Le voile est libérateur, chic, fantaisiste, aphrodisiaque et drôlement excitant, pas seulement parce qu’il recouvre un visage humain, mais parce qu’il autorise une aventure, une promesse et un espoir contenu dans la boite de Pandore.
Par Belhassen Soua*
Le voile n’est-il pas devenu le corpus delicti (corps du délit) du complot ourdi par le genre mâle pour contenir la seconde moitié de l’humanité dans les ténèbres? Ne symbolise-t-il pas la ligne de fracture entre, d’une part, un Occident laïc, démocratique et forcément évolué, et de l’autre le monde arabo-musulman médiéval, bigot et forcément rétrograde?
Le clash du voile et du décolleté
Bientôt une loi sur le port du niqab à l’université devant la Constituante.
A contrario le décolleté, le nu partiel ou suggéré, diraient certains, a bonne presse. Il est l’une des manifestations les plus plaisantes de l’évolution des mœurs, de la libération de la femme et du respect du droit à disposer librement de son corps et, au besoin, à l’exposer aux regards extérieurs. Bref, le décolleté est aujourd’hui le nec plus ultra, la modernité faite textile.
Je suis, quant à moi, biologiquement et cérébralement enclin à aimer la pudeur et le charme discret d’une femme voilée à la débauche de chair à laquelle l’on est soumis, au défilé des lolos, des nombrils dénudés, des pantalons taille basse d’où émergent, comme ultime provocation… des strings.
Je préfère la femme qui se voile à celle qui n’ayant pas suffisamment de courage pour affronter le monde avec son vrai visage, le voile derrière des barricades de maquillage.
Le hijab comme le niqab sont de plus en plus visibles dans les rues tunisiennes.
Je préfère le mythe de Shahrazade à ce que racontent les mentors de la philosophie grecque au sujet de la femme. Socrate s’en est pris à sa femme Xanthippe qui n’arrivait pas à s’affranchir du regard de l’homme: «Tu ne sors pas pour voir, mais pour qu’on te voie». Shahrazade, quant à elle, n’est pas tombée dans le lacs de l’exhibition ni celui de la chosification et a compris contrairement à l’épouse de Chahrayar, au philosophe Kant et au peintre Anger qu’elle n’avait pas seulement à miser sur son corps pour retenir l’époux volage.
Le voile est drôlement excitant
«La nudité c’est pire qu’indécent, c’est bestial. Le vêtement, c’est l’âme humaine (…) Un corps sans vêtements, c’est un arbre en hiver, c’est du bois», disait, non sans raison, ‘‘Le Fétichiste’’ de Michel Tournier.
Le voile c’est donc libérateur, c’est chic, c’est fantaisiste, c’est aphrodisiaque et drôlement excitant, pas seulement parce qu’il recouvre un visage humain, mais parce qu’il autorise une aventure, une promesse et un espoir contenu, aussi, dans la boite de Pandore.
Manifestation de niqabées tunisiennes.
Dans mon pays, les femmes voilées, tels les oiseaux, ne se cachent pas pour mourir. Ce sont des femmes qui, sans armes et souvent les larmes aux yeux, ont défié le colosse dont les pieds d’argile étaient dissimulés, ses bourreaux et les sbires qui étaient à son solde. On leur a tout volé. Certaines d’entre elles étaient même violées. Elles ne se sont pas obstinées à prendre les moulins à vent pour des géants envoyés par de méchants magiciens tel que Don Quichotte. Elles ont surtout compris et ont essayé de faire comprendre qu’enfoncer des portes ouvertes comme le font nos militants de la vingt-cinquième heure n’a rien d’exceptionnel, ni… d’excitant.
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