tunisie suffisance alimentaire banniere 12 12

La Tunisie a besoin d'un modèle économique alternatif basé sur le développement des énergies renouvelables, salutaire pour réduire le déficit énergétique et remédier à la dépendance alimentaire.

Par Mohamed Cheikh Khalifa*

Commençons par l'examen de tableau ci-dessous, montrant le déficit commercial en relation avec l'importation des produits de base (unité = milliard de dinars):

deficit commercial banniere 12 12

Dans ce tableau apparaissent, bien clairement, les éléments majeurs à travers lesquels on peut analyser les maux «structurels» de l'économie tunisienne.

Le déficit de la balance commerciale est justifié, en grande partie, par l'importation des produits de base. Ce déficit est allé crescendo depuis 1960, où il était de l'ordre de 30 millions de dinars, jusqu'à atteindre 11,6 milliards de dinars en 2012. Le long de cette très longue période, notre balance commerciale n'a jamais été excédentaire.

1- Les produits agricoles :

La majorité des produits agricoles importés n'est pas étrangère à notre agriculture: blés, orges, sucre, huile alimentaire, légumineuses, graines oléagineuses, viandes, coton, fruits secs, ail, etc. Au contraire, on est capable d'en produire sur nos terres. Par exemple, pour ce qui est de nos blés, ils sont considérés, pour la rive nord de la Méditerranée, comme améliorant, vu leurs qualités intrinsèques, étant gavés de soleil: minimum de poids spécifique (80 kg/Hl), minimum du taux de protéine (15%), alors que pour nos importations la moyenne est, respectivement de 75 kg /Hl et 11 %...

Ainsi donc, les 3/4 de notre ration alimentaire sont importés. L'eau virtuelle importée dans ces produits dépasserait les 18km3!

2- Les produits énergétiques

Ils sont constitués majoritairement du gaz naturel servant comme combustible pour nos centrales électriques. Là, c'est un problème résultant de la gestion chaotique de nos ressources naturelles. Rien qu'à penser à l'énergie solaire et ce qu'elle dispense sur nos terres, ça donne le tournis à tout être sensé de la rive nord, mais ça laisse de marbre notre intelligentsia et notre nomenklatura politique, toutes obédiences confondues, même celle apparu après la Révolution!

3- Incompréhension, malgré la Révolution :

Pour la chienlit des partis postrévolutionnaires qui caractérise le paysage politique, il vaut mieux parler d'un panier à crabes. Leur joute ressemble à un combat de nuit dans un sombre tunnel où tous les mauvais coups sont permis, mais dont 80% sont assénés au pays qui les couve, les nourrit et les chérit!

Ne se résignons pas à ce que semble adopter notre nomenklatura, comme leitmotiv : un problème non posé est à 100% résolu, mais plutôt adoptons, ce que prêchaient nos vénérés enseignants d'antan : un problème bien posé est à moitié résolu.

Donc voyons une solution simple, naïve diraient certains, peut être, pour sortir de cette impasse structurelle dans laquelle le pays patauge tout en faisant du surplace.

4- Le modèle économique alternatif

Le modèle économique suivi, basé sur la fourniture du travail à l'export/offshore a montré ses limites: au moindre pépin, l'investisseur prend la poudre d'escampette ! Et si on travaillait pour produire les biens qu'on importait, tel que notre nourriture, on ne risque pas de chômer, car nos concitoyens sont toujours là pour participer à les produire et s'en régaler !

a) Eau comme potion salutaire :

Notre agriculture doit reprendre le rôle qui est le sien: nourrir la population en pourvoyant à la fourniture de la majorité des ingrédients du bol alimentaire.

Pour ce faire, ce n'est pas nos 5 millions d'hectares qui font défaut, car, ceux-là, bien irrigués fourniraient du 5 tonne à l'hectare comme ceux de Sicile et de Sardaigne toutes proches; mais c'est plutôt l'élément fondamental, qu'est l'eau, qui nous manquait le plus. En effet, nos ressources internes d'eau renouvelable ne cessent de se réduire au cours de ses dernières décennies pour raison de changement climatique entre autres. Elles sont estimées, pour 2011 à 335 m3/habitant/an alors que, selon la FAO, le seuil de vulnérabilité d'un pays n'est atteint qu'au-delà d'une dotation de 2000 m3 !

