienne de Montréal qui a découvert (ou redécouvert) ce comédien de talent.
La soirée était organisée par Momo Events pour le lancement de l’association Tunaction à Montréal. 10% des recettes vont d’ailleurs être reversés pour aider les enfants handicapé et orphelins en Tunisie.

Ouvrir les yeux des Tunisiens
jaafar guesmiJaâfar Guesmi, qui a grandi dans un quartier difficile de Tunis (Mohamedia), sait de quoi il parle lorsqu’il évoque ses compatriotes dans ses spectacles. «Je suis tunisien, je ne jouerais pas le rôle d’un Canadien parce que je ne le connais pas et parce que mon rôle est d’essayer d’ouvrir les yeux des Tunisiens sur leur vie actuelle, devenue plus virtuelle que réelle. C’est le thème du spectacle de ce soir», dit le comédien.
Dans ‘‘Ettounsi.com’’, écrite par Naoufel Ouertani, l’ex-animateur de la radio Mosaïque Fm, et produite par Ettounsia Production, Guesmi incarne, en effet, pendant 1h40, une multitude de personnages.
La pièce évoque, sur le mode satirique, la vie des Tunisiens, entre le réel et le virtuel (internet), à travers des situations drôles inspirées de leur vie quotidienne, aujourd’hui très marquée par les nouvelles technologies de la communication.
«Tous les Tunisiens qui voient ce spectacle s’y reconnaissent, car tous sont accros de Facebook», explique Guesmi. D’ailleurs, la promotion d’‘‘Ettounsi.com’’ a été effectuée, en grande partie, sur ce réseau social.
Aida, spectatrice venue voir la pièce avec ses amis, confirme: «J’ai retrouvé une partie de moi dans le spectacle. Je pense qu’il visait la catégorie des 25-35 ans. Il tourne en dérision le comportement du Tunisien dans ses utilisations de l’internet et de la technologie d’une façon générale. Tout en riant, il nous pousse à nous poser des questions sur l’usage réel et utile du monde virtuel.»

La schizophrénie du Tunisien
«Je crois que la Tunisie d’aujourd’hui est l’un des pays au monde où il y a la plus grande moyenne de personnes possédant des comptes Facebook. Même ma mère, qui à 70 ans, en possède un», précise Guesmi, en forçant un peu le trait. «C’est très bien, car cela nous aide à nous ouvrir au monde et à garder le contact avec des personnes dont nous sépare la distance, mais c’est aussi malheureux, car notre façon de communiquer a changé et nous parlons à travers un mur virtuel», ajoute-t-il. Conséquence: «Il y a moins de réunions familiales puisque le Tunisien passe en moyenne 12 heures par jour devant son ordinateur». «La technologie c’est bien, mais il ne faut pas qu’elle se mette à nous guider », conclue Guesmi. Qui n’hésite pas à parler de «schizophrénie du Tunisien». Et pour cause: ce dernier est éduqué à tenir un discourt et une attitude assez différents selon la personne qui se trouve en face de lui. «Dans la vie réelle, il ne peut pas s’exprimer comme il le souhaite, mais en investissant le monde virtuel et en se cachant derrière un simple pseudonyme, il se lâche», explique encore Guesmi. Est-ce pour dénoncer cette situation qu’il a créé son one man show? Réponse du comédien: «Je ne fais pas de  l’humour gratuit. J’essais de faire passer des messages dans mes spectacles où rien n’est inventé et où tout est réel.»
En s’identifiant à certains personnages de la pièce, les spectateurs ont finalement ri de leurs propres tares. C’est le cas d’Aïda, qui a déclaré: «J’ai aimé le spectacle. Le comédien a une manière très subtile de faire passer des messages en relation avec la liberté d’expression, la situation des Arabes dans le monde actuel».
Aida, qui avait déjà vu le spectacle à l’amphithéâtre romain de Carthage, a aimé le revoir à Montréal, mais elle a trouvé certaines transitions un peu trop brusques.
‘‘Le Tunisien.com’’ n’a cependant pas fait que des heureux. Mohamed Fathallah, responsable de Momo Events, société organisatrice du spectacle, n’a finalement pas fait une bonne affaire: «Sur les 700 places disponibles, nous n’avons vendu que 300. C’est bien dommage», soupire-t-il.
Nous y reviendrons dans un autre article, demain.

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