Tunisie. Tataouine ou la défaillance de trop de Ali Lârayedh

Le ministre de l’Intérieur Ali Lârayedh doit assumer son entière responsabilité dans ce qui s’est passé jeudi à Tataouine et… démissionner. D’autant que ce n’est pas la première grave défaillance de ses services. Vidéo de l'agression.

Par Lotfi Benmosbah

Voila à Tataouine, un groupe d’individus qui prépare depuis quelques jours une manifestation dont le but avoué est d’extirper «les résidus du Rcd de l’administration.»

En fait, avec des slogans aux contenus violents, ce genre de manifestations organisées en sous-main par Ennahdha devaient probablement se répéter ces jours-ci dans toute la Tunisie et ont pour unique but d’attaquer les partisans du parti de Béji Caïd Essebsi, Nida Tounes. Les partisans de ce dernier se sentant, à juste titre, menacés auraient même préparé de quoi se défendre en cas d’attaque.

Nda Tounes dans le viseur d'Ennahdha

La manifestation a eu lieu jeudi 18 octobre et elle s’est dirigée vers le bureau régional de l’Union régionale des agriculteurs dont le président n’est autre que le coordinateur de Nida Tounes. Devant cette foule excitée et en l’absence évidente de toute protection policière, les assiégés, d’après les images qui circulent sur le net, ont jeté sur les assaillants des cocktails Molotov.

Après un premier mouvement de recul, les manifestants s’approchent de nouveau du siège de l’Union régionale de agriculteurs, défoncent la porte et investissent les lieux. A ce moment arrive des policiers en sous nombre et qui, sans avoir assuré la sécurité de l’opération, décident d’évacuer le représentant de Nida Tounes. Arrivés à l’extérieur du bâtiment, les policiers sont rapidement débordés et l’évacué se trouve sans protection en face d’une foule excitée. L’irréparable est alors commis.

Plusieurs questions restent en suspens: Est ce que cette manifestation était autorisée? Si oui, son trajet étant connu, où se trouvait le cordon de police?

Enfin, comment les policiers ont-ils pris le risque d’évacuer la victime sans lui avoir assuré la protection nécessaire?

L’homme qu’il ne faut pas…

Quelles que soient les réponses, ces défaillances témoignent soit d’un parti-pris de la police en faveur des assaillants, qui se réclamaient d’une nébuleuse Ligue de protection de la révolution (Lpr) et agitaient des bannières du parti islamiste Ennahdha et de son allié le Congrès pour la République (CpR), soit d’une incompétence généralisée.

Dans les deux cas le ministre de l’Intérieur Ali Lârayedh doit assumer son entière responsabilité et démissionner. D’autant que ce n’est pas la première grave défaillance de ses services. Souvenons-nous, surtout, de la répression violente de la manifestation pacifique du 9 avril et de l’attaque de l’ambassade et de l’école américaines à Tunis, le 14 septembre. Cette troisième défaillance vient apporter la preuve s’il en est encore besoin qu’un dirigeant du parti islamiste au pouvoir à la tête d’un ministère aussi important que l’Intérieur c’est la porte ouverte à tous les… abus. Et elle apporte du crédit à la revendication de certains partis de l’opposition qui appelle à nommer des personnalités indépendantes à la tête des ministères de souveraineté, notamment l’Intérieur, la Justice et les Affaires étrangères.

* Médecin libéral.

Vidéo de l'agression.

Articles du même auteur dans Kapitalis:

Tunisie. Ennahdha ou la chronique d’un ratage annoncé

Tunisie. La première victoire du camp moderniste

Ennahdha a-t-il renié les idéaux de la révolution tunisienne?