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Appelé en urgence, le gouvernement de technocrates aura réussi à boucher quelques trous d'un navire qui prend l'eau de toutes parts....Espérons qu'il tiendra le coup encore quelque temps.

Par Hédi Sraieb*

Au tournant du dernier trimestre 2013, la coalition des forces au pouvoir est en émoi : faut-il rester (légitimité électorale érodée) ou partir (reconstruire une légitimité politique à l'abri des critiques).

Les abus de la Troïka

Cette coalition est en effet poussée dans ses derniers retranchements depuis l'été par l'immense clameur qui est montée depuis le Bardo, pression aggravée par sa propre perception furtive d'une accélération des dérives récessives qui taraudent les grands équilibres du pays.

En clair, la Troïka prend conscience de la nette dégradation de la situation socioéconomique. Mais pire encore, elle n'entrevoit pas de moyens de se sortir elle-même de cette impasse. Elle découvre avec stupeur, qu'elle a abusé de l'instrument budgétaire. Un surcroit de revenus qui va certes alimenter la croissance (+2,4%, l'indicateur le plus mystificateur!), mais sous la forme d'un «immense appel d'air» de produits importés. S'en suivent une aggravation du déficit des échanges extérieurs et la dépréciation corrélative du dinar.

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La Troïka a cédé face à l'immense clameur qui est montée depuis le Bardo.

Comme de surcroît, la Troïka a jugé bon de ne rien changer à la conduite des affaires, (mimétique de celle du passé), sur fond d'insécurité et d'instabilité croissantes, elle observe avec effroi qu'elle ne dispose plus de marges. En effet, des signaux viennent de l'étranger. Les bailleurs de fond, FMI en tête, ne semblent plus disposer à alimenter en «argent frais» les déficits d'autant qu'aucune des «réformes» promises n'a été entamée. Une perspective d'autant plus pétrifiante que les responsables au pouvoir savent que notre économie ne tourne que si elle est alimentée en devises. Sans devises c'est la panne sèche!

De toutes parts, des Etats-Unis, comme d'Europe, en passant par les monarchies du Golfe (à l'exception du Qatar) parviennent des «signes forts», à peine voilés, de refus de laisser se poursuivre et se prolonger cette façon de conduire les affaires du pays.

Une feuille de route floue

On sait ce qui s'en suivra! La Troïka obtempérera et décidera d'un repli en bon ordre. Un évitement tactique (ne pas perdre la face) cédant sur de nombreux points durs de la constitution, elle s'engouffrera dans la seule petite porte de sortie qui lui sera offerte, celle du dialogue national et la désignation consécutive d'un nouveau gouvernement. Sa formation se fera aussi dans la douleur, à la suite de tractations âpres et interminables.

Le gouvernement dit de technocrates (censé tout de même prendre des décisions hautement politiques) se verra confier une feuille de route floue, aux contours imprécis (à l'image même des rapports de forces lâches et indécis); feuille, vaguement balisée par des mots d'ordre sibyllins: restaurer la sécurité, redresser la situation économique, préparer les élections générales de fin d'année. La suite nous la vivons !

La logique du régime de partis (à l'instar de la 4e république en France ou de l'Italie des années 60-90) a pris l'ascendant, ne laissant que peu de liberté à ce gouvernement de compétences. On imagine vite une sorte de règle implicite avec laquelle va composer ce gouvernement. Un évitement des tous les instants de tout ce qui pourrait être interprété comme une entorse, d'où une prudence compulsive à l'endroit des partenaires du dialogue national.

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La feuille de route émanant du Dialogue national est floue et imprécise sur le plan économique. 

Sitôt intronisé, le gouvernement procédera à un état des lieux tout en demi-teinte usant et abusant d'oxymores.

