Il y a de bonnes raisons pour veiller à ce que Nidaa Tounès puisse exister au-delà de la personnalité de son fondateur, Béji Caïd Essebsi.
Par Mohamed Hafayedh*
Le choix d'un gouvernement ou d'un Premier ministre en dehors de Nidaa Tounès et de Taieb Baccouche, son candidat «naturel» à ce poste, traduit une volonté de marginalisation de ce parti moderniste et bourguibiste, le seul capable aujourd'hui de fédérer autour de lui toutes les forces démocratiques du centre-gauche.
En cas de nomination d'un Premier ministre indépendant, tous les pouvoirs seront, certes, entre les mains de l'équipe entourant le président de la république Béji Caïd Essebsi (BCE). Mais ce sera seulement pour le temps, l'énergie et la capacité qui lui resteront pour jouer le rôle de chef de l'Etat et d'incarner la gouvernance réelle du pays. Qui assurera l'après ou la suite? D'où viendra la légitimité du pouvoir? Si ce n'est pas du parti, ce ne serait certainement pas de l'équipe du président.
Il ne nous restera donc qu'à souhaiter longue vie à M. Caïd Essebsi, un «homme providentiel», qui représente une synthèse entre le bourguibisme destourien et la gauche bourguibiste, alchimie ayant permis à Nidaa et à son chef de gagner les élections législatives et présidentielle.
Mais cela ne nous empêche pas de poser cette question qui brûle les lèvres de tous les Tunisiens: à la première échéance électorale et plus particulièrement présidentielle, quelle autre personnalité politiquement forte pourrait émerger d'un parti politique qui serait marginalisé et oublié par les électeurs, puisqu'il ne dirigerait pas le gouvernement et ne serait plus au centre de la gouvernance du pays?
En cas de vide, ni les destouriens seuls ni la gauche solitaire ne pourront faire face à un éventuel retour du populisme islamiste ou autre?
Il n'y a donc qu'un grand parti bourguibiste, renforcé par le centre-gauche et adossé à un gouvernement fort, qui pourra capitaliser les réussites et faire valoir les acquis pour remplir le vide qui sera laissé par BCE.
Illustration: De gauche à droite: Taieb Baccouche, Béji Caïd Essebsi et Mohamed Ennaceur.
* Avocat à la Cour de Paris.
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