Bien que le nombre reste exceptionnellement élevé après que 5 candidats aient abandonné la course au Palais de Carthage, seulement une poignée de postulants sort du lot.
Par Hassen Kallel*
Choisir un président parmi les 27 candidats. C'est l'exercice que les Tunisiens s'apprêteront à effectuer ce dimanche 23 novembre pour élire pour la première fois démocratiquement le président de la Tunisie.
Pour le Tunisien moyen qui ne s'intéresse pas à la chose politique, la tâche s'annonce difficile. Comment s'y retrouver entre les promesses farfelues, les engagements sérieux et les projets populistes?
Tour d'horizon des favoris prétendants à la fonction suprême...
Marzouki: le président sortant
D'abord, le président sortant Moncef Marzouki. Nationaliste arabe convaincu, homme de gauche, ancien opposant à Ben Ali et militant des droits de l'Homme. Son passage à la tête du pays durant 3 ans marque des hauts et des bas. Un bilan mitigé sur le plan économique et sécuritaire selon ses détracteurs.
Bien qu'il soit à l'aise pour défendre les causes humanistes, il passe son temps au palais de Carthage à accueillir les familles des martyrs et à suivre les cellules de crise. Son caractère impulsif et entêté, ses prises de position arbitraires notamment sur le dossier de la Syrie ou de l'Égypte ne font pas de lui la personne consensuelle pour diriger le pays pendant les 5 prochaines années.
Cependant, la demande implicite du parti Ennhadha à sa base électorale pour voter en sa faveur, ainsi que ses discours qui trouvent un écho au sein de la couche populaire, plutôt conservatrice, l'installent dans une position confortable pour passer au deuxième tour.
Quoique nous puissions dire, s'il est élu, il serait un rempart contre le retour des figures de l'ancien régime.
Caïd Essebsi : le vieux routier
Le deuxième favori est Béji Caïd Essebsi, un nonagénaire, vieux routier de la scène politique. Il est considéré comme étant un «pur produit» de l'ancien système et un démocrate de la vingt-cinquième heure. Ceci semble être un flagrant contraste dans un pays où la jeunesse, qui était au premier rang lors du soulèvement de 2011 et qui a fait tomber la dictature, représente aujourd'hui sa grande base électorale. Est-ce la nostalgie?
Bien qu'il se targue du «bourguibisme» dans ses discours improvisés, il a soutenu le coup d'État médical de Ben Ali en 87 et n'a jamais visité son mentor pendant sa résidence surveillée à l'époque du président déchu Zine El Abidine Ben Ali.
En dépit de son âge avancé, de sa personnalité parfois controversée et de ses tentatives répétées de se projeter dans le passé, il a pu fédérer autour de lui, sauf quelques exceptions, des anciennes figures de la période de Ben Ali et fait tourner à plein régime sa puissante machine électorale pour emporter les législatives du 26 octobre 2014. Fort de cette dynamique victorieuse et de la stratégie de «vote utile», avec un soutien sans limites d'une poignée d'hommes d'affaires opportunistes, son passage au deuxième tour est presque acquis.
Hammami : un Mélenchon à la Tunisienne
Hamma Hammami, ou le «fils du peuple» pour ses partisans, est à la tête d'une coalition d'extrême gauche et il est l'homme qui n'a jamais renié ses convictions de nature communiste. Toujours droit dans ses bottes, révolutionnaire, connu par sa sincérité et son franc-parler, il a incarné la politique du bras-de-fer avec la Troïka et ne change que rarement d'avis.
Son projet défend la valeur du travail et ses prises de paroles sont réputées proches du cœur des travailleurs et des syndicalistes. Ironie du sort, même la bourgeoisie, déçue de la bipolarisation de la scène politique, s'identifie peu ou prou dans ses discours.
Un soutien de la centrale syndicale (Union générale des travailleurs tunisiens, UGTT) lui donnera toutes ses chances pour arriver au deuxième tour.
Chebbi le modéré
Sur le papier, Néjib Chebbi est le candidat idéal, opposant historique et démocrate avéré, il consacre sa vie, en tant qu'un homme de droits, à défendre les opposants à Ben Ali tous azimuts. Toutefois, sa déroute électorale en 2011 à la tête du PDP, ensuite celle des récentes législatives à la tête d'Al-Joumhouri, avec un seul élu, le place dans une dynamique faible pour franchir le prochain scrutin.
Ses positions ambiguës sur des sujets cruciaux lui ont fait perdre beaucoup de son aura. Malgré ce que nous puissions dire sur ses choix, l'homme est intègre et honnête. Des qualités peu connues des hommes politiques.
Si la majorité silencieuse vote massivement pour lui, il gardera sa petite chance pour passer le premier test.
Riahi et El-Hamdi: les outsiders
Slim Riahi VS Hachemi El-Hamdi. Le premier, novice en politique, et le deuxième, ancien opposant flottant à Ben Ali. Tout les oppose (ou presque), à part leur richesse et leur populisme affiché.
Quant à moi, en tant que simple électeur, je vais respecter la simple règle selon laquelle il faut toujours voter par conviction au premier tour. C'est la raison pour laquelle je voterai pour un projet fédérateur. Je voterai pour un homme militant par conscience et démocrate par conviction.
* - Ingénieur-France.
Article du même auteur dans Kapitalis:
Le 23 octobre : Rendez-vous des Tunisiens avec l'histoire
{flike}