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Malgré les années de dictature, suivies de près de 4 ans de transition incertaine, les Tunisiens couronnent leurs efforts en donnant naissance à une démocratie moderne.

Par Ali Guidara*

La vraie révolution a eu lieu en Tunisie, celle des mentalités politiques, démontrée par une maturité du peuple et par un processus électoral apaisé, transparent et crédible.

Durant ce processus, la population, dans sa grande majorité, a prouvé qu'elle a assimilé les valeurs de la démocratie et respecté ses règles.

La Tunisie inaugure désormais un nouveau chapitre dans sa longue histoire en parvenant à construire une conscience politique largement répandue dans la population, et qui s'inscrit dans la diversité et le respect des différences.

Malgré les années de dictature, suivies de près de quatre ans de transition incertaine, des décennies d'évolution sociale et de réformes depuis l'indépendance du pays se couronnent aujourd'hui par la naissance d'une démocratie moderne.

La Tunisie n'est plus en révolution

La période qualifiée de postrévolutionnaire, aussi difficile et anxiogène fut-elle pour plusieurs, a finalement confirmé la sortie du système autocratique qui ne reviendra plus, quoi que certains en disent. Si la dictature était encore possible, elle aurait déjà été rétablie sous la troïka, qui a eu recours en son temps à tous les subterfuges pour s'accaparer des pouvoirs et rester le plus longtemps possible aux commandes. La population s'est désormais approprié la liberté d'expression et ne fera plus aucune concession. Les médias et la société civile non plus. La révolution contre la dictature est derrière nous.

Or, certains restent figés sur cet événement, incapables d'évoluer et de suivre une société qui s'est rapidement métamorphosée sur le plan politique, et qui assume désormais sa diversité, sans complexes.

Durant le processus électoral en cours, ces «figés» continuent à user et abuser de slogans «révolutionnaires» et s'autoproclament garants et protecteurs de la révolution, au mépris d'une population qui n'a pas besoin de tuteurs. Ils agitent le spectre du retour d'une dictature ancienne, multipliant les slogans creux adressés à un pays qui rejette pourtant de plus en plus les discours à connotation idéologique, et leur lot d'archaïsme et de mystification.

D'autres ont choisi de semer la division et la violence comme mode d'expression et d'autopromotion. C'est la fuite en avant vers un échec annoncé, et une carrière politique prématurément éclipsée. Mais ils continuent, malgré tout, de se réclamer de la démocratie, alors qu'ils ont été les premiers à la malmener à des moments critiques où ils auraient dû pourtant en être les garants les plus intègres et les défenseurs les plus engagés. Est-il vraiment besoin de rappeler que le pays est définitivement passé à une autre étape, celle de la consolidation d'une démocratie réelle?

La transition sur le point de s'achever

Le processus électoral vient couronner aussi la fin d'une transition politique. La Tunisie est effectivement en démocratie et elle doit agir comme telle. Autrement dit, des propositions de gouvernement d'union nationale ou de salut public n'ont, en principe, plus raison d'être.

Il est normal qu'il y ait dorénavant un gouvernement issu d'une majorité électorale, et une opposition qui joue le rôle qui lui revient, celui de contradicteur constructif et responsable. C'est cela la démocratie. Et, bien que certains crient au danger de la polarité des forces politiques, toute véritable démocratie se manifeste aussi par l'expression des divergences de ses composantes politiques, quels que soient leur discours et leur orientation. Chaque composante doit cependant assumer ses responsabilités : les divergences doivent s'exprimer par les urnes et par le débat public.

L'urgence du moment : rétablir l'image de la Tunisie

La troïka a terni l'image du pays à l'étranger tout comme dans ses frontières, en détournant la population de la chose publique et de la classe politique. À plusieurs reprises, la Tunisie a fait les manchettes des mauvaises nouvelles à travers le monde, laissant l'impression d'un pays violent et à la dérive, flirtant avec les extrêmes, et provoquant un découragement chez les citoyens. Il est donc plus que jamais urgent de rétablir l'image de la Tunisie et de restaurer sa réputation, à un moment où le pays a un grand besoin de soutien international pour se reconstruire et s'ancrer davantage au monde développé.

Le choix de nos futurs responsables est par conséquent crucial car ils auront une tâche énorme à effectuer et des initiatives à entreprendre pour bâtir l'avenir du pays. Non seulement la Tunisie doit consolider les valeurs de la démocratie et de l'État de droit tout en garantissant sa sécurité intérieure et extérieure, mais en plus, elle doit s'attaquer aux maux profonds qui rongent le pays, à travers un contrat social basé sur l'équité, la transparence et l'intégrité, à tous les niveaux. C'est une condition nécessaire pour faire avancer le pays en ce XXIe siècle et lui insuffler un changement positif essentiel au décollage du pays et à sa promotion à l'international.

La population ne peut plus attendre. Elle a fait preuve de beaucoup de patience et de sagesse, et elle regarde maintenant vers l'avenir, et seulement l'avenir. Il faut lui rendre justice et regagner sans plus tarder sa confiance. Les gagnants des élections auront sur les épaules cette évidente responsabilité.

* Conseiller scientifique, spécialiste en analyse et management de politiques publiques.

 

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