La ministre continue de prescrire à la mère et à l'enfant le même remède, couteux et inefficace, jadis prescrit par les gouvernements de «feu Ben Ali», tout en giclant un discours redondant, anachronique, autosuffisant, arrogant et belliqueux.
Par Moufida Ben Amor
Touchée dans son égo par la plainte, déposée contre elle par l'Observatoire Ilef pour la protection du consommateur, pour non-protection des enfants du péril wahhabite, la prolifération des écoles salafistes et les visites en Tunisie des gourous du même courant prêchant des idées en contradiction avec les lois internationales protégeant les droits de l'enfant, la ministre de la Femme et la Famille a été à la hauteur de sa «réputation» puisqu'elle a esquivé totalement les griefs touchant sa gestion, décriée par une bonne partie des citoyens, et s'est contentée d'assener au président dudit Observatoire l'insulte suprême et puéril de «Rcdiste». Bref, une diarrhée verbale sans tête ni queue que Mme Badi, médecin de son état, a appris par cœur et peut restituer mot pour mot à la première demande. D'ailleurs à l'Assemblée nationale constituante (Anc), on l'a vue répondant aux questions des députés en lisant inexorablement et fidèlement un texte sur l'écran de son ordi.
Attaquer pour se défendre et surtout crier très fort
Mme Badi est-elle pour autant lavée de tout soupçon?
Absolument pas, moult raisons affaiblissent irrémédiablement la position, déjà fragile, de la ministre.
Tout d'abord, à force d'attaquer tout azimut son entourage: le personnel de son ministère, les députés de l'Anc, ces collègues du Congrès pour la république (CpR), avant la scission au sein de ce parti, le président d'Ilef et les fromages Président, etc., ont fini par comprendre le stratagème de la ministre: «attaquer pour se défendre» et surtout crier fort, très fort.
Ensuite, on se souvient tous des menaces proférées à répétition depuis septembre 2012 par Mme Badi à l'encontre des jardins d'enfants qui transgressent les lois en vigueur. Des dizaines d'articles et d'interviews tous médias confondus, disponibles sur le net, attestent des promesses non tenues de Mme Badi qui, après avoir gagné suffisamment de temps, semble se dérober à ses responsabilités, ne voulant sans doute pas insulter l'avenir en engageant un bras-de-fer fratricide avec les salafistes.
D'ailleurs, le projet de remaniement disponible sur le net montre bien que le chef du gouvernement est plutôt satisfait des «performances» de Mme Badi nonobstant le fait qu'elle soit plus connue (même par son frangin, le député Azed Badi) pour ses frasques égocentriques que par ses prestations de ministre.
Enfin, pour Mme Badi, un malheur ne vient jamais seul. En effet, l'enquête nationale sur la mère et l'enfant réalisée en 2011 et 2012 par le ministère de Développement régional et de la Planification et l'INS avec l'appui de l'Unicef et du Fnuap vient juste de mettre en exergue pour la première fois de grandes carences qui touchent à l'éducation préscolaire (relevant en partie de Mme Badi) et scolaire et à la santé morale et physique aussi bien des femmes que des enfants.
On y apprend que :
- la moitié des enfants tunisiens ont accès à l'éducation préscolaire et que 13% seulement des enfants de familles pauvres ont droit à cette éducation;
- 28% des filles âgées entre 2 et 14 ans sont violentées physiquement et 93% des enfants subissent différentes sortes de violences;
- 7% des enfants des familles pauvres n'atteignent pas la classe de la 6e de base;
- 6% des femmes d'origine modeste connaissent les voies de transmission du VIH Sida...
Le débit vocal élevé de Mme Badi
Face à ce tableau alarmant qu'a donc fait Mme Badi? Elle ne fait qu'appliquer à la lettre les politiques de ses prédécesseurs. Elle multiplie la construction de club d'enfants que les enfants ne fréquentent plus (facile à vérifier). Les centres d'informatique pour enfants tournent aussi à vide tout en mobilisant un personnel public énorme. Les centres qui hébergent les enfants démunis enregistrent des résultats scolaires de plus en plus médiocres et se vident sur instruction de la ministre (voir «Moncef Marzouki, le dindon de la farce de Sihem Badi»).
Ainsi, le ministère tourne au ralenti, mais seul le débit vocal de Mme Badi est élevé.
Ainsi le Dr Badi continue de prescrire à la mère et à l'enfant le même remède de plus en plus couteux mais inefficace, jadis prescrit par les gouvernements de «feu Ben Ali», tout en giclant un discours redondant, anachronique, autosuffisant et débridé, trahissant une arrogance extrême et un caractère belliqueux.
La «troïka», la coalition au pouvoir, ne peut pas trouver mieux comme ministre de la Famille. Souriez, vous êtes au Tunistan!