La ‘‘Boussole électorale’’, mise en place avec des médias, dont Kapitalis, a traité de la question religieuse sur laquelle les électeurs tunisiens ont pu se prononcer.


 

Les questions traitées sont réparties sur cinq axes :

1. L’homme et la femme devraient avoir les mêmes droits successoraux.

2. Pour garantir la stabilité de la famille, il faut encourager la femme à rester au foyer.

3. Les lois tunisiennes devraient être fondées sur la charia islamique.

4. La nouvelle Constitution tunisienne devrait introduire une stricte séparation entre l’Etat et la religion.

5. Chacun peut pratiquer la religion de son choix publiquement.

Religion : les Nahdhaouis beaucoup plus conservateurs  

L’une des conclusions les plus intéressantes qui ont émané du sondage de Bosala est que les électeurs sont très divisés sur les questions religieuses telles que l’égalité de l’héritage pour les femmes.

Il s’avère aussi que les partisans d’Ennahdha ont une position très différente de celles des autres partis sur les questions précitées. Dans la plupart des questions religieuses (quatre sur cinq), ils sont beaucoup plus conservateurs que la plupart des autres électeurs.

En effet, là où les Nahdhaouis partagent (fortement) un avis quelconque, les partisans des autres groupes politiques y sont (largement) opposés.

Quand, par exemple, 75% des Nahdhaouis s’opposent à la séparation de l’Etat et de la religion, les autres partis (notamment le PDM, le PDP et Afek Tounes) plaident pour qu’une stricte séparation des deux soit mentionnée dans la nouvelle Constitution.

Il est de même en ce qui concerne l’application de la charia (loi islamique). Bosala a révélé que 80% des électeurs potentiels d’Ennahdha sont pour la charia comme fondement principal de la législation en Tunisie alors que les supporters potentiels d’autres partis politiques (comme le Pdm, le Pdp, Afek Tounes et Mds) s’y opposent totalement.

Une troisième question, celle que la femme au foyer aide à la stabilité des familles, est un autre exemple où les supporters d’Ennahdha se distinguent du reste de la société tunisienne.

Alors qu’une grande majorité des supporters potentiels de plusieurs partis tunisiens s’opposent à cette vision conservatrice du rôle de la femme dans la société, ceux d’Ennahdha y sont largement favorables (40% pour et 14% neutres). Cependant, le fait que 40% des Nahdhaouis sont contre cette vision reflète un désaccord au sein d’Ennahdha sur cette question.

L’égalité en héritage divise les partis

Contrairement aux points indiqués, où les différences sont claires entre les partis, l’égalité entre l’homme et la femme en héritage est apparue comme un sujet qui divise les supporters des mêmes partis politiques.

Au sein de plusieurs partis, il existe un grand nombre d’électeurs qui croient que l’homme et la femme doivent être traités avec égalité alors que leurs homologues des mêmes partis soutiennent l’inverse.

Les partisans potentiels de la Fdtl, du Poct, d’Afek Tounes et dAl-Moubarada (l’Initiative) sont particulièrement divisés là-dessus. Par exemple, 43 % des supporters du Fdtl (Ettakattol) sont contre l’égalité en héritage alors que 47 % la soutiennent. Il est important de noter que les électeurs tunisiens sont catégoriques sur cette question. Ils sont ou totalement pour ou totalement contre.

Religion : des fissions internes dans plusieurs partis

La Boussole a aussi montré que plusieurs partis politiques tunisiens, comme le Cpr, le Prd et le Baath sont divisés de l’intérieur sur les questions religieuses. Ce qui explique pourquoi ils ont évité de traiter de ces sujets lors de leurs campagnes.

Les partisans du Cpr (de Moncef Marzouki) et du Prd (de Mohamed Goumani) sont très divisés sur les questions religieuses.

Le Cpr paraît en effet le parti le plus divisé du paysage politique tunisien. Et quand on considère, par exemple, la question de la séparation entre l’Etat et la religion et celle de la charia, on trouve que les partisans du Prd se trouvent aux deux extrêmes.

Un consensus, quand-même

Il existe cependant un large consensus chez les partisans de tous les partis, y compris Ennahdha, sur le droit fondamental à la pratique publique de la religion de leur choix. La peur exprimée par des observateurs tunisiens et étrangers sur une dégradation de l’état des libertés religieuses en Tunisie est donc infondée.

Les Tunisiens soutiennent largement les libertés religieuses.

Mourad Teyeb

* La ‘’Boussole électorale’’ http://www.bosala.org/fr/ en français ou ‘‘Bawsalat Annakheb’’ en arabe, est un site conçu par l’Université d’Amsterdam et Radio Hollande International, avec le soutien de France24, Nessma, Mosaïque FM, Jawhara FM, Radio Kalima et Kapitalis. L’ambassade néerlandaise en Tunisie soutient le projet.
La ‘‘Boussole électorale’’ fonctionne comme suit : les électeurs expriment en ligne leur opinion sur un certain nombre de positions. Leurs réponses sont ensuite comparées avec celles des différents partis politiques. La ‘‘Boussole électorale’’ se veut être un instrument neutre pour aider les électeurs à choisir le parti politique dont ils se sentent le plus proches.


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