La situation est catastrophique mais pas désespérée, en s'empressant d'ajouter que cet examen porte sur toute la période post révolutionnaire et non sur les deux seuls mandats de la Troïka. Exit la gabegie des deux dernières années. Mais priorité oblige, (celle-ci faisant quasi consensus), le gouvernement va se précipiter, sans attendre son propre diagnostic, dans un road-show des chancelleries en vue de tenter de combler les besoins en devises. Il entretiendra même le doute face à une opinion troublée quant à la volonté des pays «amis» «d'aider» de nouveau le pays à traverser cette mauvaise passe... alors même qu'il apparaissait totalement incongru que les puissances occidentales puissent abandonner le pays au milieu du gué, à quelques jours de la fin de la transition. Ce qui fût fait... même si ces chancelleries traineront des pieds, n'offrant ni les montants ni les modalités espérés (garanties en lieu et place de prêts ou dons).

Au vu des annonces (FMI, BM, USAid, Jica)... il y a fort à parier que la Banque islamique de développement va finir elle aussi par donner son feu vert aux sukuks manquants à l'appel. Autant dire que le risque de crise de liquidité ou de défaut de paiements s'estompe. Mais à quel prix? Un nouvel épilogue aliénant, une délivrance assujettissante... mais reportée (peak de remboursement de dettes en 2017-2018).

Nous sortirons donc sur les marchés financiers... pour l'essentiel! Au prix fort!

Un nouveau rendez-vous manqué

Au plan intérieur, sachant l'exigüité de ses marges, le gouvernement esquive l'urgence de décisions, temporisant et prenant l'opinion à témoin via l'organisation d'un dialogue économique national dont la péroraison serait la grande conférence économique. Mais comme les précédents, ce gouvernement éludera les tabous constants de la gestion du pays (fiscalité et signature souveraine).

En revanche il mettra dans sa ligne de mire la caisse de compensation. Un bouc émissaire tout trouvé s'il en est, au regard d'autres gaspillages, passe-droits et autres turpitudes de notre système à bout de souffle. Il y a aussi les déficits publics assimilés abusivement des sureffectifs! Mais à traiter plus tard !

Le gouvernement sent bien son capital de sympathie fondre comme neige au soleil. Un ministre de l'Industrie qui se voit éconduire pour des avenants à des licences d'exploitation d'hydrocarbures. Une bronca contre un ministre de la Culture qui, sans être un mercantiliste forcené, envisage la marchandisation du patrimoine. L'exaspération de la puissante fédération de l'hôtellerie qui désavoue sa ministre. Un gouverneur de la Banque centrale qui voit rouge, soulignant l'iniquité des mesures fiscales bredouillées par quelques hauts commis de l'Etat (taxation de journées de salaires).

Conseil-du-gouvernement-Mehdi-Jomaa

Pragmatisme et pilotage à vue n'ont jamais fait de grands hommes politiques.

Ballons d'essais et mesure des réactions de l'opinion (relèvement du prix du pain ou pas) telle semble être la méthode du moment mais qui à l'évidence trouve ses propres limites.

Comme les choses ne sont jamais tout à fait binaires, il convient de souligner que le gouvernement se voit «refuser» de procéder à ce que d'aucuns appellent des réformes de structures. L'épreuve ultime devrait donc se jouer lors du vote de la loi de finance complémentaire. Alors possiblement des demi-mesures viendront renforcer celles déjà incluses dans la loi de finances et déjà votées (les diverses augmentations programmées des tarifs publics).

Force est de constater donc qu'un véritable débat ne pourra avoir lieu (listant les actions puissantes à mettre en œuvre). Il ne reste que bien trop peu de temps avant que l'urgence économique ne passe au second plan des préoccupations (ramadan, été, rentrée scolaire, élections). Alors un nouveau rendez-vous manqué ?...A coup sûr!

A titre de conclusion toute provisoire nous pourrions convenir que ce dernier gouvernement aura réussi à boucher quelques trous d'un navire qui prend l'eau de toutes parts... Espérons juste qu'il tiendra le coup encore quelque temps.

Moralité de l'instant: pragmatisme et pilotage à vue n'ont jamais fait de grands hommes politiques pas plus qu'ils ne font les grands évènements de l'Histoire... à oublier !

*Docteur d'Etat en économie du développement.

 

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