Par son comportement et ses décisions, le Premier ministre Mehdi Jomaa montre qu'il est incapable de désobéir à l'ordonnance dictée par les administrateurs de ''Tunisia Ltd''.
Par Mohamed Chawki Abid*
Depuis sa prise des commandes, le chef du gouvernement provisoire Mehdi Jomaa, estampillé technocrate, n'a pas cessé de recourir aux solutions les plus controversées, pour conduire le pays vers le désastre, sans toutefois mécontenter la mafia des fraudeurs du fisc ni la communauté des gros importateurs de biens de consommation. Même la proposition de «levée du secret bancaire», mentionnée dans le projet de Loi de finance complémentaire (LFC'2014), laisse planer le doute sur les conditions de son application. A ce titre, Lassaad Dhaouadi, expert en la matière, a relevé quelques subtilités dans la rédaction de l'article 17 dudit projet.
Au lieu que le projet de LFC'2014 intègre des mesures facilitant la lutte anti-évasion fiscale et l'évolution vers l'équité fiscale, le gouvernement entend sanctionner les bons contribuables (notamment les salariés) par des ponctions fiscales complémentaires de nature à porter la pression fiscale à des niveaux insupportables et à fragiliser sérieusement leur pouvoir d'achat (déjà très affecté par une inflation galopante).
Il ne s'agit pas d'une frilosité quant à la prise de décisions salutaires prônant la justice sociale, l'équité fiscale et la préservation des grands équilibres.
Il s'agit plutôt d'une attitude similaire à celle du régime Ben Ali, injustement généreuse avec «la mafia des voyous» et excessivement répressive avec les citoyens disciplinés, nourrie par des instructions antisociales du FMI (et des principaux propriétaires des IBW).
I- Balance Commerciale:
1) A-t-il enclenché les clauses de sauvegarde (OMC) sur liste IV ? Non.
Objectif: baisse de 50% des importations de biens de consommation superflus (véhicules, prêt à porter, cosmétique...)
Impact: économie de devises ≈ 2 milliards TND (au niveau de la balance des paiements).
II- Ressources Budgétaires :
2) A-t-il entamé la lutte anti-fraude fiscale, estimée à environ 10 milliards TND? Non.
Objectif: cibler BNC (44.000) + gros forfaitaires (100.000) + IDE pétrole/mines (pénalités, audit des charges).
Impact: récupération d'une partie de l'évasion fiscale, soit au moins 3 milliards TND.
3) A-t-il rétabli les barrières tarifaires sur les produits de la liste IV (+20%)? Non.
Objectif: ralentir les importations et augmenter les recettes douanières.
Impact: recette douanière additionnelle ≈ 0,4 milliards TND.
4) A-t-il restauré l'ancien taux TVA = 29% sur les articles de luxe? Non.
Objectif: amélioration de la fiscalité indirecte sans affecter le pouvoir d'achat de la classe populaire.
Impact: recette fiscale indirecte additionnelle ≈ 0,2 milliards TND.
III- Dépenses budgétaires :
5) A-t-il ciblé la compensation des prix de produits de première nécessité sur les concernés? Non.
Objectif: suppression de la subvention sur l'électricité en dehors du résidentiel et de l'agricole.
Impact : réduction du budget de compensation d'au moins 2 milliards TND.
6) A-t-il décrété des décisions visant la taille dans les dépenses de fonctionnement? Très peu.
Objectif: réduction des dépenses compressibles (avancement, voyages, carburant, véhicules, matériel & mobilier).
Impact : réduction du budget de fonctionnement (hors compensation) d'environ 1,6 milliard TND.
7) A-t-il sollicité le rééchelonnement du principal du service de la dette? Non.
Objectif: reporter le payement de 1,6 milliard TND au-delà de 2017.
Impact : réduction du service de la dette de 1,6 milliards TND.
En rapportant ces mesures à la seconde moitié de l'année 2014, leur impact sur le Budget de l'Etat 2014 aurait été comme suit :
i) augmentation des ressources budgétaire = (3+0,4+0,2) x 50% ≈ 1,8 milliard TND;
ii) baisse des dépenses budgétaire = (2 + 1,6 + 1,6) x 50% ≈ 2,6 milliards TND.
Si ces mesures minimalistes étaient prises dans le cadre de la LFC'2014, l'Etat aurait observé une réduction de son déficit budgétaire pour au moins 4 milliards TND.
Comment l'esclave va-t-il oser s'affranchir de l'exploitation servile de ses maîtres, membres du Conseil d'administration de ''Tunisia Ltd''?
Va-t-il recouvrer son patriotisme et faire montre d'honnêteté, pour mettre un terme à ses appétits et défendre les intérêts de son pays?
Visiblement, le comportement du Premier ministre laisse présager une obéissance démesurée. Après avoir osé bafouer ses engagements et lâcher ses promesses, il entend abuser du Dialogue national en vue de faire valider l'ordonnance dictée par ses administrateurs.
Quel gâchis!
OPTIMISATION DES COMPTES DU BUDGET DE L'ETAT 2014
* Ingénieur économiste.
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