Le gap est abyssal, personne n'en disconvient ! Mais la réalisation des objectifs de la Révolution passe inéluctablement par cette voie. Tout autre modèle de développement consacrerait les choix d'antan avec confirmation de notre dépendance à l'outre-mer. Le bal continue de notre oligarchie auprès des chancelleries en est la parfaite illustration.

b) Soleil, don du ciel :

Il est indéniable que notre pays bénéficie d'un avantage comparatif en rayonnement solaire, puisque la moyenne qui y est reçu se situe à 2000 KWh/an/m² alors que celle de l'Union européenne (UE) ne dépasserait pas la moitié ! Ce qui n'a pas empêché l'Allemagne de s'équiper en centrales solaire de 35 GW en PV !

La consommation moyenne annuelle d'électricité de nos ménages ne dépasse pas les 2000 kWh !

Depuis l'an 2000, l'exploitation de cette énergie sous forme d'électricité photovoltaïque est bien maitrisée. En outre, la technique ne cesse de s'améliorer et les rendements varient de 18% pour le PV à 65% pour le CSP. L'emploi de cette énergie pour le dessalement de l'eau de mer est avéré. L'équipement idoine d'un km² de nos terres/mer du sud fournirait, annuellement, 60 millions de mètres cubes d'eau douce, extraite de la mer et 250 millions de KWh !

Notre consommation électrique pour 2012 est de 15 milliarsx de KWh, nos besoins en eau s'élèveraient à 18 km3, ils seraient ainsi couverts par l'énergie solaire...

c) Mesures à très court terme :

- Réduction des subventions :

Les subventions du secteur énergétique sont devenues insupportables, ce que ne cessent de répéter nos responsables. Sachant que plus de 60% de nos exportations se font sous le régime offshore, alors que la consommation d'énergie électrique des usines en offshore se fait en tarification locale subventionnée. Commençons par leur donner le choix d'être livrées au tarif réel ou de s'équiper au PV solaire renouvelable pour couvrir leurs besoins, de façon partiel ou total, comme auto-producteur. Dans trois mois, on verra les toits de leurs usines fleurir en installation PV en offshore aussi!

Sortons des stéréotypes concoctés sous l'ancien régime et faisons savoir à nos partenaires que le progrès est digne de notre contrée aussi!

On verra ainsi, ces subventions tant décriées, fondre comme neige au soleil, et l'Etat éviter de dépenser pas mal d'oseilles.

- Nouveau Code des Investissements:

Que le nouveau code d'investissements en gestation prévoit un article pour ce paramètre et ce serait un atout majeur peut booster le site d'investissement Tunisie: énergie gratuite solaire pour tout nouveau projet industriel voulant s'implanter sur nos terres irriguées par un minimum de 2000 kWh/an/m², et ce en s'auto-équipant sous le régime auto-producteur pour assurer sa consommation totale.

En effet, les zones dites défavorisées et marginalisées, correspondent bien aux régions les mieux loties en rayonnement solaire aussi. Elles seront attractives par cet atout indéniable. Ceux voulant s'installer ailleurs verront leur consommation électrique facturée au tarif réel.

5- Conclusion :

Ainsi, en tablant sur une décennie de mobilisation tout azimut, pour réaliser les programmes ci-haut décrits, notre pays aurait une balance commerciale équilibrée, assurerait son autosuffisance alimentaire et énergétique, résorberait totalement son chômage endémique, refleurirait ses campagnes, arrêterait la dégradation et l'érosion de ses côtes, stopperait la désertification et mettrait un terme à l'élévation du niveau des eaux de la Méditerranée, tout en montrant le chemin du progrès à nos voisins, pétris, eux aussi, de stress hydrique. On sera, alors, tout-à-fait assuré que les objectifs de la Révolution de la Dignité seront bel et bien atteints !

* Macro-économiste.

Articles du même auteur dans Kapitalis:

Tunisie-Algérie: L'environnement, un objectif solidaire?

Energie : Le Plan solaire tunisien devrait être plus ambitieux

Tunisie, une démocratie à vau-l'eau?

Les Tunisiens vont-ils se résigner enfin à «boire la mer»?