Les acteurs de la société civile tunisienne organisent plusieurs actions publiques pour que Eya, l’adolescente brûlée vive par son père, ne soit jamais oubliée.
Pour commencer, une marche blanche à la mémoire de Eya est programmée pour le jeudi 19 juin. Le départ sera pris à 12h, de la Place des Droits de l'homme, à l’Avenue Mohamed V, pour une arrivée, à 14h, devant le siège du ministère de la Femme, à l’Avenue Bourguiba, au centre-ville de Tunis. D'autres actions suivront pour que cette horreur ne se reproduise plus et que la Tunisie ne bascule pas dans le moyen-âge, dans la criminalité masquée sous couvert d'honneur et de famille... «Aujourd'hui, entendre parler de l'histoire de Eya ne suffit pas. Il faut agir pour que ces crimes odieux ne soient jamais tolérés, jamais normalisés ou pris comme exemple à perpétuer par des criminels fanatiques de l'avilissement de la femme. A travers le drame dont a été victime Eya, il est de notre devoir de refuser ces pratiques, de les dénoncer, et de protéger les droits de l'enfant et de protéger toute femme, qu’elle soit mineure ou majeure, contre toute agression physique ou même verbale, sous couvert de tutelle sur sa personne d'où qu'elle vienne», explique le comité d’organisation de la marche. Rappelons que le destin tragique d’Eya a été révélé par Kapitalis à travers plusieurs articles. Il s’agit d’une fillette tunisienne de 13 ans, habitant à la cité Ibn Khaldoun. Le 28 mai dernier, elle a été aspergée d’essence et brûlée vive par son père pour s’être fait raccompagner à la maison par un camarade de classe. Eya est décédée, le samedi 7 juin, au soir, des suites des brûlures. Son père, son présumé assassin, est en état d’arrestation. «Ce crime rappelle ceux dits d’honneur dans d’autres pays arabes et qui n’ont pas leur place en Tunisie», indique le comité d’organisation de la marche à la mémoire de Eya. Ce comité est constitué de citoyennes et de citoyens, qui ont été rejoints par des associations. Tous choqués de cet horrible meurtre, ils voudraient, à travers une marche blanche, rendre hommage à Eya et à toutes les Eya dont on n’a pas entendu parler. «Nous voulons aussi briser le silence autour des violences faites aux filles, aux femmes et aux enfants et dénoncer les crimes subis par presque la moitié des femmes tunisiennes et la quasi-totalité des enfants tunisiens/tunisiennes», disent les organisateurs, qui présentent un bilan chiffré des agressions infligées aux femmes et aux enfants en Tunisie. La violence à l’égard des femmes en Tunisie: • 47,6% des femmes âgées de 18 à 64 ans ont été, au moins une fois dans leur vie, victimes de violences. Dans certaines régions de la Tunisie (sud-ouest, ce taux atteint 72,2%). • Durant les 12 derniers mois, 1 femme tunisienne sur 3 rapporte avoir subi au moins un type de violence. • 1 femme tunisiennes sur 2 considère que la violence à son égard est normale. • Le milieu où la femme/fille subit le plus de violence physique est le milieu familial/para-familial avec 47,2% pour le partenaire intime (fiancé/mari) et 43% pour les autres membres mâles de la famille (père, frère). • Seules 17% des femmes violentées portent plainte. • La violence conjugale est la 1ère cause de décès chez les femmes âgées de 16-44 ans. La violence à l’égard des enfants et, surtout, des filles: • En Tunisie, 92% des filles âgées de 0-17 ans se voient imposer la discipline par des méthodes violentes (Unicef). Le taux pour les garçons est de 93%. • Entre 10 et 20% des enfants sont violentés de façon régulière. L’insuffisance des services de prise en charge : • La ligne verte mise en place par le ministère de la Santé pour les femmes victimes de violence n’est pas fonctionnelle, quelle que soit l’heure de la journée. • Plus de 70% des infirmières pensent que les femmes victimes de violence sont les premières responsables de ce qui leur arrive. • Les postes de police ne sont pas adaptés au dépôt de plaintes; il n’y a ni écoutante, ni conseillères, ni salle à part pour les personnes victimes de violence. La police de secours appelée pour des problèmes de violence domestique juge parfois bon de ne pas intervenir et demande à la personne en détresse de résoudre le problème en famille. • Le travail de quelques associations reste largement insuffisant par rapport à l’étendue du phénomène des violences contre les femmes en Tunisie. Quelques centres d’écoutes, quelques avocates pro-bono, un seul refuge pour les femmes violentées. • On connait les chiffres de notifications pour les mauvais traitements d’enfants mais on n’a aucune idée sur les suites, peines, etc. D’ailleurs pas de statistiques claires sur la maltraitance des enfants en Tunisie (par les parents et dans les écoles). I. B. (avec communiqué). Articles liés : Décès de Eya, la collégienne brûlée par son père L'histoire tragique d'Eya, l'adolescente brûlée par son père |
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