Il y a de troublantes analogies entre les révolutions iranienne et tunisienne : révoltes de la liberté et de la dignité, fuite des dictateurs, retour d’exil d’un guide religieux et dérive vers une nouvelle dictature théocratique.
Par Moez Ben Salem
Je fais partie d’une génération qui a connu la révolution iranienne.
En 1978, alors que le chah Reza Pahlavi régnait en despote en Iran avec à sa solde la terrible police politique (Savak), un vent de contestation a commencé à souffler sur le pays. Au départ, cette contestation n’avait pas de motif religieux mais une situation économique désastreuse doublée d’une absence totale de libertés.
Le chah et le mollah
Devant l’aggravation de la situation, le chah nomme un Premier ministre, Shapour Bakhtiar, pour tenter désespérément de résoudre les problèmes, tout en accentuant la répression ; mais la contestation ne faiblit pas, bien au contraire !
Au lendemain d’un «Vendredi Noir» qui a vu un véritable carnage des manifestants, le chah, affaibli par un cancer, se trouve dans l’obligation de fuir le pays, un certain 16 janvier 1979, pour se diriger d’abord vers le Maroc, ensuite vers le continent américain.
Ben Ali et son épouse Leïla s'enfuient en Arabie saoudite le 14 janvier 2011 / Le chah d'Iran et son épouse fuient au Maroc le 16 janvier 1979
Deux semaines plus tard, soit le 1er février, l’ayatollah Khomeiny rentre de son exil en France et est accueilli comme un sauveur par une foule de 2 millions de personnes.
Mais les Iraniens ont dû vite déchanter : à la dictature du chah s’est substituée celle, encore plus féroce, des fondamentalistes islamistes qui imposent une république islamique dans laquelle toutes les libertés sont bafouées. Au nom de Dieu, on tue ! Les Pasdarans se révèlent pires que les milices de la Savak !
Trente deux ans plus tard, le peuple iranien continue de souffrir le martyre, avec peu d’espoir à l’horizon, en témoigne la mascarade des élections de 2009.
Quant aux Iraniennes, elles vivent une situation bien plus dramatique : considérées comme des citoyennes de second ordre, elles peuvent être fouettées, humiliées, voire lapidées sous divers prétextes.
Le raïs et le cheikh
Je ne veux pas me comporter en oiseau de mauvais augure, mais je constate qu’il y a des similitudes frappantes entre les révolutions iranienne et tunisienne.
Les révolutionnaires et les soldats tunisiens fraternisent / Les révolutionnaires et les soldats iraniens fraternisent
Une situation économique très difficile et un étouffement des libertés poussent les Tunisiens à se révolter contre Ben Ali et à l’obliger à fuir un certain vendredi 14 janvier 2011. Il n’y avait aucune motivation religieuse derrière ce soulèvement populaire spontané qui ébranlera le reste du monde arabe.
Deux semaines après la fuite du dictateur tunisien, le dimanche 30 janvier, un certain cheikh rentre de son exil doré londonien pour récupérer et détourner ce que l’on a pris l’habitude d’appeler «la Révolution du Jasmin» et tenter d’entrainer le pays vers les abimes du fondamentalisme religieux.
2011, le niqab investit le quotidien des Tunisiens / 1979, le niqab investit le quotidien des Iraniens
Je souhaite de tout cœur que la comparaison que je fais entre les révolutions iranienne et tunisienne soit fausse, que les consciences assoupies se réveillent et que la société civile tunisienne réussisse à contrer les visées obscurantistes de certains qui voudraient faire de la Tunisie un second Iran !
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