Il est urgent que nos politiques adoptent un langage clair, honnête, responsable et compétent, et qu’ils renoncent à la démagogie, au populisme et aux promesses fantasques.

Par Fatah Mami


Le discours qui soutient les revendications des sans-emploi ; qui exige l’inscription du droit au travail dans la constitution ; qui exprime sa compréhension des sit-inneurs et de ceux qui barrent les routes ; qui s'inquiète des tournures dramatiques et graves que pourraient prendre les choses, si les revendications ne sont pas satisfaites ; qui met en garde contre toute tentative de désamorcer ces mouvements par l’usage de la force ou le recours à la loi ; qui proclame que la résolution des problèmes du chômage, de la marginalisation, de la pauvreté et du déséquilibre régional ne peut plus attendre, que les concernés ont assez souffert, et que ceux qui ont été muselés et exploités pendant la dictature ne doivent plus se taire ; qui interpelle le gouvernement à prendre des mesures d’urgence et apporter des solutions de suite, sans plus tarder ; et qui s’étonne que, un an après la Révolution, rien n’a changé et que les choses ont plutôt empiré – ce discours n’est pas l’exclusivité des syndicats ou des syndicalistes. Plusieurs politiciens, commentateurs, journalistes, ainsi qu’une part significative des citoyens, réitèrent ce discours et concordent avec cette vision de la situation actuelle et de la façon dont il faut la gérer.

Les solutions immédiates n’existent pas

Le problème avec ce genre de discours est qu’il sous-entend et laisse comprendre que des solutions existent, mais que les responsables (gouvernement, investisseurs, secteur privé, société civile...) ne veulent pas les mettre en œuvre, par égoïsme, mauvaise volonté ou incompétence.

Or, les choses ne sont pas aussi simples, et les solutions ne sont pas si faciles à mettre en œuvre et si rapides à donner leurs fruits. Les solutions miracles et immédiates pour des problèmes cumulés sur des décennies (oups... désolé... des siècles), n’existent tout simplement pas.

Ce genre de discours élève les attentes et le degré d’intransigeance ; il chauffe les esprits, manipule la masse, avive le populisme ; il mène à plus de tensions, de perturbations, de dérapage, de destruction, de pertes... et moins de raison, de réalisme et de comportement civique.

La réponse à nos problèmes ne réside pas dans des solutions miracles, gratuites ou du moins peu coûteuses. En fait, il s’agit tout simplement de développer le pays et relancer son économie (le secteur privé) afin de générer les emplois, créer des richesses, élever le niveau de vie, et répondre aux attentes légitimes, réalistes (c’est-à-dire, réalisables).

Les perturbations, blocus, troubles, insécurité, émeutes, etc., assureront que ces aspirations et ces besoins ne seront pas satisfaits, car dans l’insécurité, les réformes seront reportées, l’investissement tendra à régresser et l’activité économique continuera à stagner, avec un effet délétère sur l’emploi et les revenus. Seul l’effort et le travail dur de tous, dans un contexte favorable et calme, pourront donner satisfaction et espoir aux attentes et aspirations réalistes et légitimes.

Pour qu’elles soient réalisables, nos attentes et nos demandes doivent tenir compte des possibilités et des moyens du pays et de l’État – largement déficitaire, donc, incapable de faire plus, notamment, là où il s’agit de dépenses supplémentaires.

Calmer les esprits et contribuer à la construction

Arrêtons de faire ou d’encourager des demandes excessives, naïves ou malhonnêtes, qui favorisent l'animosité et bloque la raison et la communication. Arrêtons, également, de faire des diagnostics brillants de la situation et des problèmes, mais qui n’avancent à rien, et se réduisent à un échange d’accusations et de contre-accusations. A la place, essayons de proposer des solutions concrètes et réalistes – non pas des voeux pieux ou des utopies naïves et farfelues. Au lieu de faire partie du problème, faisons partie de la solution. Changeons de camp ! Passons de celui de fauteurs de troubles à celui de la retenue et de la sagesse !

En parallèle, il est urgent que nos politiques et nos partis politiques adoptent un langage clair, honnête, responsable et compétent, et qu’ils renoncent à la démagogie, au populisme et aux promesses fantasques, spectaculaires, mais fallacieuses.

Il incombe, donc, aux politiques, au gouvernement, aux partis politiques, aux syndicats, aux organisations civiles, et notamment aux médias, d’adopter un discours éclairé, réaliste, pratique, modéré, afin d’élever le niveau de maturité, de réalisme et de responsabilité des citoyens, calmer les esprits et contribuer à la construction.

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