Le candidat CpR et des islamistes au 2e tour de la présidentielle a tous les défauts qu'un candidat à la magistrature suprême ne doit pas avoir.
Par Dhafer Charrad*
Aujourd'hui, et quel que soit le nom du prochain président de la république, cela ne changera rien, c'est Nidaa Tounes qui a été choisi pour gouverner le pays, c'est son programme qui va être mis en place et c'est sa stratégie et ses choix économiques, politiques et sociaux qui vont être appliqués.
Les inconditionnels et les autres : Qui vote pour qui ?
Ceci étant, il s'agit maintenant pour les Tunisiens de savoir ce qu'ils veulent exactement.
Est-ce qu'ils veulent adjoindre au nouveau gouvernement, qui sera constitué par Nida Tounes et ses alliés, un président qui appuiera l'action gouvernementale et lui facilitera la tâche, pour lui permettre d'avancer à grands pas vers la relance du pays et vers le progrès, ou bien un président qui lui sera systématiquement opposé, uniquement pour marquer sa présence, et avec lequel on assistera à une suite de conflits et de crises pouvant paralyser le gouvernement et, par conséquent, le pays et, abusant de toutes les possibilités permises par la constitution, pour lui mettre les bâtons dans les roues et retarder toutes les initiatives et réformes que ce gouvernement aura à engager?
Le corps électoral est divisible en quatre catégories, bien distinctes:
1/ les 134.785 inconditionnels du Congrès pour la république (CpR) et du Courant démocratique (selon les résultats des législatives du 26 octobre 2014) qui, avec leur discours haineux et dangereux, semblent être prêts à absolument tout pour faire gagner Moncef Marzouki;
2/ les 1.279.941 inconditionnels de Nidaa Tounes, qui lui ont fait confiance lors de ces mêmes législatives et ont confirmé leur choix lors du premier tour de la présidentielle, en votant pour Béji Caid Essebsi;
3/ les nombreux abstentionnistes ayant fait l'effort de s'inscrire sur les listes électorales mais pas celui de se déplacer pour exercer leur droit, probablement faute d'une idée claire quant au meilleur choix à faire;
4/ le reste du corps électoral, appartenant majoritairement au parti islamiste Ennahdha, qui a été encouragé, lors du premier tour, à voter massivement pour le candidat du CpR, auquel s'ajoutent ceux, beaucoup moins nombreux, qui ont voté pour l'un des 25 autres candidats.
Les inconditionnels étant irrévocablement fixés sur leur choix, les deux dernières catégories restent l'enjeu principal du deuxième tour et leurs votes seront décisifs. Aussi ceux qui les composent doivent-ils faire un choix patriotique, raisonnable et réfléchi et tenir compte des remarque qui suivantes.
Les meilleures conditions de la réussite
La réussite du prochain gouvernement est indispensable pour le pays. Elle doit être favorisée par tout le monde et constituer le souhait le plus cher de tous les Tunisiens, et pour cela, il faut permettre à ce gouvernement d'évoluer dans les meilleures conditions possibles.
Cette réussite ne doit absolument pas être la phobie de certains Tunisiens qui, ne pensant qu'à leurs intérêts partisans, voudraient lui compliquer la tâche, craignant qu'un éventuel bilan positif au cours des 5 prochaines années ouvrira à Nidaa Tounes les portes d'une nouvelle victoire lors des prochaines joutes électorales.
Il faut être conscient que 5 nouvelles années supplémentaires de troubles, de crises et de paralysie, pourraient être fatales pour la Tunisie et que, lors du prochain bilan quinquennal, les Tunisiens sauront faire la différence entre les opposants constructifs et les opposants destructifs. Ils sauront aussi qui sanctionner et qui récompenser.
Il est évident et indiscutable que le président idéal pour le pays doit être en symbiose avec l'équipe gouvernementale et doit composer avec elle et avec le parlement, pour constituer un trio homogène, cohérent et uni, qui avancera, sans accrocs, sur la voie du redressement et de la relance du pays.
Ceux qui s'opposent au président idéal pour le pays invoquent plusieurs arguments mais seul celui relatif au risque hégémonique d'un seul parti est politiquement correct et acceptable.
Toutefois, ce risque, qui continue à être évoqué, en toute mauvaise foi et sans conviction, a été balayé d'un revers de mains par tous les analystes politiques et est pratiquement inexistant.
En effet, et même en cas de tentation hégémonique de Nidaa Tounes, c'est la nouvelle constitution, la composition équilibrée du nouveau parlement, la fragile majorité du premier parti, la société civile et le peuple tunisien qui s'y opposeront farouchement et l'empêcheront et ce n'est sûrement pas le président opposant, qui pourra le faire et ce en l'absence de moyens et de prérogatives constitutionnels le lui permettant.
