Pour laisser la place aux plus jeunes leaders, une loi doit limiter l'âge de candidature aux élections municipales, législatives et présidentielles à 70 ans maximum.

Par Mahmoud Ayadi

 Nous avons tous vécu une succession d'époques historiques dont chacune a sa propre cohérence et ses propres valeurs.

Aujourd'hui, les Tunisiens et les Tunisiennes ont assez de voir quotidiennement sur leurs petits écrans nos ministres et nos invités nationaux et internationaux s'exprimer devant une porte traditionnelle classique fermée ou un grand panneau bleu ciel sur lequel est peint l'insigne de notre ancienne devise nationale. Oui, il est temps qu'on change cette honteuse devise: «Ordre-Liberté-Justice» par celle-ci: «Dignité-Liberté-Égalité».

C'est la moindre des choses pour honorer notre Révolution Citoyenne. On doit procéder d'urgence au changement pour couper avec les anciens régimes de la première cleptocratie de Bourguiba et Ben Ali.

L'épreuve de l'âge

Comme j'insiste aussi que notre nouvelle constitution doit limiter l'âge de la retraite des dirigeants politiques et de la naturalisation des étrangers. Car, «on pensait que l'homme conservait intactes ses facultés intellectuelles jusqu'à la soixantaine, mais une étude sérieuse montre des signes de déclin cognitif dès 45 ans. C'est ce que l'on serait tenté de croire en lisant les résultats d'une étude parue en janvier 2012 dans le ''British Medical Journal''. Mme Archana Singh-Manoux, directrice de recherche à l'Inserm, a suivi en collaboration avec l'University College London 7390 citoyens britanniques âgés de 45 à 70 ans pendant 10 ans. Les volontaires ont été soumis à trois reprises à des tests mesurant leur mémoire, leur vocabulaire, leur raisonnement et leur expression orale. Bilan: les capacités cognitives (facultés de mémoriser et comprendre) de l'homme déclinent dès l'âge de 45 ans, ce phénomène s'accélérant à mesure que l'on vieillit. Jusqu'alors, les études préexistantes sur ce sujet controversé laissaient penser que le changement ne commençait pas avant 60 ans. Parmi les tests, il était par exemple demandé aux participants de dresser en un temps compté la liste de tous les noms d'animaux commençant par la lettre ''S'' qui leur venaient à l'esprit. Sur 10 ans, les performances globales en termes de raisonnement ont décliné de 3,6% pour les hommes de 45 à 49 ans, et de 9,6% pour ceux âgés de 65 à 70 ans. Chez les femmes, la baisse est identique (-3,6%) pour la première tranche d'âge et moins accentuée (-7,4%) de 65 à 70 ans».

Oui! Nous étions tous impatients de nous rendre dans le monde de travail et de gagner de l'argent? Et il est possible que nous soyons trop jeunes ou trop vieux pour occuper certains emplois ou certaines responsabilités. Les citoyens tunisiens doivent être conscients des emplois qu'ils peuvent ou pas occuper. Il se peut qu'ils soient assez jeunes ou assez vieux pour occuper certains emplois dangereux ou inappropriés, soit dans le domaine de l'exploitation minière ou dans une entreprise où on s'expose à des rayonnements ou à des substances chimiques dangereuses et surtout en bâtiment.

La majorité des pays occidentaux a fixé l'âge minimal et maximal pour toutes sortes d'emplois rémunérés, mais pas celui des politiciens.

Par exemple, en France les députés ont révisé la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 en repoussant l'âge limite du départ à la retraite. Les salariés qui le souhaitent pourront désormais travailler jusqu'à 67 ou 68 ans. Selon la disposition adoptée, tous les salariés de plus de 65 ans pourront poursuivre leur activité professionnelle «sous réserve d'en avoir préalablement manifesté l'intention, et dans la limite de 5 années».