Caïd Essebsi le rassembleur
Les autres arguments, plus méchants que justifiés, sont essentiellement liés à l'âge et au passé de Béji Caid Essebsi sont évoqués. On pourrait leur répliquer deux contre-arguments.
D'abord, l'âge, combiné à l'expérience et à la sagesse, devient une grande qualité quand on voit ce dont est capable ce vieux bonhomme, qui garde la forme malgré deux campagnes électorales harassantes, fait preuve d'une lucidité phénoménale, garde une mémoire intacte et, en vrai renard de la politique, semble être le seul capable de tenir un discours apaisant et rassembleur à l'attention de tous les Tunisiens;
Pour ce qui est du passé (et pour se conformer scrupuleusement au principe martelé par Moncef Marzouki lui-même, stipulant que «Pour savoir ce qu'un homme va faire les 10 prochaines années, regarde ce qu'il a fait les 10 dernières»), force est de constater que la dernière décennie des deux candidats est édifiante et peut être résumée comme suit :
- Béji Caid Essebsi était resté pendant 6 ans en Tunisie loin des projecteurs mais il assistait, observait et analysait pratiquement tout se qui se passait dans le pays au quotidien, ce qui lui a permis d'être fin prêt et de rentrer immédiatement dans le vif du sujet quand le pays à eu besoin de ses services en 2011.
Au cours des 4 années suivantes, grâce à son charisme, sa sagesse et son intelligence, il a instantanément atténué la tension explosive qui régnait, à sa prise de fonction en 2011, en s'asseyant au milieu des manifestants de la Kasbah et en leur parlant.
Il a ainsi réussi, en quelques mois, la première élection démocratique en Tunisie et la seule transition démocratique dans le monde arabe en remettant, sans problème et avec une grande élégance, les rênes du pouvoir aux vainqueurs des élections de 2011.
Puis, dans une lettre mémorable, il a appelé tous les politiques à un équilibrage du paysage politique qui était alors accaparé par le parti Ennahdha, mais quand il a constaté que ses adversaires ont pris son conseil à la légère ou n'ont pas saisi la vraie portée de son message, il s'est décidé, logiquement, de créer son propre parti pour réaliser lui-même ce qu'il estimait le mieux pour la Tunisie.
D'un parti, créé à partir de rien et composé de sensibilités démocratiques différentes mais convergentes, il a réussi, en seulement deux années, à construire le premier parti en Tunisie, après avoir gagné les dernières législatives et le 1er tour de la présidentielle.
Marzouki le diviseur
Moncef Marzouki, pendant ces 6 ans à l'étranger, bénéficiait d'un exil doré, tous frais payés et vivait dans sa propre bulle, très loin du pays et de la dure réalité que vivaient les Tunisiens au quotidien.
Dès son retour en Tunisie, il a annoncé qu'il sera simplement président de la république et il lui importait peu de savoir si c'était le meilleur poste pour servir le pays et aider le peuple.
Il s'est même bizarrement et inexplicablement opposé aux élus de l'opposition qui ont vainement bataillé à l'Assemblée nationale constituante (ANC) pour essayer de lui donner plus de prérogatives susceptibles de lui permettre d'être un président réellement utile et capable de tenir ses promesses vis-à-vis du peuple.
Au cours des 4 dernières années, ses actions les plus notables ont été :
- la banalisation de la fonction suprême de président de la république, qui reflète l'image du pays;
- le maintien, pour son propre compte, de tous les avantages que le trop matérialiste Ben Ali avait décidé de s'octroyer, bien qu'il ait annoncé le contraire;
- les assassinats politiques et les actes terroristes restés impunis, sans qu'il ait cherché à activer les enquêtes et à démasquer et sanctionner les auteurs;
- la détérioration des relations de la Tunisie avec plusieurs pays proches et amis avec des décisions irréfléchies et impulsives;
- l'extradition de l'ancien Premier ministre Baghdadi Mahmoudi vers une Libye où règne le chaos;
- le limogeage pour convenances simplement personnelles de Mustapha Kamel Nabli, ex-gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), une sommité internationale et une fierté nationale dans les domaines économique et financier;
- l'abus de son droit de grâce en libérant criminels et terroristes et en compliquant la tâche des responsables de notre sécurité;
- l'accueil au palais présidentiel des représentants des Ligues de protection de la révolution (LPR) prônant la violence et des chefs salafistes jihadistes;
- le dénigrement d'une partie de la classe politique lors de ses séjours à l'étranger.
Il convient d'analyser, de juger et de faire un choix personnel, raisonnable et patriote, en ne pensant qu'à l'intérêt du pays, à son propre intérêt et à celui de ses enfants, avant d'aller voter pour le 2e tour.
* Diplômé en sciences économiques et planification.
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