La retraite à 68 ans pour les hommes politiques

Récemment, un député français de la Loire vient de déposer une proposition de loi pour mettre à la retraite les présidents des exécutifs locaux âgés de plus de 68 ans. Selon lui, la décentralisation a entraîné un alourdissement très sensible des responsabilités des élus locaux, raison pour laquelle il n'est pas souhaitable que ceux-ci continuent au-delà d'un âge limite. Quand on se souvient de l'élu français, Pierre Castagnou, maire du 14e arrondissement, mort à 68 ans au mois de février dernier, cela fait effectivement réfléchir sur la pertinence de continuer des mandats exécutifs à vie. Selon les termes de la proposition de loi, il serait donc interdit aux maires, aux présidents de Conseil général, aux présidents de Conseil régional, aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, d'exercer au-delà de 68 ans. Et si l'échéance venait en cours de mandat, ils seraient obligés de démissionner, conservant toutefois la jouissance de leur mandat électif et la possibilité de continuer à siéger comme membre dans tous les exécutifs locaux: droit est conservé de mourir conseiller municipal. Soit.

Je voudrais inviter nos élus politiques à bien réfléchir sur ce sujet et celui du cumul des mandats pour laisser la place aux plus jeunes leaders afin qu'ils puissent continuer à bien gérer le pays. Donnons l'espoir à ce projet de loi pour rajeunir les cadres de la transition démocratique! Si cette proposition de loi est examinée et votée, voire même mentionnée dans notre nouvelle constitution, vous ne verrez plus les vieux dinosaures revenir sur la scène politique pour défendre leur bout de gras.

Par conséquent une personne en parfaite santé ne peut jamais être active durant toute sa vie. Âgés de 68 ans, les politiciens doivent cesser toute activité politique à temps partiel ou à plein temps et laisser la place aux plus jeunes leaders. Une personne âgée de plus de 70 ans ne pourra se présenter ni aux élections municipales ni aux législatives ou présidentielles si son père et son grand père sont nés à l'étranger.

Après les gâchis financiers de Mustapha Khaznadar (au 19e siècle) et Ben Ali il n'est plus question qu'un troisième dictateur puisse un jour gouverner notre pays sans qu'il soit Tunisien de souche dont les racines remontent au moins à quatre générations. Je suis fier d'apprendre d'un sondage d'opinion fait par un institut national que 78% des Tunisiens font confiance à notre président Moncef Marzouki et 61% sont satisfaits de la gestion de l'actuel gouvernement Jebali. C'est très encourageant!

Je suggère aussi que la redevance payée par les millions de consommateurs tunisiens abonnés à la Steg au profit de notre télévision publique nationale devra dorénavant être payé à une caisse d'investissement réservée aux régions touchées par le chômage et le manque d'infrastructures afin d'éradiquer la pauvreté et encourager les jeunes chômeurs à fonder leurs propres entreprises.

On doit cesser d'envoyer dans les périodes difficiles des caravanes d'aide aux habitants des régions du centre, du sud et du nord-ouest. Il faut que nous partagions la richesse de notre pays pour que chaque citoyen tunisien puisse vivre dignement là où il est.

Les citoyens tunisiens naissent et grandissent libres et égaux en droits et en devoir. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur la compétence de chacun. Nous devons tous prôner la méritocratie pour rompre avec la médiocratie instituée par un flic durant plus de vingt ans.

J'appelle à une évaluation autocritique de toutes les consciences et de toutes les compétences intellectuelles, politiques, scientifiques et religieuses. Il nous appartient tous de jouer notre rôle dans le développement socio-économique et scientifique de la seconde République Tunisienne sans oublier nos sociologues et nos experts qui étaient marginalisés durant plusieurs décennies. On peut alors penser que le gouvernant est celui chez qui l'excellence de l'homme de bien et celle du bon citoyen se trouvent réunies, selon la thèse d'Aristote. Car si le citoyen ne connait que l'obéissance, il ne peut donc pas accéder à son excellence, puisqu'il n'accède pas au commandement des égaux, ce qui lui permet de développer une vertu développée nécessairement par le gouvernant.

L'État de droit doit être une réalité quotidienne dans notre pays et dans tous les pays arabes libérés. Tous les citoyens doivent vivre dans des États dans lesquels tous les individus ou collectivités ont leurs activités déterminées et sanctionnées par le droit. Ces États de droit doivent s'opposer à un État où règne l'arbitraire, le bon plaisir du prince.

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Pour une limitation de l'âge de candidature aux élections en Tunisie (1/2)